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Les pratiques

EuropeThales fixe un cadre transfrontalier à l’entretien annuel

Les pratiques | publié le : 25.05.2010 | MARIE-MADELEINE SÈVE

Le groupe français vient de signer un accord innovant avec la Fédération européenne des métallurgistes afin d’encadrer les pratiques managériales sur l’entretien d’évaluation. Le texte intègre les meilleures pratiques des différents pays.

Le groupe Thales a signé, le 14 avril, un accord sur l’entretien annuel d’activité applicable à onze pays (1) : une première européenne et une petite prouesse pour ce texte qui élude toutefois l’épineuse question des salaires. Yves Barou, le DRH – sur le départ – du groupe d’électronique de défense et d’aéronautique l’a paraphé avec la FEM (Fédération européenne des métallurgistes).

Talk (2) est un accord-cadre qui dessine les principes d’un entretien d’évaluation réussi entre le manager et le salarié. « C’est une pratique sur laquelle le management régnait sans partage, reconnaît Yves Barou. Or il s’agit d’un moment clé dans la vie d’un collaborateur, qui touche à sa rémunération et à sa carrière. Il n’y avait donc aucune raison de l’exclure du champ social, d’autant qu’il peut générer du stress. »

L’idée maîtresse de Talk consiste à rééquilibrer la discussion entre un supérieur et son subordonné, afin d’éviter toute dérive. Et d’introduire transparence et respect mutuel dans la préparation du rendez-vous, dans son déroulé et dans ses résultats. Pour ce faire, Thales a constitué dès juillet 2009 un groupe de travail réunissant représentants syndicaux et RH des 11 pays afin de repérer les meilleures pratiques locales. Il reprend en cela la méthode qui a conduit à l’accord européen Idea sur l’anticipation et le développement professionnel (lire Entreprise & Carrières du 16 juin 2009).

Parallèlement à la négociation, l’industriel rénovait – unilatéralement – son système d’évaluation. Il insiste désormais sur le degré de maîtrise du poste par le salarié et sur son niveau de contribution au travail de l’équipe, plutôt que sur sa performance individuelle. C’est un point capital qui charpente le document Talk. On y parle d’objectifs individuels et collectifs fixés dans une perspective de progrès.

Dialogue en face à face

Mais il en est deux autres qui ont, à eux seuls, suscité l’adhésion de la CFDT et de la CFE-CGC, adhérentes de la FEM. Premièrement, la règle du dialogue en face à face. « Trop d’entretiens s’effectuent au téléphone, par mail, voire par texto, surtout dans les activités de service, déplore Gilbert Brokmann, responsable CFE-CGC du groupe. Du coup, certains managers, en particulier en France et en Espagne, n’ont pas vu leurs équipes depuis un ou deux ans. » En outre, ils devront désormais opter pour la langue maternelle du salarié. Et l’auto-évaluation que celui-ci effectue pourra être communiquée au dernier moment, afin que le manager ne se contente plus de corriger le document reçu.

Deuxièmement, il met en place une procédure d’appel en cas de désaccord. Le texte s’inspire du seul pays qui utilise un système de médiation : le Royaume-Uni. L’Allemagne et les Pays-Bas ayant, quant à eux, coutume de prolonger les discussions jusqu’à trouver une entente. Partout ailleurs, le salarié pourra désormais demander un second rendez-vous avec le n + 1, puis un troisième avec le n + 2 en étant, cette fois, assisté par un tiers. Le désaccord, s’il persiste, sera enregistré comme tel par les RH.

Mesure des objectifs collectifs

Enfin, Talk fait de cet entretien l’étape d’un dialogue qui doit être continu entre manager et managé. « On sort d’une culture du silence, brisée seulement 2 ou 3 fois dans l’année », se réjouit Didier Gladieu, secrétaire de la CFDT du groupe. Toutefois, il reste des points à préciser. Comment, par exemple, mesurer les objectifs collectifs ?

La CGT a, pour sa part, émis un avis négatif à la FEM. « Ce n’est pas un accord engageant. Il ne fait pas avancer le droit européen. Et on n’y parle pas de salaire ! », expose Alain Culnard, le négociateur pour ce syndicat.

Talk, qui concerne 57 000 salariés en Europe, respecte les dispositions régionales ou nationales les plus favorables. Et il fera l’objet d’un suivi minutieux chaque année par pays et au niveau européen. Reste aux partenaires sociaux à décliner l’accord localement. En France, Talk devrait être officialisé ce mois-ci.

(1) Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Norvège, Royaume-Uni, Suisse.

(2) Transparent annual and Activity discussion for mutual Listening and developing professional Knowledge.

Auteur

  • MARIE-MADELEINE SÈVE