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« La valeur très positive de l’humour au sein de l’entreprise est un phénomène universel »

Enquête | L’entretien avec | publié le : 20.07.2010 | ANNE LE NIR

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« La valeur très positive de l’humour au sein de l’entreprise est un phénomène universel »

Crédit photo ANNE LE NIR

E & C : Vous avez élaboré un questionnaire portant sur le rôle de l’humour dans le milieu du travail, auquel 2000 personnes réparties dans les pays du G8* ont répondu. Quelles conclusions en tirez-vous ?

M. S. : Je tiens à spécifier tout d’abord que les personnes interrogées sont des cadres ou des managers qui ont eu l’occasion de travailler dans un milieu international, soit parce qu’ils ont quitté leur pays, soit parce qu’ils ont été, ou sont encore en contact avec des collègues étrangers. Il s’agit donc d’une étude effectuée dans un contexte économique, social et culturel plutôt favorisé.

Cela dit, cette recherche, entamée il y a quatre ans, démontre que la valeur très positive de l’humour au sein de l’entreprise est un phénomène universel, même si l’on constate l’existence de quelques exceptions.

Des études remontant aux années 1970 indiquaient que les femmes tendaient à apprécier l’usage de l’humour mais qu’elles étaient peu nombreuses à s’en servir. Aujourd’hui, cette différence entre hommes et femmes est vraiment minime. Toutefois, on peut parler de résistance dans deux pays : le Japon et l’Italie.

E & C : Comment expliquez-vous cette résistance des Japonaises et des Italiennes ?

M. S. : Il s’agit de pays où le pouvoir décisionnel de l’homme demeure très dominant, que ce soit sur le plan politique, économique ou familial. De plus, en ce qui concerne l’Italie, les formes d’humour utilisées dans la vie quotidienne ont souvent des connotations sexuelles et religieuses qui ne plaisent pas aux femmes, plus ancrées dans les traditions.

E & C : Restons en Italie, le poids des traditions, religieuses ou familiales, pèse-t-il encore dans la gestion et la communication en entreprise ?

M. S. : Oui, absolument ! Plus que partout ailleurs en Europe, les entreprises, dont l’histoire est étroitement liée à celle de leur fondateur et dont la grande majorité continue à être gérée de père en fils, sont encore très réticentes à ouvrir leurs portes à des techniques de coaching qui utilisent l’humour – et le rire – dans le cadre de la formation continue, par peur d’un affaiblissement du leadership. C’est le cas même pour des géants de l’industrie comme Ferrero et Fiat.

On constate toutefois une ouverture récente dans certaines entreprises italiennes à l’utilisation de comiques devenus célèbres grâce au petit écran, comme le groupe Zelig, pour favoriser la créativité et affirmer l’esprit d’équipe. Mais l’usage de l’humour est encore trop peu répandu.

E & C : Vous affirmez pourtant que le recours ? à l’humour présente des avantages encore plus appréciables en cette période de crise globale et donc d’incertitude…

M. S. : Que ce soit au Canada, en Allemagne ou en Espagne, plus de 90 % des sondés estiment que l’humour positif et bienveillant contribue au bien-être physique et psychique de chacun, et qu’il en résulte donc au niveau personnel un meilleur rendement et une diminution de l’absentéisme.

Au niveau relationnel, les avis sont pratiquement unanimes sur le fait que le recours à l’humour permet de mémoriser concepts et consignes bien plus facilement, qu’il diminue l’agressivité entre collègues, renforce le leadership, et qu’il améliore nettement le sens de la convivialité et la résistance face aux agressions du monde extérieur.

E & C : En Italie, les syndicats demeurent encore très puissants, notamment la CGIL (centre gauche, 5 millions d’adhérents). L’humour ou la caricature sont-ils utilisés comme armes de combat dans les périodes de fortes tensions sociales ?

M. S. : Là encore, on retrouve la même problématique que dans les entreprises à gestion familiale : un parfum désuet imprègne les syndicats italiens. Je déplore fortement le fait que l’humour, le rire et la caricature soient étrangers au monde syndical. L’étude que j’ai menée confirme que ce sont des instruments précieux pour désamorcer les conflits.

En revanche, en Italie, lors des manifestations contre les politiques sociales et économiques du gouvernement ou contre le président du Conseil, Silvio Berlusconi, alors là oui, on voit dans les rues tout l’art des Italiens à caricaturer un personnage, une situation, des émotions, à intégrer l’humour et les jeux de mots sur des banderoles ou des pancartes. Ce sont des vecteurs de communication bien plus percutants que les discours des leaders syndicaux en clôture de manifestation !

* Etats-Unis, Canada, Japon, Russie, Allemagne, France, Espagne, Italie.

Auteur

  • ANNE LE NIR