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Les DRH sur tous les fronts

Enquête | publié le : 04.05.2010 |

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Les DRH sur tous les fronts

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Dialogue social, GPEC et attraction-fidélisation des talents : ce sont les trois priorités des DRH, selon l'enquête exclusive Inergie-ANDRH-Entreprise & Carrières auprès de 401 professionnels de la fonction. Aux avant-postes pendant la crise, notamment en soutien des managers, mais aussi des salariés victimes du stress, les DRH doivent adapter les pratiques sociales de l'entreprise pour lui permettre de conserver les compétences, mais aussi pour faire face à l'évolution continue des contraintes légales. Revue des enjeux d'une fonction qui redevient stratégique...

Pour les DRH, le cap n'a pas changé, même après l'épisode de gros temps vécu par les entreprises depuis dix-huit mois. Certes, ils ont dû souvent s'employer à maîtriser l'incendie allumé par la crise, accompagnant des réorganisations ou imposant des gels de salaires dans un climat de plus en plus tendu... mais ils n'ont pas perdu de vue ce qu'ils considèrent encore et toujours comme un point cardinal de leur fonction : la nécessité d'attirer et de fidéliser les talents.

C'est ce que révèle l'enquête exclusive menée par Inergie auprès de 401 adhérents de l'ANDRH pour Entreprise & Carrières sur les grands enjeux de la fonction RH en 2010*. Selon eux, ce qui incite à faire évoluer le management des RH est bien le risque lié à la perte des talents (50 %). Il s'impose avant la contrainte légale (49 %), le risque de conflit social (30 %) et le risque juridique (28 %).

Les DRH dans la guerre des talents

Ce risque nécessite de se mobiliser prioritairement sur l'attractivité de l'entreprise et la fidélisation des talents (42 %), sur la GPEC (59 %), mais aussi sur le dialogue social (60 %), prérequis aux évolutions de la politique sociale des entreprises. La prévention des risques psychosociaux (37 %) ou le maintien dans l'emploi des seniors (29 %), objectifs sur lesquels le gouvernement a pourtant fait peser des menaces financières ou d'image, arrivent loin derrière. « En cette sortie de crise, les DRH se reconcentrent sur les points cardinaux de la fonction, et se positionnent d'autant plus clairement en appui de la stratégie de l'entreprise », analyse Luc Vidal, DGA d'Inergie.

Et pourtant, leur feuille de route est pour le moins chargée depuis quelques mois : il leur a fallu, souvent, accompagner des réorganisations (56 %) ; parfois, faire accepter des gels de salaire (32 %) auprès de collaborateurs qui estiment avoir multiplié les efforts ; plus rarement, mettre en oeuvre un PSE (18 %) ou des mesures de chômage technique (15 %). Sans compter qu'ils ont dû aussi faire face aux échéances imposées par le législateur dans le domaine de l'emploi des seniors et de la prévention des risques psychosociaux.

« Il n'empêche, les DRH sont aujourd'hui occupés avant tout par des problèmes d'emploi, analyse Jean-Luc Vergne, DRH de BPCE. Ils doivent, d'une part, gérer des sureffectifs et, d'autre part, s'assurer que leur entreprise, souvent obligée de muter très rapidement, disposera des compétences nécessaires, et ce, qu'il s'agisse de les recruter ou de les conserver. Même en période de ralentissement ou de stagnation de l'activité, il demeure indispensable d'attirer les meilleurs, alors que l'on dispose de moins de moyens. C'est tout aussi vital, mais encore plus difficile. »

Philippe Cavat, patron du cabinet de conseil DDI, qui s'est spécialisé depuis une quarantaine d'années dans la gestion des talents, est le témoin de cet intérêt renouvelé des entreprises. « On assiste à un boom dans ce domaine, indique-t-il. Nous avons constaté les effets de la récession sur notre activité pendant six mois. Mais, depuis le printemps 2009, nous répondons à une demande par mois pour accompagner la mise en oeuvre d'une politique de «talent management» auprès d'un client stratégique. Il y a encore deux ans, nous travaillions avec 6 entreprises du CAC 40, aujourd'hui, elles sont 19. Au niveau international, le besoin s'exprime notamment sur l'Europe du Sud, et tout particulièrement sur la France, ainsi que sur la Chine. »

Les évolutions du droit modifient les pratiques

Mais la France, notamment vue de l'étranger, reste un pays où les contraintes légales sont fortes et où le droit du travail est historiquement très normatif. La moitié des DRH interrogés par Inergie considèrent ainsi que les évolutions du droit obligent à modifier les pratiques. Un taux important qui traduit sans doute la perception d'un renforcement de ces contraintes et qui peut être lié, notamment, aux récentes obligations de mise en oeuvre d'accords ou de plans d'actions en faveur de l'emploi des seniors. Les trois quarts des DRH l'ont fait l'année dernière, 7 % étant, par ailleurs, couverts par un accord de branche. Une négociation sous contrainte peu appréciée dans la mesure où le délai imposé par la loi de financement de la sécurité sociale de 2009, puis la parution de ses derniers décrets et circulaires n'ont laissé aux négociateurs que quelques mois pour s'attaquer au sujet comme le législateur l'imposait (lire p. 34).

Le même grief porte sur la question des risques psychosociaux. Xavier Darcos, l'ancien ministre du Travail, avait cette fois utilisé un principe d'inspiration anglo-saxonne, le name and shame, avec la publication sur le site du ministère du Travail de la liste des entreprises signataires d'accords, mais aussi de celle des entreprises moins-disantes. Même si cette dernière n'est restée que quelques heures en ligne devant le tollé du Medef, et même si elle a été, depuis, désavouée par Eric Woerth, le successeur de Xavier Darcos rue de Grenelle, la méthode n'a ni séduit ni convaincu les professionnels des RH concernés, qui officient dans des entreprises de plus de 1 000 personnes. En effet, 63 % la désapprouvent et 66 % la jugent inefficace, y compris parmi les 28 % dont l'entreprise se trouve sur la liste verte (58 %, qui ont donc mis en oeuvre un dispositif auquel ils ne croient guère). Même condamnation chez les « moins de 1 000 salariés » qui n'étaient pourtant pas concernés.

« La démarche de Xavier Darcos s'est inscrite à contre-courant et l'approche, avec une série de trois listes, était schématique et ne permettait pas d'apprécier la réalité des démarches des entreprises, regrette Martin Richer, directeur général de Secafi, société spécialisée dans le conseil aux CE et CHSCT. Il n'empêche, ce type de dispositif a montré des résultats en Allemagne et surtout aux Etats-Unis, notamment sur les troubles musculo-squelettiques. L'Osha (agence gouvernementale chargée de la santé et de la sécurité au travail) publie de telles listes sur son site depuis une dizaine d'années. Ces informations sont très utilisées par les candidats, et les DRH sont soucieux d'y bien figurer pour attirer les talents. »

« Une prise de conscience phénoménale »

Après l'accord européen de 2003, l'ANI de 2008 sur la prévention des risques psychosociaux, et dans un climat resté atone jusque-là, le name and shame a cependant provoqué une « prise de conscience phénoménale » sur le sujet en faisant, par la même occasion, reculer le déni, reconnaît Jean-Christophe Sciberras, DRH de Rhodia et vice-président de l'ANDRH (lire l'entretien p. 32).

La pression des juges a sans doute aussi fait son office, le risque juridique (28 %) ayant autant d'influence que la crainte des conflits sociaux (30 %) sur la nécessité de faire évoluer les pratiques RH. « Le harcèlement moral et le stress constituent une grande partie des problèmes-clés de ce début de XXIe siècle, affirme un DRH d'un grand groupe de services, ne serait-ce que par le fait de l'accroissement de la judiciarisation des politiques sociales. Il se pourrait qu'un jour, il coûte aussi cher que l'amiante. »

Pour l'avocate Béatrice Pola (Proskauer-Rose), « les juges ont la volonté de prendre certaines choses en main ». Sur la santé et la sécurité au travail, la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi réaffirmé, en février dernier, l'obligation de résultat de l'employeur. Par ailleurs, les arrêts du 10 novembre 2009 sur le harcèlement moral ne pouvaient qu'interpeller les professionnels des RH. Ils stipulent en effet, d'une part, qu'une méthode de gestion du personnel peut constituer un harcèlement moral (dont la définition ne renvoyait jusqu'ici qu'à une relation interpersonnelle) et, d'autre part, qu'un harcèlement moral pouvait être constitué sans intention malveillante. Sur plainte de SUD, le Parquet de Paris est saisi de l'affaire France Télécom, où les suicides se sont multipliés ces deux dernières années, alors que le tribunal des affaires sociales de Nanterre avait reconnu en décembre dernier la faute inexcusable de Renault dans le suicide d'un salarié de son technocentre de Guyancourt (lire p. 36).

Un positionnement stratégique

Ces contraintes externes et internes repositionnent la fonction RH, alors que son association à la définition de la stratégie de l'entreprise fait souvent débat et a parfois suscité une forme de blues au sein de la profession. Plus de vague à l'âme, semble-t-il : les DRH interrogés se considèrent globalement associés à la stratégie (72 %). Ils interviennent en soutien des managers (85 %), ces opérationnels sur lesquels pèse la pression des objectifs. Mais ils considèrent aussi très largement que la fonction se positionne en soutien des salariés (73 %), sans doute à la faveur de l'individualisation des RH et dans le cadre des politiques de prévention des risques. Une bonne nouvelle ? « C'est le retour de la GRH, après quelques années passées à mettre en oeuvre des process ou des outils de recrutement et d'évaluation, ou des SIRH, analyse Jean-Christophe Sciberras. La crise du stress ou les réorganisations obligent à réintégrer la dimension humaine dans la stratégie. »

* Echantillon : 401 répondants parmi les membres de l'ANDRH intérrogés en mars 2010 (45 % DRH ; 32 % RRH ; 23 % autres fonctions RH), dont 42% dans l'industrie ; 53% dans les services ; 5 % dans le public. La moitié sont dans une entreprise de moins de 500 salariés ; 28%, entre 500 à 2 000 salariés ; 25%, plus de 2000 salariés.

L'essentiel

1 La gestion des conséquences de la crise économique est plus que jamais d'actualité pour les DRH. La majorité d'entre eux déclare devoir faire face à une réorganisation, quand un tiers doit gérer un gel des salaires.

2 Toutefois, le premier risque que les DRH doivent affronter est la perte des talents. Les conflits sociaux viennent en 3e position, loin derrière les contraintes légales, et juste devant les risques juridiques.

3 Malgré ces multiples contraintes, les DRH gardent un pied sur le terrain, intervenant en soutien aux managers et aux salariés. Signe d'un retour à la GRH?