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Les Yes Men : la farce au service d’une cause

Enquête | publié le : 20.07.2010 | C. T.

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Les Yes Men : la farce au service d’une cause

Crédit photo C. T.

Les Yes Men, activistes au look soigné de cadres supérieurs, multiplient farces et attrapes dans le monde de l’entreprise pour dénoncer les moins vertueuses d’entre elles.

Une joyeuse bande d’une centaine de personnes s’introduisait, à l’automne dernier, dans le magasin Whole Foods de New York (8,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires ; 181 millions de bénéfice ; 55 000 salariés), avec corne­muse et tambours et en criant : « Il y a une fuite dans l’allée santé publique ! » pour tourner en dérision les déclarations du Pdg de Whole Foods, John Mackey, hostiles à la réforme de l’assurance santé.

Ces drôles de clients s’inspiraient du film The Yes men fix the world* qu’ils venaient de voir. Son scénario : une collection d’impostures censées moquer les grandes entreprises et autres organisations au comportement peu exemplaire… imaginées par deux farceurs redresseurs de torts Andy Bichlbaum et Mike Bonanno, qui se sont rebaptisés les Yes Men.

Ces deux hommes au look de cadres ont convaincu, à travers leur film, leurs spectateurs d’un soir de monter leur propre événement chez Whole Foods. Son fondateur, John Mackey, qui défend a priori des valeurs appréciées – une alimentation saine et des produits frais – est également amateur de la très libre entreprise et a écrit dans le Wall Street Journal qu’il était contre la mainmise de la Maison blanche sur l’assurance santé. « Il n’y a aucun droit intrinsèque à la santé » inscrit dans la déclaration d’indépendance ni dans la Constitution, a-t-il expliqué.

Conquête d’un soir

Les Yes Men n’ont pas apprécié, les spectateurs du film non plus. Et tous d’improviser la conquête d’un soir du grand magasin. Les pseudo-clients se sont introduits discrètement dans ses allées. L’un d’eux, muni d’un mégaphone, alerte soudainement de « la fuite ». Tous ces « clients » chantent alors sur un air connu : « Hey Mackey, ça n’a pas l’air de t’intéresser ; on n’est pas aussi riches que toi mais on a besoin d’avoir la santé… » Depuis, désireux de redorer son blason, John Mackey a affirmé que 90 % de ses salariés sont assurés… sans qu’une intervention du gouvernement ait été nécessaire. Andy Bichlbaum et Mike Bonanno n’en ont cure. Ils préparent déjà dans leur laboratoire virtuel, avec des amis internautes, leurs futures farces.

Les Yes Men ont signé leur premier grand coup en 2004 en créant un faux site Dow Chemical sur Internet. Les journalistes de la chaîne anglaise BBC sont trompés et filment l’étonnante interview du pseudo-porte-parole de l’entreprise chimique. Le groupe, qui a racheté Union Carbide responsable de l’explosion d’une usine chimique à Bhopal en Inde vingt ans auparavant, aurait décidé de mettre sur la table 12 milliards de dollars pour indemniser survivants et familles des victimes. Cette imposture fera grand bruit et sera suivie de nombreuses autres, censées révéler le cynisme de certaines entreprises.

Ces Robins des bois du XXIe siècle ont peaufiné leur technique : ils commencent par mettre sur orbite un faux site, se font ensuite inviter dans des conventions d’entreprise et y lâchent avec un air sérieux leurs mensonges comme autant de grenades. Et plus c’est gros, plus les participants y croient…

* Les hommes du Oui réparent le monde.

Auteur

  • C. T.