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Ni les entreprises ni les seniors ne sont prêts pour l’allongement des carrières

L’actualité | publié le : 11.05.2010 | GUILLAUME LE NAGARD

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Ni les entreprises ni les seniors ne sont prêts pour l’allongement des carrières

Crédit photo GUILLAUME LE NAGARD

Notre baromètre semestriel “Seniors en entreprise” indique que, si les salariés âgés acceptent de repousser légèrement leur départ en retraite, beaucoup vont devoir rester en activité au-delà de ce qu’ils souhaitent. Et dans des conditions de travail dégradées. Préoccupant pour les seniors comme pour les DRH, alors que l’âge légal de la retraite est en débat.

Le COR publie, ce 11 mai, ses hypothèses sur le financement de la retraite. Elles évaluent l’impact sur les régimes d’un allongement de la durée de cotisation, d’un recul de l’âge légal, ou des deux à la fois, et elles ont déjà donné lieu à polémique. Dans ce contexte, les principaux résultats du Baromètre semestriel Seniors Entreprise&Carrières/Notretemps.com/Mercer, indiquent que l’allongement de la vie professionnelle ne va pas encore de soi, ni dans les esprits, ni dans la pratique des entreprises.

Pour la neuvième fois consécutive, notre baromètre a notamment interrogé des salariés seniors (2 986 pour cette édition) sur leurs choix de départ à la retraite, et constaté que l’âge moyen d’obtention d’une retraite à taux plein continue de s’élever peu à peu. Ainsi, seuls 6 % d’entre eux pourraient encore prétendre partir avant 60 ans ; 37 % auront tous leurs trimestres à 60 ans. Et ce sont désormais 14 % des salariés seniors interrogés qui ne pourront prendre leur retraite à taux plein qu’à 65 ans – contre 10 % à 12 % lors des éditions précédentes.

Evolution des souhaits de départ

Mais les souhaits de départ, indépendamment de toute contingence financière, continuent aussi d’évoluer. Ainsi, même dans l’idéal (« A quel âge auriez-vous souhaité prendre votre retraite ? »), l’idée de cesser le travail avant 60 ans chute à 32 % (contre 45 % à 53 % lors des huit éditions précédentes). Si ce recul est spectaculaire, il n’empêche qu’un tiers des seniors espèrent encore partir avant l’heure.

Il semble donc que chacun prenne acte de la fin des préretraites comme opportunité collective de départ et que les messages renouvelés sur la hausse de l’espérance de vie s’inscrivent dans la réflexion des salariés en fin de carrière.

Rupture conventionnelle

Mais, d’un autre côté, la nouvelle possibilité de rupture conventionnelle du contrat de travail, statistiquement très utilisée par les salariés seniors et leurs employeurs, nourrit encore sans doute des espoirs de départs anticipés.

Enfin, alors que les partenaires sociaux continuent d’échouer à traiter le dossier de la pénibilité au niveau national, mais que celle-ci pourrait être prise en compte dans la réforme des retraites, elle transparaît clairement dans les aspirations au départ, les ouvriers souhaitant encore, à 49 %, quitter le travail avant 60 ans, contre 21 % pour les cadres.

Autre enseignement majeur, à l’heure où le relèvement de l’âge légal de la retraite fait partie des termes du débat national et des hypothèses envisagées, le repère des 60 ans émerge toujours plus nettement dans notre enquête comme âge de départ souhaité, à 48 % contre 37 % en 2008 et 31 % en 2005. En revanche, conserver son activité professionnelle plus longtemps ne séduit guère : 4 % se verraient bien partir à 62 ans, 8 % à 65 ans. Des valeurs qui restent identiques depuis l’origine du baromètre.

« Pourtant, nous avons aussi interrogé les seniors, pour la première fois, sur leur souhait de poursuivre une activité au-delà de l’âge de leur retraite à taux plein, signale Philippe Caré, chargé de la gestion des seniors chez Mercer. Un quart d’entre eux souhaiteraient le faire – alors que les chiffres constatés par la Cnav sont actuellement de 15 %. C’était le cas de 5 % des Français il y a encore quelques années. Il n’est plus anormal de dire qu’on souhaite continuer. »

Alors que la surcote permet d’améliorer une pension, que la mise à la retraite d’office n’est plus possible, et que le choix de départ appartient donc entièrement au salarié, les DRH auront à composer avec cette incertitude de la fin de carrière et avec la difficulté à prévoir des flux de sortie, notamment pour élaborer une transmission des compétences efficace.

Maintenir l’engagement et la motivation

Il reste qu’au total, 32 % des seniors interrogés par Notretemps.com seraient obligés de travailler au-delà de 60 ans pour obtenir une retraite à taux plein, alors que seulement 19 % souhaitent le faire. Un sévère hiatus, qui traduit un autre problème pour les DRH : comment maintenir l’engagement et la motivation de ces populations qui sont encore dans l’entreprise ?

Or, à l’examen des résultats de notre sondage concernant cette fois les conditions de travail perçues par les seniors, il reste du chemin à faire. Ainsi, la part des salariés seniors n’ayant reçu aucune formation depuis trois ans atteint 66 %, chiffre le plus élevé depuis le début du baromètre. La moyenne généralement admise, tous âges confondus, est d’un tiers des salariés formés chaque année. Les seniors seraient donc trois fois moins bénéficiaires de formation.

L’ascenseur ralentit pour les quinquas

Ils sont également écartés des promotions, changements de poste ou affectations sur des projets à quelques années du départ : 20 % seulement ont évolué depuis trois ans, soit 5 à 10 points de moins que lors des éditions précédentes. L’ascenseur ralentit pour les quinquagénaires : avant 50 ans, un peu plus du quart ont connu une évolution dans les trois années précédentes, une proportion qui chute autour de 20 % pour les tranches d’âge suivantes (50/54 ans, 55/60 ans, 61 ans et plus).

Les plans d’action ou accords imposés par Xavier Darcos, ancien ministre du Travail, pourront-ils améliorer la tendance ? Il est bien sûr trop tôt pour en dresser un bilan. Seuls 20 % des salariés seniors que nous avons interrogés ont connaissance de mesures déployées par leur entreprise dans le cadre d’un plan de maintien dans l’emploi. Et 17 % seulement ont bénéficié d’un entretien de seconde partie de carrière depuis trois ans. Il s’agit pourtant d’un droit du salarié, acquis à 45 ans, exerçable ensuite tous les cinq ans.

Cette permanence dans la faiblesse du management des seniors depuis 2005 – notre premier baromètre – ne peut que maintenir l’insatisfaction vis-à-vis des conditions de travail : 55 % des salariés interrogés les considèrent ainsi assez difficiles ou difficiles.

Harcèlement moral en fonction de l’âge

Pire, 39 % ont le sentiment que le harcèlement moral en fonction de l’âge existe dans leur entreprise (38 % non, 22 % ne le savent pas). Un chiffre qui reste à peu près constant depuis cinq ans et qui traduit encore et toujours la difficulté des entreprises et de leur management à reconnaître les compétences et les qualités des salariés seniors.

PHILIPPE CARÉ

Responsable gestion des seniors chez Mercer

« 25 % des seniors n’excluent pas de continuer à travailler au-delà de l’âge de leur retraite à taux plein »

Méthodologie

Questionnaire envoyé par e-mail à 312 000 internautes de Notretemps.com du 9 au 15 avril ; 2986 réponses exploitables et traitées. La taille de l’échantillon autorise des marges d’erreur variant de 0,8 à 1,8 en fonction des pourcentages obtenus.

Auteur

  • GUILLAUME LE NAGARD