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Enquête

Une gestion scénarisée des TMS

Enquête | publié le : 25.05.2010 | LAURENT POILLOT

L’établissement de surgelés de Chacé (Maine-et-Loire) a réalisé durant six mois une étude préventive sur une ligne de 40 salariées. Originalité : le recours à un outil de simulation dynamique, pour appréhender les variations de rythme, génératrices de troubles.

L’agroalimentaire figure régulièrement au palmarès des statistiques des maladies professionnelles des Cram. L’enseigne Marie n’échappe pas à la règle. Sur son site de Chacé (Maine-et-Loire), spécialisé dans la fabrication de pizzas et de tartes surgelées, 55 % des opérateurs en sont atteints. Plus du tiers de ces salariés – principalement des femmes – sont même ici reconnus travailleurs handicapés. De surcroît, l’effectif de 200 personnes affiche une moyenne d’âge élevée de 46 ans.

Simulation de l’activité en 3D

La problématique des TMS est donc une vieille affaire, que la direction du site a voulu aborder autrement à la fin 2008. Les fréquentes rotations de poste en atelier ne suffisaient plus à pallier les restrictions d’aptitude. « Nous voulions disposer d’une approche globale, pas seulement centrée sur les postures, mais tenant compte aussi de l’organisation du travail et de la gestion des flux », explique Anne Lebourdais, la RRH du site. « Nous avons demandé à l’Aract Pays de la Loire, déjà sollicitée en 2003, de nous fournir une liste d’ergonomes. Nous avons retenu le cabinet Solutions Productives, qui proposait une solution pratique de simulation de l’activité, et en 3D, et dans le temps ».

La cible : une ligne de ramassage de pizzas, occupant 40 opératrices (réparties en deux équipes, celle du matin et celle de l’après-midi) pour le ramassage et l’emballage des pizzas, puis la palettisation des cartons. Les opératrices de ramassage sont postées devant deux tapis roulants superposés : l’un faisant circuler les produits et l’autre, qui se situe à mi-cuisse, les cartons d’emballage. « Au-delà des contraintes de dimensionnement du poste de travail, l’enjeu reposait sur les variations de flux, souligne Anne Lebourdais. L’approvisionnement des pizzas n’est jamais régulier. Les salariées connaissent des moments de pause, puis des accélérations de rythme qui sont autant de facteurs de stress – et donc aussi de TMS – car alors les opératrices se crispent, et se mettent dans des positions inconfortables de torsion du dos pour anticiper l’arrivée des pizzas. »

Plusieurs séances d’observation

C’est l’un des enseignements apportés par le cabinet d’ergonomie, qui a montré par ailleurs que la personne en tête de ligne était davantage exposée que celle située à l’autre bout.

Un autre écueil concernait les produits non saisis. En fin de course, les pizzas basculent dans une caisse où il faut vite aller les rechercher avant qu’elles ne dégèlent : autre source de tension. Ces constats sont venus après plusieurs séances d’observation au cours desquelles deux ergonomes ont minuté les tâches et les temps disponibles et calculé le nombre de gestes de chaque opératrice. « Nous avons intégré ces données dans un logiciel informatique, utilisé chez Dassault pour analyser les performances industrielles, que nous avons “détourné” à des fins ergonomiques. Il n’est qu’un élément de notre boîte à outils », raconte Eric Fortineau, de Solutions Productives. Le procédé a cependant une vertu cardinale, d’après la RRH : celle de « pouvoir décomposer, à l’écran, un temps de travail complet sur quelques minutes d’affilée ».

Deux hypothèses de plan d’action

Le plan d’action correctif n’a pas encore été arrêté. Le prestataire a suggéré deux hypothèses : celle d’opérer par petits îlots de quatre personnes, pour que toutes soient sollicitées de la même façon, ou bien d’aménager une sorte de carrousel, pour que les produits non saisis repassent devant les opératrices, ce qui aurait pour effet de rendre la charge de travail plus linéaire. La première piste a été rejetée, faute de place. Le secrétaire du CHSCT, Daniel Gourdin (CFDT), a quant à lui souligné « un risque d’isolement social accru » des ouvrières moins performantes. Mais la seconde piste tient la corde. Elle a été testée en situation réelle et approuvée par les salariées. La direction a lancé des demandes de devis.

Prise en charge financière

S’agissant de l’étude, elle a été prise en charge par le Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (Fact) à hauteur de 11 000 euros. Marie a apporté 5 000 euros supplémentaires. Le prestataire est intervenu durant six mois, à raison de onze jours d’observation et de conseil in situ, et de cinq jours de conception informatique et de préparation de ses résultats.

MARIE

• Activité : fabrication de plats cuisinés, traiteur frais ou surgelés.

• Effectif : 1 359 salariés répartis dans six usines et au siège, à Rungis.

• Chiffre d’affaires 2008, avant intégration dans le groupe LDC : 264 millions d’euros (143 millions d’euros, activité surgelés et 121 millions d’euros, activité traiteur frais).

Auteur

  • LAURENT POILLOT