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Heurt, malheur ou leurre des stock-options. Pour une contractualisation

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 11.05.2010 | JACQUES BROUILLET

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Heurt, malheur ou leurre des stock-options. Pour une contractualisation

Crédit photo JACQUES BROUILLET

Alors que l’attribution de stock-options fait l’objet d’un nouveau débat, la question du droit à indemnisation du salarié privé de sa capacité de lever ses options du fait de son licenciement reste confuse. Ainsi, alors qu’il paraît probable que cette promesse ait été un élément déterminant de l’accord du salarié lors de son embauche, la Cour de cassation n’hésite pas à considérer que « l’offre de stock-options constitue un avantage que la société consent unilatéralement [?] à son salarié, dont la validité ne dépend pas du consentement de ce dernier » (Cass. Soc 5/12/2007 n° 06.43.35).

Elle va même jusqu’à estimer que les stock-options ne sont qu’un accessoire du contrat de travail (Cass. Soc 21/06/2005 n° 02.45.479).

Certes, cette question n’est pas traitée par le Code du travail, mais par le Code de commerce, qui prévoit que les règles d’attribution dépendent d’une décision de l’assemblée générale. Celle-ci fait alors l’objet d’un “règlement”, en principe porté à la connaissance du bénéficiaire, malgré la loi du 4 mai 2004 imposant la remise d’une annexe informative, confortant ainsi notre thèse du contrat de confiance en trois parties (“Savoir réinventer le contrat de travail”, Cahiers du DRH du 9/03/2001).

En tout cas, ce règlement prévoit généralement l’impossibilité de lever les stock-options après la rupture. En conséquence, nous pensons souhaitable d’examiner l’évolution de la jurisprudence, depuis notre chronique de 2002.

La Cour de Cassation a validé en 2002 (Cass. Soc 15/02/2002) et confirmé en 2004 (Cass. Soc 23/06/2004 n° 02.42.071) un plan d’option qui interdit de lever les stock-options après la rupture du contrat, dès lors que le salarié en avait connaissance, que le licenciement soit licite ou non (Cass. Soc 20/10/2004 n° 02.41.860), cette interdiction ne lui apparaissant pas comme une atteinte aux libertés (Cass. Soc 1/12/2005 n° 04.41.277).

C’est ainsi que de nombreux règlements prévoient cette condition de présence, même si certains accordent un délai (90 jours) après la rupture (Cass. soc 10/12/2008 n° 04.42.766).

Depuis l’arrêt Ethicon du 29 septembre 2004 (Cass. Soc 29/09/2004 n° 02.42.027), la Cour estime légitime la réparation du « préjudice nécessairement créé » si le licenciement est abusif. Elle a confirmé cette position dans un arrêt du 14 octobre 2009 (n° 08-40.531), qui précise que le refus de la société mère ne saurait en soi exonérer la responsabilité contractuelle de la société. Reste cependant dans l’ombre un certain nombre de cas que nous dénoncions dans notre chronique de 2002, notamment :

– le licenciement économique, qui n’est pas forcément “abusif” (C.A. Nancy 23/01/2008, C.A. Caen 19/09/2008) ;

– la perte du droit d’option, lors d’un transfert d’entreprise (art. L 1224-1) ;

– la prise d’acte de la rupture ou de résiliation judiciaire ;

– les mandataires sociaux, mais l’arrêt Ethicon ne devrait-t-il pas conduire à une réparation de préjudice en cas de révocation “sans juste motif” ?

Depuis 2000, la Cour estime que cette évaluation du préjudice relève de l’appréciation du juge, au titre de « la perte d’une chance », sans que celle-ci puisse correspondre à la perte réelle de l’avantage (Cass. Soc 4/02/2009 n° 07.43.443).

Un arrêt de la cour d’appel de Versailles (C.A. Versailles 4/11/2003) considère que « la plus-value de vente de stock-options, même soumise à cotisations sociales, ne constitue pas un élément variable de rémunération du travail […], elle est indépendante du travail du salarié, quand bien même ces options d’achat sont stipulées dans le contrat […]. Cette plus-value ne peut donc entrer dans la base de calcul de l’indemnité de licenciement ».

Cette décision paraît frappée de bon sens ! Mais elle nous ramène à cette ambiguïté sur la nature même des stock-options : simple accessoire du contrat, ou élément du salaire contractuel ?

Pourquoi, dans ce cas, ne pas franchir le pas ? Et prévoir expressément, dans le contrat, les conditions d’attribution des stock-options et les possibilités de les lever même en cas de rupture du contrat, ou bien de les rémunérer sous forme d’une indemnité forfaitaire préalablement définie dans son mode d’évaluation ?

Jacques Brouillet, avocat au barreau de Paris, du Cabinet ACD, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

Auteur

  • JACQUES BROUILLET