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Enquête

“Tremplin” attend de rebondir

Enquête | publié le : 08.06.2010 | CHRISTIAN ROBISCHON

La formation contre l’illettrisme en Alsace cherche son second souffle, entre l’attente de financement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et la priorité donnée par les entreprises à d’autres actions.

Tremplin est le nom de l’initiative pour la lutte contre l’illettrisme lancée dans les entreprises en Alsace, il y a trois ans. Agefos-PME est à l’origine d’une phase pilote dans le nord de la région, et le conseil régional en a repris la maîtrise d’ouvrage en la généralisant à l’ensemble du territoire alsacien début 2009. Techniquement, Tremplin est confiée au réseau des APP (ateliers de pédagogie personnalisée), pour un coût horaire de 12 euros et une durée moyenne de 80 heures. Les sessions se déroulent hors temps de travail, et ciblent la maîtrise du français écrit pour la bonne compréhension des consignes de sécurité, de l’hygiène, de l’emploi des machines…

L’écueil du financement par le DIF

Le financement de Tremplin repose principalement sur le DIF, financé par les Opca. Et c’est là que le bât blesse, car les promoteurs de l’opération craignent que le versement de 13 %, que les collecteurs vont faire au FPSPP, n’en rogne les moyens de financement. Pour l’heure, ils attendent le lancement de l’appel à projets du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) sur cette thématique. Il leur faudra certainement patienter jusqu’à l’été.

« Tant que le FUP existait, nous l’avons mobilisé. Mais depuis, nous sommes en situation de latence », relève Alfred Bender, conseiller formation à l’Agefos-PME Alsace.

Dans la métallurgie, les mêmes constats sont faits et on n’y est pas certain de pouvoir reproduire l’opération pilote menée auprès de deux entreprises d’Alsace du Nord. L’Opcaim avait alors financé la totalité de l’allocation formation DIF, ainsi que 80 % du coût pédagogique, qui se montait à 85 000 euros. L’opération avait bénéficié d’un abondement de la région et du FSE territorialisé, de sorte que le solde à la charge des employeurs s’était limité à quelque 9 % du coût !

Autres urgences

Tout n’est cependant pas à mettre sur le seul dos de la réforme de la formation professionnelle en cours. Tremplin a pâti aussi, et surtout, de la crise et de la réticence à lever le tabou de l’illettrisme en entreprise.

Au rang des urgences, la meilleure maîtrise du français par le personnel est passée loin derrière le remplissage du carnet de commandes et plus d’un salarié a préféré taire ce handicap dans une période où l’emploi est fragile.

Conséquence : en 2009, les formations Tremplin n’ont été suivies que par 60 personnes en provenance d’une cinquantaine d’entreprises, « alors que 2000 employeurs avaient reçu un courrier et qu’une centaine d’entre eux avaient manifesté leur intérêt en prenant contact avec nous », rappelle Sophie Jambon, chargée de mission lutte contre l’illettrisme à la région Alsace.

Mobiliser tout le temps

En attendant de faire rebondir Tremplin, la région organise des réunions d’information pour les entreprises dans les maisons de l’emploi et de la formation, et a rencontré depuis six mois les branches qui ont manifesté le plus de répondant : BTP, nettoyage, hôtellerie-restauration, services à la personne, intérim. Elle a également pris conseil auprès de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, dont Sophie Jambon tire cet enseignement : « Il faut mobiliser tout le temps, tout le temps. »

Vallée de l’Arve : un éternel recommencement

« Les actions contre l’illettrisme dans la Vallée de l’Arve remontent à la crise de 1993. Il s’agissait déjà de sécuriser les parcours. » Jean-Marc Reydet, chargé de développement RH de l’Association pour la valorisation des connaissances (AVC), anime cette action qui a concerné, de 1997 à 2008, près de 700 salariés de 130 entreprises (soit 63 000 heures). « En 2009, nous en sommes à 800 formés, poursuit-il. Mais il reste un travail immense : cette même année, 2 % seulement des formations ont concerné les compétences clés. »

Première difficulté

L’économie locale est totalement liée au décolletage, activité où 90 % des entreprises ont moins de 50 salariés. Quant à ces derniers, ils sont historiquement nombreux à venir de l’étranger et à avoir peu ou pas de qualification.

L’AVC, portée par les deux syndicats patronaux et professionnels locaux, soutenue par l’Etat et les collectivités, a monté un dispositif personnalisé à entrées et sorties permanentes. « Nous avions commencé à moitié sur et hors temps de travail, car ni les employeurs ni les salariés n’étaient convaincus, rapporte Jean-Marc Reydet. Il faut sans cesse une démarche proactive. Depuis quelques années, le DIF et les périodes de professionnalisation permettent un financement à la carte. »

Autre évolution

« Nous formons de plus en plus aux compétences clés en tant que prérequis professionnels. Nous avons déjà créé un référentiel métier d’opérateur régleur de commande numérique, qui ressemble au référentiel des compétences clés en situation professionnelle de l’ANLCI. Nous pensons construire, à partir de ce dernier, un référentiel d’opérateur de production. Ils représentent en effet 60 % des effectifs : c’est un levier de performance », conclut-il.

V. V.-L.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON