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Les pratiques

La SNCF aide les cheminots à changer de voie

Les pratiques | publié le : 08.06.2010 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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La SNCF aide les cheminots à changer de voie

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

En charge des recrutements internes, les nouveaux espaces mobilité emploi de la SNCF s’appliquent à mettre en adéquation les besoins des branches avec les ressources disponibles. En favorisant, de fait, la mobilité intra-groupe.

L’idée des espaces mobilité emploi (EME) de la SNCF a germé dans le cadre des réflexions menées sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ils figuraient d’ailleurs dans l’accord GPEC signé le 16 décembre 2008 sous l’appellation “espaces emploi mobilité carrière”, décrits comme des lieux « de coordination des actions de conseil, d’orientation et de bilan professionnel, à disposition des salariés dans le cadre d’une démarche individuelle ».

Aujourd’hui, le concept est devenu l’un des leviers du programme « Nouvelle dynamique métiers » impulsé par l’entreprise. « Nous revisitons l’ensemble de nos moyens d’action pour l’emploi, dans une démarche mieux intégrée aux différentes branches de la SNCF », expose Jean-Pierre Aubert, directeur délégué à l’évolution des métiers et de l’emploi. Décidé à l’été 2009, le dispositif EME a été mis en œuvre au premier trimestre 2010. L’objectif est de mettre en adéquation les besoins de compétences émis par chacune des cinq activités de l’entreprise (infrastructures, transports de proximité, voyages, fret, gares) avec toutes les ressources devenues disponibles en interne. Y compris celles issues de suppressions de postes.

C’est pourquoi le sujet est brûlant en interne. Lors du mouvement de grève d’avril dernier, l’emploi, l’organisation de la production, l’avenir du fret et les conditions de travail avaient cristallisé, avec la question des salaires, le mécontentement des cheminots. Dans ce contexte, certains syndicats ne voient dans les EME que des agences Pôle emploi internes chargées de “recaser” les salariés touchés par les restructurations en cours.

Recrutements externes

Une vision réductrice, répond Jean-Pierre Aubert, qui insiste sur l’utilité pérenne du dispositif pour les 155 000 agents de l’Epic SNCF (le groupe, composé de l’établissement public industriel et commercial et de ses filiales, affiche au total quelque 233 000 salariés). « Au-delà des difficultés conjoncturelles ou particulières auxquelles sont confrontées certaines activités comme le fret, nous avons continuellement besoin de réaffecter nos ressources du fait des départs naturels, des souhaits individuels de mobilité ou de l’évolution des métiers. En outre, toutes les activités ne se développent pas au même rythme », expose-t-il.

D’où des besoins non couverts par la mobilité interne. La SNCF a ainsi programmé 2 300 recrutements externes cette année, tout en tablant sur une population d’environ 2 000 agents « disponibles ». La CGT, l’Unsa, SUD-Rail et la CFDT dénoncent, pour leur part, la suppression de 3 600 postes. Quoi qu’il en soit, les EME sont ­désormais à la manœuvre pour assurer les reconversions des agents d’exécution et de maîtrise, les cadres disposant d’une structure spécifique.

Priorité aux solutions locales

« La priorité est donnée à la recherche de solutions locales, en ouvrant, le cas échéant, des passerelles entre l’Epic et ses filiales sur la base du volontariat, soutient Jacques Rascol, directeur délégué adjoint à l’évolution des métiers et de l’emploi, en charge de la partie opérationnelle du projet. Dans ce cas, l’agent garde son statut mais il est mis à disposition de la filiale avec possibilité de retour. » A défaut, une mobilité géographique assortie d’un accompagnement adapté (avec des aides particulières pour l’Ile-de-France, qui a de gros besoins) peut être proposée aux volontaires. Les évolutions fonctionnelles nécessitant une adaptation de compétences sont soutenues par un programme de formations préqualifiantes (dispensées par les Greta et l’Afpa), établi en concertation avec chacune des branches de l’entreprise. De quoi donner aux agents les connaissances de base qui leur permettront ensuite d’intégrer des formations métiers. « Nous avons également mis sur pied des formations qualifiantes, par exemple sur les métiers de l’informatique où nous allons créer 200 emplois dans les trois ans à venir », ajoute Jacques Rascol.

Une obligation de résultat

Pas si simple, cependant, de faire le grand écart pour des agents qui ont exercé le même métier pendant des années. « Certains cas sont difficiles à traiter, convient le directeur délégué adjoint, mais nous allons actionner tous les leviers car nous avons une obligation de résultat. » Des agents se verront ainsi proposer une activité tem­poraire de transition pour découvrir d’autres métiers. « Nous allons même réinternaliser­ certains emplois dans le domaine de l’entretien des locaux, du courrier, du transport interne… pour gérer, au cas par cas, les personnes les plus en difficulté. » Et Jean-Pierre Aubert d’enchaîner : « Nous souhaitons que les agents aient un projet le plus vite possible, mais nous n’avons pas voulu fixer de limite à l’accompagnement. Nous privilégions la qualité et la sécurité du parcours, même s’il est long ». La SNCF est du reste en train de monter des indicateurs pour suivre le travail des EME.

Cependant, les organisations syndicales restent très critiques. L’Unsa-Cheminots reconnaît toutefois manquer de recul sur le dispositif : « Nous faisons remonter les informations de nos unions régionales et nous verrons bien comment les cheminots tirent parti du système », résume un responsable.

Des syndicats très critiques

L’avis de SUD-Rail est beaucoup plus tranché. « A terme, ces espaces ne serviront qu’à mettre les salariés à la porte, estime Nathalie Bonnet, secrétaire fédérale. Avec toutes les suppressions de postes de ces dernières années, les possibilités de reclassement sont devenues extrêmement limitées. Et, au bout de quelques mois, les agents affectés à un EME – qui ne dépendront même plus de leur établissement d’origine, mais directement de cette ANPE locale – devront accepter n’importe quoi. » Une situation génératrice de souffrance, juge le syndicat, qui craint également une dégradation des conditions de travail pour les agents qui seront transférés dans les filiales de droit privé.

L’essentiel

1 Avec ses nouveaux espaces mobilité emploi, la SNCF entend mettre en adéquation les besoins de l’entreprise avec les ressources internes disponibles, en privilégiant les solutions locales.

2 Destinées aux agents d’exécution et de maîtrise, ces entités sont chargées d’accompagner les intéressés dans leur projet de mobilité fonctionnelle ou géographique.

3 Les transferts vers les filiales de droit privé inquiètent les syndicats, qui perçoivent les espaces mobilité emploi comme des agences Pôle emploi internes.

Le dispositif espace mobilité emploi (EME)

→ Il comprend 23 entités, réparties sur le territoire, qui travaillent en collaboration avec les responsables emploi des branches. La mission des responsables est double : mener la GPEC au niveau territorial et mettre les agents dans les conditions d’employabilité ad hoc, avec l’appui d’une personne chargée de la formation et des conseillers mobilité qui accompagnent les intéressés dans la réalisation de leur projet professionnel.

→ Selon la SNCF, 400 à 500 agents issus de réorganisations sont actuellement suivis par un EME. Un emploi ou une catégorie d’emplois cibles, ont déjà été identifiés pour 50 % d’entre eux.

→ Le budget consacré à la « Nouvelle dynamique métiers » s’élève à 130 millions d’euros pour 2010. Il inclut l’animation des EME (assurée par 80 agents), ainsi que les salaires et la formation des cheminots pris en charge.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT