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Une vitalité en trompe-l’œil

Enquête | publié le : 06.07.2010 | E. F.

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Une vitalité en trompe-l’œil

Crédit photo E. F.

Le nombre d’accords d’entreprises et de thèmes qu’ils abordent a beaucoup progressé en trente ans. Mais c’est toujours le législateur qui fixe le cap et la cadence. La qualité des accords reste difficile à évaluer.

A en juger par les derniers chiffres du ministère du Travail(1), la négociation collective en entreprise se porte bien : 28 185 accords ont été déposés auprès de ses services, un peu plus que l’année précédente (+ 3,8 %). Il y en avait moins de 5 000 au milieu des années 1980. Cette vitalité est toutefois en trompe-l’œil. Les accords, définis comme tels par les services du Ministère dès lors qu’ils comportent la signature de l’employeur et des représentants des salariés, ne représentent, en fait, qu’une petite moitié des textes en provenance des entreprises (environ 60 000). En effet, plus de 31 000 textes ont été soit ratifiés par référendum, soit signés par la seule direction, et ne sont donc pas l’aboutissement d’une négociation. Ces textes-là concernent essentiellement l’épargne salariale.

Nouvelle contrainte légale

Quant aux accords eux-mêmes, plus de 90 % concernent des thèmes relevant de la négociation obligatoire, à laquelle les directions ne peuvent donc pas se soustraire. Ainsi, 33 % concernent les salaires ; 26 % le temps de travail ; 19 % l’épargne salariale ; 13 % l’emploi ; 8 % la prévoyance ; 7 % l’égalité professionnelle. Il n’est dès lors pas exclu que la principale raison qui pousse les partenaires sociaux à négocier soit la contrainte légale. A l’appui de cette hypothèse, on constate que la forte progression entre 2008 et 2009 du nombre d’accords traitant de l’emploi et de l’égalité professionnelle correspond à la création d’une nouvelle contrainte concernant l’emploi des seniors, et à l’approche de l’échéance de 2010 pour la suppression des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.

Accords minimaux

Enfin, le contenu des accords paraît parfois davantage dicté par un souci de ne pas se mettre dans l’illégalité que par celui de faire progresser effectivement la situation. C’est, du moins, ce qui ressort des rares bilans qualitatifs.

Ainsi, s’agissant des seniors, les entreprises ont fait le minimum. La loi prévoit qu’une pénalité d’un montant de 1 % de la masse salariale s’applique, dès 2010, aux entreprises d’au moins 50 salariés qui ne seraient pas couvertes par un accord ou par un plan d’actions relatif à l’emploi des seniors. L’accord ou le plan d’actions comporte obligatoirement un objectif chiffré et des dispositions portant sur 3 domaines d’actions au moins, choisis parmi une liste de 6 fixée par décret.

La Direction générale du travail a analysé(2) un échantillon de 30 accords ou plans d’actions provenant d’entreprises des secteurs de l’administration et de la construction. Les services du ministère du Travail ont cherché à savoir combien de domaines d’actions sont inscrits dans les accords ou les plans ; lesquels ; et quels sont les indicateurs chiffrés (lire Entreprise & Carrières n° 1008).

Résultats : « La majorité des textes analysés ne font que respecter l’obligation de citer 3 domaines », relèvent les auteurs. Et « lorsqu’ils en mentionnent davantage, les dispositions prévues pour ces derniers ne s’accompagnent pas systématiquement d’objectifs chiffrés ».

En outre, « s’agissant des objectifs chiffrés, les indicateurs utilisés ne permettent pas toujours d’évaluer le degré d’engagement que ces objectifs représentent réellement pour les entreprises ». Et d’ironiser : « satisfaire 100 % des demandes de formation émanant de seniors lorsqu’il n’y en a pas n’est pas un objectif contraignant. »

Même constat décevant sur les accords d’égalité hommes-femmes. La loi du 23 mars 2006 sur l’égalité salariale impose aux entreprises de négocier sur ce thème, sur la base d’un rapport de situation comparée. Le ministère du Travail a souhaité en savoir davantage sur le contenu des accords conclus dans ce cadre. L’étude réalisée par ses services(3) porte sur un échantillon de 389 accords d’entreprises signés entre mi-2006 et fin 2007. « L’analyse du contenu des accords […] conduit à dresser un bilan mitigé […] », relèvent les auteurs. Les textes sont principalement constitués du rappel des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement.

Par ailleurs, la plupart des textes mentionnent l’existence du rapport de situation comparé, mais les indicateurs chiffrés sont utilisés dans moins de 40 % des accords. Surtout, les entreprises éprouvent des difficultés pour établir un diagnostic et reconnaître l’existence d’écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. « Constater des écarts peut être embarrassant, voire dangereux, car cela expose à des plaintes », expliquent les auteurs. Enfin, s’agissant des mesures correctives, « même si quelques “bonnes pratiques” ont tendance à se diffuser, ces mesures restent bien souvent cantonnées aux déclarations d’intention ».

(1) Bilan de la négociation collective 2009, DGT, juin 2010.

(2) « Premiers éléments d’analyse et exemples illustratifs d’accords d’entreprises et de plan d’actions relatifs à l’emploi des salariés âgés », Bilan de la négociation collective en 2009, DGT, 2010.

(3) « Analyse du contenu des accords d’entreprise portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes signés depuis la loi du 23 mars 2006 », Bilan de la négociation collective en 2008, DGT, 2009.

Auteur

  • E. F.