logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

BNP devra mieux anticiper le retour de congé parental

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 13.07.2010 | LYDIE COLDERS

Bien qu’investie dans une politique d’égalité professionnelle, la banque a été jugée responsable de discrimination envers une cadre de retour de congé parental de longue durée. Désormais, BNP Paribas réfléchit à améliorer les processus de réintégration.

Une décision de justice embarrassante : bien que signataire d’un accord sur l’égalité professionnelle hommes-femmes en 2004, BNP Paribas a été condamnée le 10 mai dernier par la cour d’appel de Paris à 150 000 euros de dommages et intérêts pour avoir discriminé une salariée à son retour de congé parental. Pour le moment, la BNP ne s’est pas prononcée sur un éventuel recours.

Dix ans d’absence

Le cas se singularise par sa durée : cette mère de 5 enfants, chargée d’affaires au pôle financier de la banque, s’est absentée pendant dix ans via différents congés (sans solde, parental, congé supplémentaire proposé par la banque…). A son retour en 2000, son absence de longue durée et sa demande de réintégration en 2/5 ont été considérées « comme un obstacle », selon les témoignages d’un délégué du personnel et selon un mail du service RH du pôle financier figurant dans l’arrêt. « Quand on gère des opérations de fusions-acquisitions, il faut une grande disponibilité, les horaires sont dictés par la bourse », explique-t-on à BNP Paribas.

Problème : cette femme n’a jamais eu officiellement d’entretien avec les RH du pôle financier dont elle dépendait. « Le seul entretien que la BNP lui ait proposé, c’est avec la gestionnaire de carrière de la banque de détail, ce qui prouve bien qu’ils ne savaient pas quoi faire d’elle », estime Emmanuelle Boussard-Verrecchia, avocate de la plaignante. A BNP Paribas, l’avis est radicalement opposé : dans le contenu de l’entretien entre l’intéressée et la RH de l’activité banque de détail produit lors de l’audience, « il est indiqué que cette personne ne souhaitait pas revenir à son poste précédent, ni occuper un poste de management ».

Face à ces divergences, la cour d’appel a tranché, considérant que cet entretien dans la banque de détail « ne signifiait pas pour autant que cette salariée ait renoncé à son poste au sein du pôle financier ». Les juges rappellent par ailleurs qu’un salarié de retour de congé parental doit retrouver son ancien poste, sauf si celui-ci est indisponible (lire encadré). La BNP aurait donc commis une erreur en orientant d’emblée cette cadre diplômée d’HEC vers une autre activité (entre 2000 et 2006, elle a occupé différents postes dans le marketing au sein de la ban­que de détail, dont celui de responsable marketing au service entreprises). Des emplois « nettement moins prestigieux », selon son avocate, accompagnés d’une baisse de salaire sensible reconnue par la cour d’appel, qui a estimé cette femme pénalisée par son statut de femme et de mère de famille.

Manque de preuves « objectives »

Leçon à retenir que BNP Paribas semble avoir oubliée : les dispositions de l’accord de branche du secteur bancaire datant de 1996 (et de l’accord d’entreprise) prévoyant la possibilité de réintégrer le salarié à un poste « similaire ou différent correspondant à la qualification » à l’issue d’un congé parental n’étaient pas appli­cables, car moins favorables que la loi.

Si la banque relativise cette affaire, évoquant un « cas isolé, bien antérieur à notre politique en matière de diversité », elle avoue tout de même « réfléchir à améliorer les traces écrites des souhaits émis par le salarié, par l’envoi d’un mail avant son retour par exemple ». Les juges ont en effet estimé que les conditions de réintégration de cette femme manquaient de preuves « objectives », à la charge de l’employeur s’il conteste la discrimination : « La BNP n’a pas justifié de l’indisponibilité ou de la disparition de l’emploi d’analyste financier occupé par cette salariée auparavant, ni de l’impossibilité d’un emploi à temps partiel au sein du pôle financier. » Fait aggravant : outre l’absence d’un poste précis, la banque ne lui aurait pas proposé une formation comme le prévoit le code du travail à l’issue d’un congé parental. Cette cadre a seulement bénéficié « d’un stage de trois mois, dont l’employeur n’a pas justifié du contenu, qualifié par la RH elle-même de tour de piste dans différents services ».

A l’avenir, la banque, qui vient de former 500 managers à la non-­discrimination, devra veiller à mieux anticiper ces retours…

UN RETOUR À L’EMPLOI ENCADRÉ PAR LA JURISPRUDENCE

• La jurisprudence a fait évoluer la notion de retour à l’emploi défini par l’article 1255-55 du code du travail indiquant que « le salarié de retour de congé parental doit retrouver son emploi précédent ou un emploi similaire dont une rémunération au moins équivalente ».

•En 1993 et, plus récemment, le 11 mars 2009, sur un cas similaire à celui de la BNP, la Cour de cassation a estimé que c’est « seulement lorsque l’emploi n’est plus disponible » que l’entreprise peut refuser la réintégration d’un salarié à son poste antérieur. Elle a estimé en outre que la formation envisagée au retour d’un congé parental ne peut être imposée et doit correspondre au poste souhaité par le salarié.

Auteur

  • LYDIE COLDERS