logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Les ex-Ford sont loin d'être sortis d'affaire

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 04.05.2010 |

Depuis l'annonce en 2009 du désengagement du constructeur automobile de son site girondin d'ici à 2011 et sa cession à HZ Holding, rien n'a vraiment bougé. Les beaux projets du repreneur sont au point mort, alors que le recours à des mesures sociales se profile.

L'argent, le nerf de la guerre ? Pas seulement. Si la situation de l'ancien site de Ford inquiète, ce n'est pas que par manque de financement. Rappel des faits. En 2007, le constructeur automobile américain annonce qu'après 2011, il n'approvisionnera plus son unique site hors des Etats-Unis, celui de Blanquefort, à une dizaine de kilomètres de Bordeaux. Les 2 350 salariés sont sonnés. « Deux issues se présentent : soit l'usine disparaît, soit elle est cédée », se rappelle Jean-Luc Gassies, de la CFDT, actuel secrétaire adjoint du CE.

Projet de diversification

En 2009, bonne nouvelle : un repreneur apparemment sérieux se fait connaître. Il s'agit d'une holding financière, HZ Holding, associée à un partenaire industriel, Johann Hay. « L'ensemble est présenté en grande pompe, comme ayant les reins solides », raconte le syndicaliste. C'est aussi, et surtout, le dossier le mieux placé pour sauvegarder le plus haut niveau d'emploi.

Le contrat de cession obtient la bénédiction, le 5 février 2009, de Christine Lagarde, ministre de l'Industrie. Roland Especel, directeur des relations institutionnelles de l'entreprise, explique : « Il comprend tout d'abord un projet de diversification baptisé Atlas, prévoyant la fabrication de couronnes d'éoliennes, pour lequel le concours des banques est sollicité. Sont ensuite programmés la production et le développement de transmissions automatiques, notre coeur de métier, à destination des pays émergents, et des pièces automobiles, pour les poids lourds en particulier. Enfin, l'atelier de traitement thermique, sans doute le plus important du sud du pays, sous-utilisé, est promis à devenir un centre de profit avec une activité commerciale propre. » L'entité devient dès lors First Aquitaine Industries.

Sur le papier, tout est pour le mieux. « La reprise, perçue positivement en interne, reçoit même l'avis favorable du comité d'entreprise, le 30 mars 2009, assorti néanmoins de réserves portant sur le manque d'informations quant au détail des investissements », précise Jean-Luc Gassies. Mais, sur le terrain, les salariés déchantent à mesure que les effectifs s'effritent : l'usine jumelle, dans laquelle les salariés étaient sous contrat Ford, change de mains et passe sous GFT ; d'autres salariés - gardiens, pompiers, caristes - voient leurs postes externalisés ou partent à la retraite sans être remplacés.

Des échéances sans cesse repoussées

Aujourd'hui, les ex-Ford ne sont plus que 1 400. « On nous promettait de nouvelles machines, le démarrage des productions... Sans cesse, les échéances sont repoussées », regrette le syndicaliste. Mensonge ou revers de fortune ? Quoi qu'il en soit, il semble que le couple holding-industriel ne fonctionne pas. Les fonds et les clients promis demeurent invisibles.

Un peu plus d'un an après la reprise, le flou reste complet. D'où le droit d'alerte déclenché par le comité d'entreprise en janvier dernier. En attendant, l'usine tourne avec toujours un seul client, Ford. « Une des banques sollicitées sur le projet Atlas traîne des pieds alors que le médiateur du crédit a été saisi », signale Roland Especel. Mais le temps presse puisque, semble-t-il, des clients potentiels attendent de passer commande.

Le 15 avril, l'horizon s'est un peu éclairci après qu'Alain Juppé, maire de Bordeaux, a annoncé avoir obtenu un financement public supplémentaire. Pour autant, personne ne pense échapper à un PSE courant 2011. « Atlas, in fine, ne doit concerner que 200 emplois. Et la fabrication de transmissions automatiques risque de n'occuper que 50 personnes », confie un proche du dossier.

Les salariés sont aujourd'hui partagés entre ceux qui veulent se mobiliser et ceux démotivés par des années d'incertitude. « Tous doivent faire le deuil de Ford », observe Roland Especel, conscient que le défi est aussi culturel. « Nous passons d'un fonctionnement totalement intégré à la maison mère américaine à celui constitué d'un pôle de production avec des métiers, des clients et un calendrier différents. La greffe prendra du temps », convient-il.

Recherche de nouveaux partenaires

Pour sortir de l'impasse, Gérard Godefroy, du cabinet Secafi, qui conseille le CE, avance plusieurs pistes : « La première, incontournable, consiste à trouver de nouveaux partenaires financiers, mais aussi industriels. Ensuite, il faut convaincre Ford de rester deux ans de plus, le temps de faire entrer un nouvel actionnaire, de démarrer quelques-uns des projets et de faire reculer l'échéance d'un PSE qu'il s'est engagé à financer. Enfin, il est nécessaire de doter First d'une force commerciale et d'une R & D dignes de ce nom, conditions sine qua non à son autonomie et à sa pérennité. » C'est, en substance, la teneur du prérapport qu'il remettra courant mai au comité d'entreprise.