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L’Apec dans la tourmente

Les pratiques | publié le : 15.06.2010 | SARAH DELATTRE

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L’Apec dans la tourmente

Crédit photo SARAH DELATTRE

L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) avait jusqu’à ce 15 juin pour répondre au rapport de l’Igas, qui recommande notamment un rapprochement avec le service public de l’emploi. Les incertitudes sur l’avenir de l’association sont d’autant plus sérieuses que s’achève la cotraitance avec Pôle emploi.

L’Apec finira-t-elle par se fondre dans Pôle emploi ? Si le scénario reste futuriste, il est néanmoins évoqué dans un rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), remis au conseil d’administration courant mai. Cette piste signerait la fin du paritarisme pour l’Apec, à la plus grande satisfaction du gouvernement, qui rêve de faire main basse sur ce trésor de guerre constitué des cotisations obligatoires supportées par les cadres et leurs employeurs. Une manne annuelle qui s’élevait à 94,1 millions d’euros en 2009, sur un budget global de 130 millions d’euros. « Mais aujourd’hui, le rapprochement entre l’Apec et Pôle emploi n’est pas à l’ordre du jour, la réflexion des pouvoirs publics n’est pas mûre sur le sujet », rassure Eric Verhaeghe, président (Medef) de l’Apec.

Toutefois, les incertitudes sur l’avenir de l’Apec et de ses 900 salariés sont d’autant plus sérieuses qu’elle a perdu, au début de l’année, le monopole de l’accompagnement des cadres chômeurs, et que sonne le glas de la cotraitance avec Pôle emploi, en vigueur depuis la mise en œuvre en 2001 du Plan d’aide au retour à l’emploi (Pare). Un marché qui concernait 35 000 chômeurs en 2009 pour une enveloppe d’environ 20 millions d’euros.

Des conséquences difficiles à évaluer

L’Apec a bien sûr répondu à l’appel d’offres lancé par Pôle emploi dans le cadre des marchés publics de service d’insertion professionnelle, qui concerne le suivi de 28 000 à 70 000 demandeurs d’emploi cadres dans 16 régions (correspondant à des lots). Décision sera rendue fin juin-début juillet.

Si les conséquences pour l’Apec sont encore difficiles à évaluer, il lui suffirait de remporter entre un tiers et la moitié des lots pour limiter la casse, les modalités d’accompagnement étant durcies (un conseiller Apec suivrait trois fois moins de chômeurs). « L’année 2010, mais cela est vrai de la période 2010-2012, sera celle de changements importants pour les salariés de l’Apec », souligne son plan d’objectifs, de moyens et de gestion 2010-2012, qui a prévu une dotation budgétaire exceptionnelle de 4 millions d’euros pour sécuriser les évolutions professionnelles.

« L’enjeu désormais est de redéployer un volume important de ressources – 80 équivalents temps plein – en faveur de services aux cadres en activité, et de nouveaux engagements professionnels. » Pour accompagner les changements de métier du consultant, l’Apec prévoit également « un institut de conseil » et « un responsable de la prospective métier ».

Une réserve de trésorerie de 100 millions d’euros

Si l’Igas juge rigoureuse la gestion de l’Apec, elle critique l’importance injustifiée de la réserve de trésorerie de 100 millions d’euros. La moitié de ces fonds vont d’ailleurs financer des mesures d’accompagnement et de formation pour 15 000 cadres chômeurs en fin de droit dans le cadre du Plan rebond. L’Igas insiste aussi sur la nécessité de séparer les missions relevant de l’intérêt général, financées sur les cotisations, des activités commerciales (événementiel, bilans de compétences…), qui pourraient être chapeautées par une société anonyme.

Déjà, l’association met de l’ordre dans ses comptes depuis que l’Etat, cherchant à exercer un contrôle sur les orientations budgétaires, avait qualifié d’aides d’Etat les cotisations, en réponse aux interrogations de la Commission Européenne en 2005.

Cinq missions d’intérêt général

Toute la difficulté étant de savoir, dans un contexte d’ouverture à la concurrence du marché de l’emploi, ce qui relève encore de l’intérêt général. Dans son plan d’objectifs, de moyens et de gestion, l’Apec se donne ainsi 5 missions d’intérêt général, financées grâce aux cotisations : accompagner les cadres en activité et contribuer à renforcer la maîtrise de leur avenir professionnel (30,3 millions d’euros en 2009); créer un système d’information permettant d’accéder de façon fiable au marché (7,8 millions d’euros); accompagner les recruteurs (39 millions d’euros) ; favoriser l’accès au premier emploi (9,4 millions d’euros); développer des études (5,5 millions d’euros).

Plus question donc de renflouer des activités commerciales déficitaires en piochant dans les cotisations. Un changement de politique symbolisé par la cession, le 1er juin dernier, du journal Courrier Cadres au groupe Touati, réputé dans le monde de la presse pour ses pratiques sociales bas de gamme. En déficit de 3,5 millions d’euros, le magazine, qui emploie une trentaine de salariés, faisait peser « un risque d’insécurité juridique », dixit Eric Verhaeghe.

Mise en danger de la vie d’autrui

Mais, depuis, l’ambiance au sein de la rédaction est devenue délétère. Le mal-être s’est installé à Courrier Cadres comme dans les autres services. Après une tentative de suicide dans un centre Apec, le CHSCT a d’ailleurs porté plainte contre X pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui.

L’essentiel

1 Pôle emploi a lancé un appel d’offres pour l’accompagnement des cadres demandeurs d’emploi, mettant fin au monopole de l’Apec, aujourd’hui sur les rangs pour remporter le marché.

2 Un rapport de l’Igas prône un rapprochement de l’association avec le service public de l’emploi, et préconise de séparer les missions de service public des activités commerciales de l’Apec.

3 En interne, les mutations en cours s’accompagnent d’un sentiment de malaise des salariés, qui a conduit le CHSCT à saisir la justice.

Auteur

  • SARAH DELATTRE