logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

L’ergonomie passe en caisse et dans les rayons

Enquête | publié le : 25.05.2010 | CHRISTIAN ROBISCHON

Image

L’ergonomie passe en caisse et dans les rayons

Crédit photo CHRISTIAN ROBISCHON

Alors que le monde de la grande distribution est souvent vilipendé sur ce point, l’enseigne de supermarchés a mis en place une démarche qui s’efforce de systématiser la prévention des risques TMS. Elle agit notamment sur la conception des postes.

L’ergonomie de conception fait son entrée en force dans les 615 magasins Carrefour Market (ex-Champion). Du moins si l’on s’en tient à l’accord santé au travail, que la chaîne de supermarchés a signé en mai 2009 avec l’ensemble des cinq organisations syndicales représentées. L’un de ses articles prévoit « d’associer un ergonome aux études menées à chaque création de nouveaux concepts de postes de travail ». L’enjeu concerne en premier lieu les TMS.

« L’accord s’inscrit dans une démarche de prévention qui amène à repenser l’organisation du travail. Loin de s’en tenir à des généralités, il s’adresse au quotidien des salariés que nous associons à la recherche de pistes concrètes d’amélioration », commente Marc Veyron, DRH. Et la chaîne de citer nombre d’exemples : agencement des caisses et réglage de la hauteur des écrans, de façon à éviter les rotations ou torsions brusques des membres supérieurs, à l’occasion de l’introduction du double encaissement – système qui accélère le passage en caisse en faisant scanner les produits du client suivant, pendant que le précédent ensache les siens –; hauteur confortable des nouveaux écrans tactiles ; en rayon, généralisation du tire-palette “haute levée” qui évite de tirer sur les bras ou de se contorsionner pour placer les produits des étages supérieurs ; test de table de mise en rayon afin de réduire le nombre de flexions, etc.

Longue préparation avec les ergonomes

Carrefour Market a travaillé sa démarche préventive en amont, à deux niveaux. D’une manière générale, l’accord de mai 2009 a fait l’objet d’une longue préparation en association avec l’INRS et plusieurs ergonomes, principalement Ariane Conseil. Ce cabinet a déployé ses préceptes de plans d’actions, devant reposer sur l’observation du matériel existant, la simulation des nouveaux outils, le retour d’expériences des utilisateurs et la validation en CHSCT.

Commission paritaire de suivi

Au stade de la mise en œuvre ensuite, le fournisseur est sollicité d’une manière nouvelle. « Le cahier des charges qu’il reçoit intègre la prise en compte de l’ergonomie. Il doit désormais concilier deux objectifs : la productivité et la préservation de la santé des collaborateurs », relate Marc Veyron.

En aval, l’accord de l’an dernier a institué une commission paritaire de suivi au sein du CNHSCT, l’instance de coordination des CHSCT de magasins, chargé notamment de discuter un rapport annuel.

Douze familles d’indicateurs seront suivies pour mesurer objectivement la mise en œuvre de l’accord. Elles abordent notamment l’évolution de l’absentéisme, celle des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les statistiques sont affinées par la description des lésions et de leurs causes via Spectra, un outil informatique de déclaration en ligne, à disposition des responsables de magasins. Les comptes rendus de chaque CHSCT, le nombre de formations gestes et postures, au regard d’un objectif de 1 000 par an, sont également étudiés.

Recul des maladies professionnelles

Les critères d’évaluation relèvent de la logique, ils ont été choisis selon que leur état de dégradation se trouve à la source de la nouvelle approche ergonomique. L’absentéisme pour cause d’accident du travail avait progressé de 13 % en 2007. Le nombre de maladies professionnelles, qui résulte en quasi-totalité de TMS, est passé de 98 à 237 entre 2005 et 2008. « Il est retombé à 205 en 2009 et nous espérons que cela annonce un recul durable dans le temps », indique le DRH.

Les syndicats ne s’en déclarent pas convaincus. Prédomine chez eux l’impression – la « déception » – d’améliorations d’ampleur limitée, qui laissent encore la priorité à l’impératif de productivité. « De l’application terrain de l’accord, nous concluons que, dès lors qu’un matériel a été choisi, les observations de l’ergonome ou des salariés ne reviendront pas dessus. Et si le changement est trop coûteux, l’entreprise y renoncera derrière le paravent d’études d’experts à l’indépendance peu flagrante. C’est la pression de la réglementation ou des Cram qui fait le plus bouger les choses », estime Sophie Jacobik, déléguée centrale CFDT qui siège au CNHSCT.

L’un des points de débat concerne actuellement la polyactivité. Testée dans 23 magasins d’Ile-de-France avec l’Aract, son principe consiste à déterminer des temps de position debout pour la caissière, qui quitte son poste pour un autre dans les rayons, une fois ce temps écoulé. Les syndicats y voient une surcharge de travail, la direction un moyen de ménager le corps assis.

CARREFOUR MARKET

• Effectifs : 35 000 salariés.

• Budget d’investissement ergonomie : 100 000 euros par an.

•  Chiffre d’affaires 2009 des supermarchés Carrefour en France* : 9,1 milliards d’euros.

* 987 points de vente à fin 2009, dont 899 à l’enseigne Carrefour Market.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON