Auteur de "Retraites complémentaires, histoire et place des régimes Arrco et Agirc dans le système français", François Charpentier plaide pour une fusion des deux régimes.
Sur quoi vont déboucher les négociations sur les retraites complémentaires, qui se poursuivent ce 27 mai ?
On s’oriente vers un accord qui s'appuie sur des mesures paramétriques comme la décote provisoire qui entrainera une baisse des pensions. Mais pas vers une réforme systémique. Or, la seule solution viable serait la fusion des deux régimes, l'Agirc et l'Arrco. D’ailleurs, beaucoup a déjà été fait en ce sens il y a plus de dix ans. Dès 2001, la piste était évoquée dans la convention signée par les organisations syndicales et patronales. Et en 2002, on a créé un GIE, un groupement d’intérêt économique réunissant l'Agirc et l'Arrco pour avoir les mêmes outils de gestion et mieux gérer le rapprochement de certains droits. Depuis, rien n’a bougé. Plus on tarde, plus la baisse des pensions sera rude.
Pourquoi cette fusion est-elle si difficile à envisager ?
On est dans le mythe français, on touche au sacré. Certaines organisations syndicales ne veulent absolument pas que le régime des cadres disparaisse. La CGT d’abord, qui a créé l'Agirc peu après qu'elle ait lancé son syndicat des cadres, l’Ugict. Au sortir de la guerre, l’Agirc faisait alors partie d’un compromis politique entre gaullistes et communistes. La centrale de Montreuil y est donc historiquement très attachée. La CFE-CGC, aussi, lutte contre sa disparition. On peut la comprendre : ce régime est la seule chose qui lui reste concernant le fameux « statut » cadre. La fin de l’Agirc entrainerait une renégociation de ce statut, et donc une évolution profonde de la confédération des cadres.
Y a-t-il des raisons plus stratégiques à ce refus ?
Plus généralement, les opposants soutiennent que la fusion des deux régimes représenterait la première étape vers une absorption des retraites complémentaires par le régime général de la Sécurité sociale. Ce qui pourrait conduire, à terme, à l’émergence de régimes privés de retraite et à la fin du paritarisme. Ce qui n'est pas tout à fait faux... Sans aller aussi loin, le Medef propose, lui, « un régime unifié ». Une vision à laquelle adhère la CFDT et à laquelle FO ne s’oppose pas. Ce qui est assez courageux pour cette dernière car la confédération de Jean-Claude Mailly a toujours géré l’Arrco. Dans tous les cas, la décision sera certainement reportée après l’élection présidentielle de 2017.