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Une GRH délocalisée en Roumanie

Enquête | publié le : 01.06.2010 | CATHERINE DE COPPET

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Une GRH délocalisée en Roumanie

Crédit photo CATHERINE DE COPPET

Deux ans après avoir centralisé sa gestion administrative et sa paye dans un centre de services partagés (CSP), l’entité française d’Alcatel-Lucent en externalise une partie et délocalise l’autre.

En 2001, Serge Tchuruk souhaitait transformer Alcatel, dont il était alors Pdg, en « entreprise sans usines ». Son successeur va-t-il s’essayer à l’« entreprise sans fonction RH » ? Ce 1er juin, la DRH de l’entité France confiera l’ensemble de la gestion administrative du personnel au CSP de Timisoara, en Roumanie. Vingt salariés roumains employés par le groupe s’occuperont spécialement des salariés français. La priorité affichée par la direction des ressources humaines d’Alcatel-Lucent est de concentrer les moyens des équipes RH sur l’accompagnement des salariés.

Harmonisation des SIRH

Cette évolution constitue la deuxième étape d’un processus engagé dès 2006 en France. A l’époque, la DRH décide de s’attaquer à l’hétérogénéité des systèmes d’information. « Chacun des 15 sites français disposait de son propre service du personnel et de son propre service de paye, explique Didier Baichère, DRH France. Les bulletins de salaire n’avaient pas les mêmes rubriques, les salariés avaient l’impression de changer d’entreprise en changeant de site. »

Afin de mettre en cohérence la politique de mobilité au sein du groupe, l’harmonisation des SIRH est lancée. Et aboutit logiquement à l’idée de centraliser la gestion de la paye et l’administration du personnel.

Une véritable transformation de la fonction RH

Le “Pôle de services partagés RH” voit ainsi le jour début 2008 sur un site de la région parisienne, après six mois de réflexion et alors que l’entreprise avait un PSE en cours. « Beaucoup de salariés des services RH et paye sont partis en préretraite lors du PSE, souligne Didier Baichère. Il est vrai que cela a accéléré la mise en place du CSP. »

Sur les 70 salariés dédiés à la gestion administrative et à la paye, 40 ont été affectés au CSP, les 30 autres ayant quitté l’entreprise via le PSE. Malgré tout, la création du pôle centralisé n’allait pas de soi. « Il s’agit d’une véritable transformation de la fonction RH, note le DRH. L’argument qui nous a permis de faire accepter le projet, y compris aux organisations syndicales, a été celui de l’enrichissement des missions, moins administratives. »

Du côté des salariés utilisateurs, la gestion administrative à distance n’a pas remporté une adhésion unanime. « La période de rodage a été douloureuse, témoigne Hervé Lassalle, délégué syndical central CFDT. C’est souvent moins simple de traiter les problèmes par téléphone. »

Très rapidement, le processus lancé en France a été rattrapé par la logique du groupe avec la décision, prise à l’été 2009, de généraliser le principe des CSP à l’échelle des grandes régions d’implantation (Europe/Moyen-Orient/Afrique ; Asie/Pacifique ; Etats-Unis).

Dans le même temps, l’ensemble de la gestion de la paye a été confié au prestataire ADP. Le centre de Timisoara a été choisi pour gérer à terme toute la région Europe, la France constituant le premier pays à opérer le transfert de compétences. Un SLA (Service level agreement, ou contrat de service) spécifique permettra d’évaluer le service rendu pour l’entité France.

Gestion administrative et sélection des CV

Concrètement, les salariés roumains auront la charge de la gestion administrative et de la sélection des CV déposés sur le site Internet d’Alcatel. Sans que cela signifie pour autant la disparition du personnel RH sur site. « Il faudra toujours quelqu’un sur place pour expliquer les éléments légaux, modifier les contrats, etc. », souligne Didier Baichère.

Ce nouveau tournant signe en tout cas, pour les salariés du CSP français, la fin de leur mission. Une moitié devrait retrouver une position dans le groupe, l’autre devrait intégrer ADP, qui s’est engagé à reprendre le personnel volontaire.

Pour la DRH, le transfert de compétences vers la Roumanie s’accompagne d’une redéfinition des missions des métiers RH pour les personnels français : des sessions thématiques de deux heures ont été prévues pour informer des nouveaux process (par exemple le recrutement), et un career pass, qui décrit les étapes et passerelles possibles d’une carrière dans les services RH, est en train d’être formalisé.

En outre, la baisse des effectifs dans les services administratifs a été compensée par des recrutements plus centrés sur le développement des salariés. « Les RH représentent toujours un peu plus de 1 % des effectifs totaux en France », explique Didier Baichère.

La réorganisation qui se profile devrait permettre de réinvestir du temps dans la gestion de proximité, par l’accompagnement des salariés et du middle management ou encore par la participation des managers RH à l’animation des équipes. La direction n’a pas souhaité mettre en avant les économies d’échelle réalisées grâce à la centralisation. Selon Didier Baichère, elles seront surtout sensibles à l’échelle du groupe entier, et non au niveau français.

ALCATEL-LUCENT

• Activité : technologies de la communication.

• Effectifs France : 10 000 salariés.

• Implantation : 15 sites en France, 5 filiales.

• Chiffre d’affaires : 15,15 milliards d’euros en 2009.

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET