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Les pratiques

Questions à Jean-Louis Ermine, doyen de recherche, expert de l’AIEA : « La gestion des connaissances est stratégique »

Les pratiques | publié le : 22.06.2010 | LAURENT GÉRARD

E & C : Selon vous, la filière nucléaire pourrait manquer de compétences. Comment cela se traduit-il ?

J.-L. E. : Dans le monde entier, la course au nucléaire civil est repartie. C’est une opportunité historique pour les opérateurs de cette industrie. Or, récemment, la France, emmenée par Areva, EDF, GFD Suez et Total, a perdu le marché de 20 milliards de dollars à Abu Dhabi ! Il a été remporté par un consortium nucléaire de Corée du Sud. Certaines analyses pointent, parmi les raisons de cet échec, le fait que les concurrents français n’ont pas su répondre aux besoins en formation du personnel.

La construction d’une centrale nucléaire n’est pas qu’un problème d’ingénierie, c’est un processus long et multiple, qui nécessite la mise en place du système des savoirs qui garantira la bonne utilisation de la structure. Le problème de fond est donc posé, celui de la gestion des connaissances, qui considère que les savoirs et savoir-faire sont une ressource stratégique pour toute organisation.

E & C : Areva, EDF… font-ils le nécessaire pour maintenir leurs compétences ?

J.-L. E. : Areva et EDF sont sûrement plus avancés dans ce domaine que les autres industriels français, car ils développent une politique de knowledge management. Le chantier a commencé, mais il n’est pas encore au niveau d’exigence requis.

La plupart des entreprises pensent ne subir qu’un “creux” de connaissance, c’est-à-dire un renouvellement lent des compétences. Très peu envisagent un scénario catastrophe, aboutissant à un “crash” de connaissance dû à la perte rapide des capacités stratégiques d’une organisation. Pourtant, des signaux faibles apparaissent, qui militent en faveur d’une prévention du risque renforcée.

E & C : Que préconisez-vous en termes de politique de préservation des compéten­ces et connaissances ?

J.-L. E. : Une politique en trois phases. La première doit permettre une analyse de la criticité des connaissances et des savoir-faire dans l’entreprise, et de cartographier celles qui sont rares – menacées par les départs à la retraite –, indispensables à l’entreprise et longues à acquérir.

Dans la deuxième phase, il faut réaliser une structuration et une capitalisation des connaissances, avec entre autres des actions d’explicitation des “connaissances tacites”, notamment celles des experts qui partent à la retraite.

La troisième phase du chantier doit permettre la mise en place de dispositifs de transfert et d’évolution des connaissances : serveurs de connaissances, dispositifs d’apprentissage des savoirs métiers, communautés de savoirs, de pratiques, dispositifs de supports pour l’évolution des connaissances…

Auteur

  • LAURENT GÉRARD