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Licenciement économique : brèves observations sur les modifications à la loi sur le reclassement

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 29.06.2010 |

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Licenciement économique : brèves observations sur les modifications à la loi sur le reclassement

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La recherche de postes de reclassement est une des phases les plus redoutées de la procédure de licenciement pour motif économique.

Guidée par un objectif en apparence simple – tout faire pour identifier et proposer un ou plusieurs postes au salarié dont le licenciement est envisagé –, la recherche de ces postes et leur éventuelle proposition est en pratique une course contre la montre et une succession de chausse-trappes qui donnent parfois le sentiment d’avoir été créées aux seules fins de faire trébucher une entreprise par définition déjà plongée dans les difficultés.

C’est dans ce contexte qu’intervient la loi du 19 mai 2010, qui modifie l’article L. 1233-4 et crée l’article L. 1233-4-1 du Code du travail. La modification de l’article L. 1233-4 est un ajout. En effet, à l’exigence déjà existante de rechercher et de proposer un « emploi équivalent » est ajoutée celle d’une « rémunération équivalente ».

S’agit-il réellement d’une grande nouveauté ? Pas vraiment. En effet, lorsque le poste équivalent est situé en France, la différence de rémunération est rarement marquée au point de créer une difficulté. Non, chacun l’aura compris, le but avoué du législateur est de mettre un terme aux offres de reclassement jugées « indignes » parce que situées dans des sociétés du groupe à l’étranger, dans des pays dont les rémunérations n’ont rien à voir avec les standards français.

Une telle intervention était-elle nécessaire ? Au plan du droit, assurément pas : ces propositions sont parfaitement conformes aux exigences de la loi et leur absence est sanctionnée par l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Au plan médiatique, probablement, car c’est une foudre aussi soudaine que totalement dénuée de justification qui s’abat systématiquement sur les entreprises qui, appliquant la loi (!), proposent de tels postes…

L’exigence d’équivalence des rémunérations est-elle de nature à calmer les esprits ? Le recul manque mais, d’ores et déjà, une première difficulté pointe. Par équivalence, convient-il de comprendre équivalence dans les montants ou dans le pouvoir d’achat que la rémunération versée procure dans un contexte donné ? Il est bien évident qu’un Smic français représente une somme extrêmement importante dans des pays à faible coût de main-d’œuvre ; le salarié français dont la rémunération est supérieure au Smic et auquel ce dernier aura été proposé sur un poste à l’étranger sera-t-il en droit de se prévaloir d’une violation de la loi, alors même que son train de vie serait supérieur compte tenu des différences de niveau de vie entre la France et le pays d’accueil ?

C’est probablement afin de limiter ce type de risque qu’a été créé l’article L. 1233-4-1, qui impose à l’employeur de remettre au salarié, avant toute proposition de poste, un questionnaire afin de recueillir ses souhaits si un poste à l’étranger devait être identifié. Il appartient alors au salarié de répondre sous 6 jours en mentionnant les éventuelles restrictions qui sont les siennes, non seulement sur le principe même d’un reclassement à l’étranger mais également, en cas d’accord sur ce principe, sur les conditions dans lesquelles il accepte qu’une telle offre lui soit faite.

Sur la forme, et bien que la loi ne le précise pas, ce questionnaire devra être écrit pour des raisons de preuve évidentes.

Sur le fond, en attendant éventuellement le modèle administratif évoqué par le ministre du Travail dans le cadre de la circulaire d’interprétation de la loi, le contenu du questionnaire demeure inconnu, mais des pistes minimales peuvent déjà être dégagées. A l’instar de la proposition de poste elle-même, « précise » selon la loi, le questionnaire devra couvrir les sujets essentiels que sont les fonctions acceptées par le salarié, la rémunération, le lieu de travail, le temps de travail, la protection sociale, voire, pourquoi pas, des sujets plus périphériques tels que la proximité des écoles. Cette rédaction devra être soignée et précise, afin de s’épargner des débats judiciaires stériles et de garantir un tant soit peu la sécurité juridique d’une procédure qui en manque cruellement.

Laurent Guardelli, avocat au barreau de Paris, chez Field Fisher Waterhouse LLP, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.