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Les pratiques

Adecco fait du testing un outil de pilotage RH

Les pratiques | publié le : 25.05.2010 | EMMANUEL FRANCK

Les résultats de la première campagne de tests de discriminations organisée par Adecco font apparaître que les candidats sont traités de la même manière quels que soient leur sexe et leur âge, mais pas lorsqu’il s’agit de leur origine.

Les tests de discrimination – ou testings – étaient jusqu’à présent utilisés par les entreprises au coup par coup. Adecco vient de franchir une étape en faisant de cette démarche un outil de pilotage RH. Elle consiste à comparer le traitement de deux candidatures en tous points équivalentes sauf sur le point à tester. En l’espèce, Adecco souhaitait vérifier d’éventuelles inégalités de traitement en raison de l’origine (maghrébine en l’occurrence), du sexe et de l’âge.

Opération annuelle

Si les entreprises françaises qui recourent au testing commencent à être nombreuses – une cinquantaine, mais la plupart restent discrètes –, Adecco est, à notre connaissance, la seule qui ait décidé de renouveler l’opération une fois par an « pendant plusieurs années », selon Bruce Roch, directeur de la RSE : « Il s’agit de mesurer les effets de ce que nous avons mis en œuvre et de faire passer des messages. »

La première série de tests (427 ont été réalisés) s’est déroulée entre septembre 2008 et septembre 2009. Adecco a eu recours à l’association lyonnaise ISM Corum, qui avait déjà réalisé un testing notamment pour le compte du Bureau international du travail (BIT) et pour le Club Med (lire Entreprise & Carrières n° 1001). Les tests ont consisté à comparer le traitement entre deux candidatures équivalentes (formations, expérience, lieu de résidence…), différant seulement par les origines des candidats – évoquées par leurs noms et prénoms –, ou par leur sexe, ou par leur âge. Un écart de traitement indique un risque de discrimination ; 854 CV ont donc été envoyés par paire.

Les faux candidats postulaient à des CDI, des CDD, ou de l’intérim ; sur une quinzaine de métiers (commercial, contrôleur de gestion, aide-soignant, téléconseiller, manutentionnaire…); selon trois modalités : en envoyant leur CV en réponse à une offre d’emploi parue sur les sites Internet d’Adecco, en téléphonant à l’agence ou en s’y rendant. Adecco a donc embauché des acteurs pour tenir le rôle des candidats de passage en agence et a ouvert une quarantaine de lignes téléphoniques afin que les recruteurs puissent rappeler les candidats. La logistique de l’opération est lourde et coûteuse, mais c’est le prix à payer (plusieurs dizaines de milliers d’euros, selon Bruce Roch) pour que le test corresponde à des situations réelles de candidature, donc pour qu’il soit représentatif.

Il y a, en outre, plusieurs écueils à éviter. D’abord, ne pas se faire repérer par les recruteurs, de plus en plus avertis. Certes, ces derniers ne savaient ni quand ni où devait se dérouler le test, mais ils savaient qu’il devait avoir lieu ; en outre, Adecco est régulièrement testé par de vrais candidats, qui n’hésitent pas à contacter la Halde s’ils soupçonnent une discrimination.

Les résultats du test varient selon le type de contrat et selon le critère discriminant. Les candidats qui postulent en intérim sont traités de la même manière, quels que soient leur origine, leur sexe ou leur âge. Tous types de contrats confondus, il n’y a pas d’écarts de traitement statistiquement significatifs entre les femmes et les hommes, ni entre deux candidats d’âge différent. En revanche, il existe un petit écart, mais pas significatif, entre les candidates de 45 ans et celles de 25 ans, au détriment des secondes. Sans doute un effet de l’anticipation de grossesse par les recruteurs.

Origine des candidats

Mais un vrai problème apparaît quand on teste l’origine des candidats. Dans environ la moitié des tests, ils n’ont pas été traités de la même manière : dans 31 % des tests, le ou la candidat(e) d’origine « hexagonale ancienne » a été favorisé(e), alors que le ou la candidat(e) d’origine maghrébine ne l’a été que dans 17 % des tests. En cause, « les préjugés de nos recruteurs et de nos clients », admet Bruce Roch.

Afin de redresser la barre, Adecco a prévu du e-learning pour ses 7 500 permanents et des formations en présentiel pour 3 000 d’entre eux. En outre, François Davy, Pdg du groupe Adecco France, très impliqué dans le dossier, discutera en ligne avec les managers, à charge pour eux de relayer auprès des salariés.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK