logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

La fonction RH à l’heure de la rigueur

Enquête | publié le : 01.06.2010 | EMMANUEL FRANCK

Image

La fonction RH à l’heure de la rigueur

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

En s’organisant en centres de services partagés (CSP), la fonction RH s’adapte à l’ère des réductions de coûts. La mutualisation de certaines tâches permet des gains de productivité et des économies d’échelle importants mais pas forcément à la hauteur des standards internationaux. Et, à performances égales, l’organisation des CSP RH peut varier.

Crise oblige, les directions générales et financières ont, plus que jamais, l’œil rivé sur les coûts générés par les fonctions supports. La fonction RH n’échappe pas à cet examen. Parmi les différents leviers permettant de réduire les coûts dans les grandes entreprises, le centre de services partagés RH (CSP RH) a de solides arguments.

Cette « entité chargée de la gestion en commun des services nécessaires à plusieurs sociétés ou divisions d’un même groupe », ainsi que la définit le Journal officiel, permet de réaliser des économies d’échelle en tirant partie de la taille de l’entreprise et de l’informatique. Cet enjeu de productivité se double en outre d’un enjeu qualitatif, puisque les CSP doivent donner de l’agilité à la fonction RH en lui permettant de s’adapter à la stratégie de l’entreprise et au contexte économique, la recentrer sur les tâches à valeur ajoutée et améliorer le service rendu aux salariés. La plupart des grands groupes ont créé, ou sont en train de le faire, des CSP pour leurs fonctions supports ; les plus concernées sont d’abord la finance, puis les RH.

Vers des “global business services”

Les perspectives d’économies sont impressionnantes, si l’on en croit The Hackett Group, qui fixe les standards internationaux dans ce domaine. Que dit le cabinet américain spécialisé dans l’organisation des fonctions supports, créateur d’un benchmark annuel et d’une étude sur les CSP ? Essentiellement deux choses, auxquelles sont particulièrement sensibles les directeurs financiers. D’une part, que le CSP permet de réaliser entre 30 % et 40 % d’économie avec un retour sur investissement au bout d’un à trois ans. D’autre part, que les services partagés tendent à devenir des “global business services”. Ce concept décrit une organisation couvrant une large géographie : permettant de tirer avantage du coût de la main-d’œuvre ; multifonctionnelle, dont l’offre couvre un large spectre de services ; et organisée autour d’une relation de services client-fournisseur (lire également l’interview p. 29).

Utilisés par les directions générales comme une norme à respecter, les benchmarks de Hackett sont craints par les opérationnels. D’autant que les standards ne sont pas transposables à toutes les situations. « Les conclusions de Hackett proviennent de benchmarks mondiaux qui ne reflètent pas les situations locales », explique François Lecombe, directeur de projet SIRH et organisation à l’association Entreprise & Personnel, également animateur d’un groupe de réflexion d’une vingtaine de responsables de CSP RH. « On ne peut pas affirmer que la mise en place d’un CSP se traduit par des gains de productivité donnés de 20 %, 30 %, 40 % ou 50 %. L’amélioration du ratio effectifs du CSP/effectifs gérés s’améliorera en fonction de chaque cas précis. »

Objectifs économiques

Les entreprises préférant rester discrètes sur les performances de leurs CSP, il est très difficile de connaître les objectifs économiques qui leur sont fixés, et encore plus de savoir s’ils ont été atteints. Notre enquête permet toutefois de conclure que les objectifs d’économies assignés aux CSP sont plus proches de 20 % que de 30 %. C’est le cas, du moins, pour le CSP formation d’EADS et pour le CSP administration du personnel et de la paie de La Poste.

S’agissant des économies effectivement réalisées, la direction d’EADS affirme être « en phase avec le business plan » de son CSP formation, même si les économies ne proviennent pas exactement de là où elle l’espérait.

Chez Sodexo, on assure que la mise en place du CSP paie et administration du personnel a fait baisser le coût unitaire du bulletin de paie, mais sans préciser de combien, et que la productivité a augmenté de 30 %. Le retour sur investissement est intervenu dans un délai supérieur à deux ans.

D’une entreprise à l’autre, l’organisation des CSP diffère et, s’il existe des constantes, il y a toujours une entreprise qui fait exception. Tous les CSP s’occupent de tâches transactionnelles, donc aisément reproductibles, à l’exception du CSP recrutement d’EADS. Ils couvrent la France uniquement (Sodexo, La Poste) ou plusieurs pays (EADS, Alcatel). Seul Alcatel a délocalisé son CSP dans un pays à faible coût de main-d’œuvre (la Roumanie). Toutes les études montrent d’ailleurs que les CSP RH offshore sont rares, « parce qu’on ne peut délocaliser que ce qui n’est pas réglementé », explique François Lecombe.

Contrairement à une idée reçue, les salariés des CSP sont rarement regroupés dans un même lieu ; la plupart du temps, ils sont restés là où ils travaillaient auparavant. C’est sans doute la raison pour laquelle la mise en place des CSP s’est faite sans grandes tensions sociales. Il y a tout de même eu des appels à la grève à La Poste.

Crainte d’externalisation

D’une manière générale, la grande crainte des syndicats est que le CSP soit le prélude à une externalisation. Les deux solutions peuvent être appliquées en même temps (Alcatel, Sodexo).

Nous n’avons pas rencontré de CSP ayant une personnalité morale, ce qui ne les empêche pas de facturer leurs prestations aux clients internes, voire aux clients externes (EADS). La relation est souvent formalisée par un contrat de service ou par une charte. Conclusion, il n’existe pas de modèle unique de CSP RH permettant de garantir un haut niveau de performance.

L’essentiel

1 Afin de réduire les coûts de la fonction RH, certaines tâches réalisées par les RH locales des grandes entreprises peuvent être mutualisées au sein de centres de services partagés (CSP).

2 Les CSP RH permettent de réaliser entre 30 % et 40 % d’économie, selon les standards internationaux de The Hackett Group.

3 Les expériences montrent que les CSP RH permettent une optimisation de la fonction RH. Il n’existe pas cependant de modèle unique de CSP.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK