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"Des stratégies de croissance verte pourraient générer 60 millions d'emplois dans le monde"

Liaisons Sociales Magazine | Relations Sociales | publié le : 02.11.2015 | Catherine Abou El Khair

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Expert du récent programme "Green Jobs" à l'Organisation internationale du travail, Moustapha Kamal Gueye suit les projets de croissance verte initiés en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Dans ces régions, les emplois verts sont un moyen de créer sa propre activité et de sortir de la pauvreté.

Quel est l’état des connaissances de l’OIT sur les emplois verts ?

Depuis 2007, il y a eu une série d’études et d’analyses au niveau international pour comprendre l’impact et les enjeux de la dégradation de l’environnement sur le marché du travail. Ce que nous pouvons constater, c’est qu'il faut investir massivement dans les secteurs clés que sont l'agriculture, l'efficacité énergétique et le bâtiment. Si rien n’est fait, la productivité agricole dans les pays africains pourrait chuter de 50% d’ici à 2020 à cause des changements climatiques. À l'inverse, des stratégies de croissance verte pourraient générer jusqu'à 60 millions d'emplois dans le monde.

Depuis 2009, l'OIT fournit un appui technique aux pays en développement sur les emplois verts. Quelles sont les conditions pour arriver à créer ces activités?

Au-delà de la volonté politique pour adapter les réglementations, il faut une main-d’œuvre qualifiée. C’est un enjeu majeur dans les pays en développement. Ensuite, lorsque les artisans sont formés à l’utilisation du captage d’eaux de pluie, ou à l’installation de panneaux solaires, il faut qu’ils soient capables de monter leur propre entreprise.

Pourquoi valoriser l’entrepreneuriat? N’y a-t-il pas assez d’opportunités dans les entreprises existantes ?

Les Etats encouragent l’entrepreneuriat car ils ne peuvent absorber la masse de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Dans nos projets-pilotes, nous soutenons aussi les projets d’entrepreneurs. Notre rôle n’est pas de créer des emplois mais de faire la preuve des opportunités qui existent. Maintenant, il appartient aux pouvoirs publics de déterminer leurs priorités et au secteur privé d’investir massivement. La plupart des jeunes qui cherchent à se former essaient de trouver des filières qu’ils jugent porteuses, où il y a une perspective d’auto-emploi. Dans le développement durable, c’est possible. Certains créent de petites entreprises d’audit énergétique ou d’installations de systèmes solaires. Le développement durable peut permettre de sortir de la pauvreté s’il est adapté à la demande. A l’image de l’entreprise kenyane M-Kopa, qui vend aux populations rurales de l’électricité solaire. Les gens peuvent payer par téléphone, selon leurs besoins et leurs moyens, jour après jour. En Afrique, 80% de la population n’a pas accès à l’électricité. La demande est donc énorme, mais l’offre reste encore quasi inexistante.

L'expérience acquise dans les pays du Sud peut-elle inspirer les pays développés?

En Europe, la finalité est différente. La transition écologique doit d’abord relancer la croissance économique et l’innovation. Pour les consommateurs, ce sont les enjeux de protection de la santé publique qui priment.

Ces motivations ne semblent pas suffire…

Il faut promouvoir la demande, faire en sorte que les consommateurs aillent davantage vers les sources d’énergie alternative. Il faut aussi plus de programmes publics. Au début des années 2000, la Chine était totalement absente de l’éolien et du solaire. Une décennie après, elle est devenue leader, car l'Etat chinois a investi massivement. Cet exemple montre la capacité de créations d'emplois liés à l'économie verte. En Chine, la filière des énergies renouvelables pèse aujourd'hui 3,4 millions d’emplois, selon l’Irena.

Auteur

  • Catherine Abou El Khair