En France, le transport est le premier émetteur de gaz à effet de serre (26 %), avant même l’industrie. Conscientes que le modèle du tout camion est appelé à changer, 35 grandes entreprises représentant la chaîne logistique complète, depuis l’industriel au transporteur, se sont réunies en 2004 au sein du club Déméter. Objectif : mettre en œuvre des actions logistiques concrètes respectueuses du développement durable. Avec, à la clé, une recherche d’économies. « Utiliser le ferroviaire, mieux remplir les camions, faire moins de kilomètres à vide, émettre moins d’énergie dans les entrepôts : tout cela génère des gains significatifs. Les entreprises l’ont bien compris, d’où le succès de Déméter, qui refuse du monde », indique l’animateur du club, Jean-Marie Picard. Coca-Cola, Kraft, Danone, Carrefour, Auchan, Casino, DHL, TFE figurent parmi ses membres.

Chaque année, le club détermine un thème qui donne lieu à une expérimentation dans quelques entreprises. Thème choisi cette année : associer les salariés aux projets de développement durable. Ce n’était pas du luxe. La grande majorité des collaborateurs des entreprises engagées dans l’expérimentation – 1 000 salariés dans 7 entrepôts de DHL, FM Logistic, Carrefour, Samada-Monoprix, Stef-TFE, Transalliance – estimaient, au démarrage de l’action, que leur entreprise ne s’impliquait pas suffisamment dans le développement durable. Une claque pour ces sociétés, toutes engagées dans des démarches environnementales !

Cela ne les a pas empêchés de s’impliquer à fond dans l’action qui leur était proposée. Ils ont défini trois projets par entrepôt – du type tri des déchets, réduction de la consommation d’eau ou d’énergie, recyclage, mise en place du covoitu-rage, etc. –, qu’ils ont mis en œuvre pendant quatre mois. Avec des résultats excellents dans tous les entrepôts. « Le tri des cartons, plastiques, papiers, cartouches d’encre dans l’entrepôt de Marolles (91) est passé de 40 % à 100 % pendant la ­durée de l’expérience », témoigne Didier Lesueur, directeur du marketing de DHL Logistique.

Clé de la réussite ? « L’appropriation : les salariés ont défini eux-mêmes les projets, qui vont dans le sens de la volonté du groupe, mais sans qu’elle leur soit imposée », constate-t-il. Le DRH de DHL Logistique, Denis Brongniart, compte bien valoriser cette action : « Cette expérience permet aux collaborateurs de faire le lien entre leur vie quotidienne, leur vie dans l’entreprise et la vision mondiale du groupe », observe-t-il. DHL est en effet engagée dans l’initiative mondiale Go Green, dont l’objectif est de réduire son empreinte carbone de 30 % d’ici à 2020. Les entreprises ont également constaté le caractère extrêmement fédérateur du thème de l’environnement.

« L’adhésion est totale. C’est un sujet non polémique sur lequel chacun se sent investi en tant que salarié et citoyen », estime Claude Samson, directeur général de Samada-Monoprix, en charge des RH. Dans l’entrepôt de Thiais (94), les salariés se sont mobilisés sur le tri sélectif, la réduction de la consommation d’eau et d’électricité et l’optimisation des transports. Il s’agissait d’augmenter le poids et la hauteur des palettes de 10 % pour réduire d’autant leur nombre, donc économiser en coûts de transport et d’émission de CO2. Le test est toujours en cours pour avoir une vision plus précise de l’impact. Très impliqués, les salariés ont proposé de nouvelles mesures comme l’installation d’un récupérateur d’eau. Ils ont également suivi une formation-sensibilisation de deux heures, très appréciée.

Les entreprises vont maintenant déployer l’expérimentation. Le club a défini un kit avec une trentaine de solutions dans lesquelles chacune pourra piocher sur le site intranet. Parmi elles, l’adossement de l’intéressement à des indicateurs de développement durable. Carrefour Logistique a ainsi désormais un indicateur sur le traitement des déchets dans son nouvel accord d’intéressement.