logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Le ripeur deviendra trieur

Enquête | publié le : 08.06.2010 | V. V.-L.

L’évolution de la collecte des déchets a conduit Veolia Propreté-Est à former ses “ripeurs” (éboueurs) aux savoirs de base, nécessaires à un inéluctable changement de métier.

C’est une demande individuelle de remise à niveau qui a mis la puce à l’oreille de Veolia Propreté : certains de ses salariés, les ripeurs, chargés de la collecte de déchets, pourraient être en situation d’illettrisme… « C’était il y a sept ou huit ans, rapporte Sylvie Aubert, devenue RRH Alsace-Lorraine, mais alors responsable formation. Parallèlement, nous recevions dans nos trois agences de Longwy, Bitche et Yutz de nouveaux véhicules, équipés d’un bras latéral remplaçant le travail manuel des ripeurs. » Un système moins coûteux, plus efficace et moins accidentogène, mais obligeant les éboueurs à changer de métier.

Référentiel métier “maison”

« Nous avons alors mis en place des formations classiques aux savoirs de base, hors temps de travail, aboutissant à la possibilité de passer le permis poids lourds (PL), poursuit Sylvie Aubert. Mais cela n’a pas correspondu aux besoins. » Echouant aux tests Afpa du permis, les salariés, amers, ne parvenaient pas à envisager leur avenir.

Veolia Propreté s’est alors tourné vers l’organisme de formations linguistiques Afil. « Nous sommes partis de ce que savent faire les salariés, poursuit la RRH. Ils ont en effet souvent compensé leur manque de connaissances de base par le développement de capacités, comme l’observation par exemple. » Avec leurs exploitants et DRH, ils ont listé les compétences mises en œuvre et construit ainsi un référentiel métier “maison”. Celui-ci a alors permis de concevoir un questionnaire d’autoévaluation à remplir à l’aide de gommettes de couleur. Une restitution collective a révélé les atouts et les carences des équipes. « C’était un véritable acte de management, estime la RRH. Pour la première fois, nous leur avons expliqué comment l’entreprise doit faire pour garder ou emporter un marché : renforcer sa qualité de service, adapter ses technologies, etc. Ils se sont sentis impliqués et ont compris qu’ils devaient se former pour évoluer. »

DIF et coresponsabilité

En complément du plan de formation, la formation « savoirs de base », fondée sur des documents de travail, a été proposée à une vingtaine de volontaires sur chaque site, après un entretien individuel de positionnement auprès d’Afil. Elle s’est déroulée dans l’entreprise, par groupes de 4 ou 5 salariés, réunis un jour par semaine, pendant six mois pour certains, un an pour d’autres. Le nombre d’heures de formation a donc varié de 83 à 210 par salarié selon les cas. Le coût était de 800 euros par jour par groupe. Organisée à moitié dans et hors temps de travail, au titre du DIF (partiellement financé par Opcalia), elle reposait sur une coresponsabilité, ce qui a été un des facteurs d’assiduité.

Au final, hormis un départ volontaire, tous les salariés concernés sont restés dans l’entreprise, soit comme chauffeur, soit à un autre poste.

« Depuis, Veolia Propreté s’est restructurée en profondeur, et j’espère que nous renouvellerons cette expérience », conclut Sylvie Aubert, qui a fait de cette expérience le sujet de sa thèse de master RH.

Une linguiste auprès des apprentis franc-comtois

Des entreprises, ayant fait état de difficultés avec des apprentis incapables de lire une notice technique ou de rédiger un compte rendu de travail, le CFA Vauban du bâtiment, à Besançon, a fait un choix inhabituel : recruter une linguiste, Magali Bigey, docteur en sciences du langage. Arrivée à la rentrée dernière, celle-ci a fait passer à tous les jeunes un test de positionnement général, coélaboré avec les enseignants et les employeurs. Puis elle a soumis ceux qui semblaient en difficulté à des tests plus approfondis qu’elle a conçus. « Cela me permet de distinguer les cas d’illettrisme des dyslexies ou dysorthographies, ou encore des situations relevant du français langue étrangère », explique-t-elle. Depuis, elle les suit en groupe, à raison de 3,20 heures par semaine, soit 80 heures en deux ans. « Cela ne représente aucun coût supplémentaire puisque ces séances remplacent le cours de français habituel », assure-t-elle.

Si elle adapte son accompagnement à chaque situation, Magali Bigey développe de plus en plus le travail autour des situations professionnelles. De jeunes maçons imaginent par exemple comment ils expliqueraient à un nouvel apprenti, d’abord par oral, puis par écrit, comment construire une cabane de jardin. « Ce sont des choses qui leur parlent, poursuit Magali Bigey. Mais nous faisons aussi de la poésie, du théâtre, de la science-fiction, etc. »

S’il semble que ces jeunes prennent goût à la lecture, reste au CFA à mettre en place une évaluation de leur parcours dans des entreprises où les formateurs peinent encore à sensibiliser des tuteurs potentiels.

V. V.-L.

Auteur

  • V. V.-L.