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Les pratiques

Italie Bataille à l’italienne sur le droit de recourir au juge du travail

Les pratiques | publié le : 11.05.2010 | ANNE LE NIR

Le président italien a refusé de promulguer une loi qui permettrait d’imposer le recours à un arbitrage, en lieu et place du tribunal, dans les cas de conflit individuel du travail. Le texte, soutenu par le gouvernement et la Confindustria, pourrait revenir après un passage au Sénat.

Pas d’arbitrage en lieu et place du recours à la justice pour les conflits du travail : le 31 mars dernier, Giorgio Napolitano, président de la République italienne et, à ce titre, garant de la constitution, n’a pas voulu laisser passer une loi chère au gouvernement Berlusconi et à la Confindustria, le Medef transalpin. Avant une éventuelle promulgation, le président a donc demandé au Parlement de revoir sa copie. Le texte doit repasser prochainement au Sénat.

Cette bataille feutrée dans les palais de la République, si elle ne suscite pas de fortes mobilisations publiques, touche pourtant à l’un des fondements de la relation de travail en Italie : le statut du travailleur. Mais les levées de boucliers ne viennent que de l’opposition et de la CGIL, le plus gros syndicat italien. En 2002, 3 millions de travailleurs avaient pourtant envahi Rome pour défendre, coûte que coûte, ce statut protecteur. Huit ans plus tard, et après le retour du cavaliere Berlusconi aux affaires en avril 2008, c’est toujours l’article 18 de ce statut que veut revoir le gouvernement.

Procédure d’arbitrage

Le projet de loi introduit, entre autres, une procédure d’arbitrage qui pourrait se substituer au recours à la justice en cas de conflit entre un salarié et son employeur, ou en cas de licenciement individuel. Or l’article 18 octroie le droit de contester un licenciement abusif en justice. En outre, le même projet de loi prévoyait la possibilité de stipuler dans le contrat de travail, et en dérogation aux conventions collectives, qu’un tel recours à l’arbitrage plutôt qu’à la justice serait utilisé en cas de licenciement individuel.

L’Italie n’a pas de juridiction spécifique comme les prud’hommes français. Les conflits du travail sont de la compétence du juge unique du travail en première instance, et de celle des sections sociales au sein des cours d’appel ou en Cour de cassation. Le ministre du Travail, Maurizio Sacconi, considère que le recours à l’arbitrage peut être « un instrument très utile pour donner une alternative aux lenteurs de la justice et au coût élevé des procédures ».

Le front syndical n’est pas uni, puisque deux syndicats centristes, la Cils et l’Uil, se rangent à cet argument, et préfèrent batailler pour un allongement de la durée du chômage technique indemnisé – la fameuse Cassa integrazione –, de un an à dix-huit mois.

Giorgio Napolitano a donc été un dernier rempart, considérant qu’« il est nécessaire de mettre en place un cadre de garanties précises » en cas de contentieux entre salariés et employeurs ou de licenciement, ainsi qu’« un équilibre plus clair et défini entre la loi, les accords collectifs et les contrats individuels ».

Première victoire

L’opposition, satisfaite de cette décision, a en outre remporté un premier round à la Chambre des députés, parvenant à faire passer un amendement selon lequel le recours à l’arbitrage plutôt qu’à la justice ne peut pas être rendu obligatoire, et doit être fixé au moment du licenciement et non pas à la signature du contrat.

Mais la bataille n’est pas terminée : le Sénat pourrait corriger l’amendement en question, ce qui impliquerait un troisième et dernier examen à la Chambre. La CGIL reste donc sur le pied de guerre, mais sans parvenir à mobiliser des salariés qui n’ont sans doute pas compris toute la portée de cette loi en cas de -licenciement, notamment abusif.

Auteur

  • ANNE LE NIR