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Le traitement de la pénibilité reste à préciser

L’actualité | publié le : 20.07.2010 | AURORE DOHY

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Le traitement de la pénibilité reste à préciser

Crédit photo AURORE DOHY

Le gouvernement a laissé entendre que le projet de loi sur les retraites pourrait être aménagé dans trois domaines, dont celui de la pénibilité.

Alors que le projet de réforme des retraites a passé le cap de la présentation en Conseil des ministres le 13 juillet, Nicolas Sarkozy campe ferme sur ses positions : recul à 62 ans de l’âge de départ à la retraite et alignement des cotisations retraites entre secteur public et secteur privé. L’exécutif a cependant laissé entendre que des concessions sont envisageables dans trois domaines : les carrières longues, les polypensionnés et la pénibilité, ce dernier sujet cristallisant de nombreuses tensions.

Dans la version actuelle du texte, le “dispositif de prévention et de compensation de la pénibilité” est compris comme une extension du régime qui permet à tout salarié présentant une inaptitude au travail, médicalement constatée, d’au moins 50 % de prendre sa retraite à taux plein (art L. 351-7 et L. 351-8 du Code de la Sécurité sociale). Désormais, il faudra un taux d’incapacité d’au moins 20 % résultant d’une « usure physique avérée » pouvant être « vérifiable par le corps médical ». Le gouvernement, qui met en avant un « droit nouveau », s’est déjà fendu d’une campagne d’affichage sur laquelle un salarié explique qu’ayant mal au dos, il partira à la retraite à 60 ans.

Pour autant, ce dispositif qui ne devrait concerner que 10 000 assurés par an et qui ne reprend même pas les quelques points d’accord – critères définissant la pénibilité tels que travail de nuit, port de charges lourdes, manipulation de produits toxiques – dégagés lors de la négociation sur la pénibilité, qui a échoué, entre les partenaires sociaux en juillet 2008, est largement taxé de dispositif a minima. « La question de la pénibilité en elle-même est évincée, précise Philippe Caré, expert retraite chez Mercer. Un col blanc pourra prétendre accéder à ce dispositif, un ouvrier ayant passé sa vie sur une chaîne de montage en être écarté. »

Lien entre pénibilité et espérance de vie

« On confond pénibilité et incapacité. Personne ne conteste pourtant plus l’impact des conditions de travail sur l’espérance de vie », déplore de son côté Jean-Louis Malys, le négociateur pour la CFDT. La confédération continue de défendre sa proposition d’une année de bonification de cotisation pour dix années d’exposition dans un métier pénible. « Sur ce sujet, le gouvernement a malheureusement fermé la porte », précise le secrétaire national. Jusqu’où ? Interviewé par Entreprise & Carrières (n° 1009 du 6 juillet), Eric Woerth citait récemment « le lien entre les facteurs d’exposition à certaines catégories de risques et leur impact sur l’espérance de vie en bonne santé » comme un des « enjeux opérationnels » sur lesquels le gouvernement « continue de travailler ». Afin de favoriser la « traçabilité », le ministre du Travail évoquait en outre la mise en œuvre, dans les prochaines années, d’un « carnet de santé individuel au travail ».

« Propositions complémentaires » du gouvernement

Le jour de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, le ministre du Travail a également précisé que le gouvernement ferait des « propositions complémentaires » destinées à améliorer le « dispositif de recensement de la pénibilité subie par les salariés tout au long de leur vie active ». Il est pour autant exclu de faire partir les salariés ayant été exposés au travail de nuit, aux produits toxiques ou au port de charges lourdes. Une position que contestent un certain nombre de députés, de l’opposition comme de la majorité.

Le député UMP de l’Hérault, Jacques Domergue, a ainsi estimé que la notion d’incapacité retenue par le gouvernement n’était « pas le meilleur critère » et qu’elle serait source de « contentieux ». Un avis partagé par Philippe Caré, qui évoque la difficulté de mise en œuvre du dispositif. « Que signifiera un seuil de 20 % quand les critères qui définissent le seuil actuel de 50 % sont déjà flous ? s’interroge-t-il. Le projet n’apporte aucun éclaircissement sur ce point. »

Inciter à la signature d’accords

Avant d’être soumis au vote de l’Assemblée nationale à la rentrée, le projet de loi est examiné à partir du 20 juillet par la commission des affaires sociales. Son président, Pierre Méhaignerie, a d’ores et déjà fait part de sa volonté de proposer la création d’un fonds de dotation « financé par les entreprises, par l’Unédic et par la solidarité nationale », qui inciterait les entreprises ou les branches professionnelles à signer des accords de prise en compte de la pénibilité. Le député entend ainsi favoriser le temps partiel et le tutorat avant, en dernier recours, les départs anticipés.

En attendant, quelques entreprises ont pris les devants. Le 30 juin, le chimiste Rhodia a signé un accord prévoyant des cessations anticipées d’activité (Entreprise & Carrières n° 1009). Les salariés ayant travaillé un minimum de vingt-deux années en travail posté incluant du travail de nuit pourront quitter l’entreprise à 59 ans en percevant 75 % de leur dernier salaire. A partir de trente ans de travail posté, le départ pourra avoir lieu à 58 ans.Chez Arkema, un accord similaire avait déjà été conclu en avril.

Pour autant que les lignes soient réellement appelées à bouger, l’exécutif ne devrait cependant rien lâcher avant le débat en séance publique, le 6 septembre. « On va travailler tout l’été », a annoncé Nicolas Sarkozy, faisant état de prochains « contacts » avec les partenaires sociaux.

Article 31 du projet de loi : obligations en matière d’égalité professionnelle

→ Annoncée depuis longtemps (lire notamment Entreprise & Carrières n° 93), la sanction financière pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle arrive finalement dans l’article 31 de la loi sur les retraites. Elle concerne uniquement les entreprises de plus de 300 salariés.

→ L’employeur qui ne présente pas chaque année au comité d’entreprise un rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise est soumis à une sanction d’un montant maximum de 1 % de la masse salariale, versée au fonds de solidarité vieillesse.

→ Le montant de la sanction n’est pas automatique : il est fixé par l’administration, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise […] et des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations ».

→ Actuellement, seule la moitié des entreprises produisent un rapport de situation comparée.

Auteur

  • AURORE DOHY