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PSA troque 1000 recrutements en CDI contre plus de flexibilité

Liaisons Sociales Magazine | Relations Sociales | publié le : 11.07.2016 | Anne Fairise

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Le constructeur signe un nouvel accord triennal, cette fois avec cinq syndicats. En contrepartie d’une flexibilité accrue du travail, PSA s’engage à recruter 1000 CDI et à maintenir le niveau de production en France.

Prière de ne plus parler d’accord de compétitivité ! L’expression semble désormais inappropriée, à entendre Xavier Chéreau, DRH groupe du constructeur automobile PSA. Il l’a bien fait comprendre en signant officiellement, vendredi 7 juillet, sous une nuée de caméras, un nouvel accord triennal (2017-2019). Un texte qui prend le relais de celui de 2013, époque critique pour le groupe, alors proche du dépôt de bilan.

A nouveau contexte, nouvelle ambition. Porté par le rebond du marché automobile européen, PSA a enregistré en 2015 son premier exercice bénéficiaire depuis 2010 (avec 1,2 milliard d’euros de résultat net). « Plus qu’un accord de compétitivité, c’est un accord de croissance dans l’intérêt de l’ensemble de nos collaborateurs », explique Xavier Chéreau.

C’est d’ailleurs la marque apposée à ce texte, baptisé « Nouvel élan pour la croissance ». Celui-ci garantit 1000 recrutements en CDI d’ici 2019, le maintien en France de la production et des équipes dédiées à la R&D et entérine un retour très limité aux augmentations salariales. Il se veut la version sociale de « Push to pass », le plan dévoilé en avril par Carlos Tavares, le patron du constructeur automobile.

Effectifs toujours en baisse

Ce menu a emporté la signature de cinq syndicats sur six (FO, la CFE-CGC, la CFTC, le SIA-GSEA et la CFDT) représentant 80% des collaborateurs. C’est mieux qu’en 2013 où la CFDT avait choisi de lever le stylo. Cette fois, seule la CGT a refusé de mettre son paraphe. Cette évolution « marque un nouvel état d’esprit », clame le DRH, qui met en avant la volonté du groupe de faire évoluer les pratiques habituelles de négociation vers « une culture de co-construction basée sur des relations de confiance ». La stratégie du groupe a ainsi été partagée, « en amont », au sein d’un comité paritaire.

Une méthode saluée par tous les syndicats signataires. « Avant, chaque partie campait sur ses positions dans la durée. Le partage en amont de la stratégie et les groupes de travail mis en place avec des spécialistes ont donné du sens à de nombreux sujets et permis de négocier plus rapidement, avec plus de sérénité », commente Serge Maffy, DSC du SIA-GSEA.

Surtout, les syndicats estiment avoir sauvé l’essentiel, lors de ses négociations menées tambour battant, en deux petits mois. FO, qui avait fait du recrutement de 1000 CDI un incontournable, a obtenu gain de cause. « En 2013, PSA perdait sept millions d’euros par jour. Aujourd’hui, le groupe en gagne 3 à 4 millions chaque jour », rappelle Christian Lafaye, délégué syndical central de FO, premier syndicat du groupe, satisfait que PSA retrouve « du sang neuf », via ces embauches programmées.

C’est une rupture certaine, le constructeur ne recrutant que quelques centaines de salariés par an sur les derniers exercices. Reste que les « congés séniors », instaurés par l’accord de compétitivité de 2013, perdurent : 2500 sont programmés sur trois ans. Cette dispense d’activité permet aux salariés à deux ou trois ans de la retraite d’arrêter de travailler tout en touchant 70% de leur salaire. La courbe à la baisse des effectifs nets ne devraient donc pas s’inverser. PSA, qui comptait 54649 salariés français fin 2015, a perdu 7200 postes depuis 2013. « C’est la poursuite des plans de suppressions d’emplois », commente la CGT, dans un communiqué.

Production maintenue

Si, contrairement à 2013, PSA n’apporte pas de garanties formelles sur le maintien des usines en France, il  s’engage à produire un million de véhicules en moyenne par an jusqu’en 2019, « sous réserve de la poursuite de la reprise du marché européen (…) et de l’absence de rupture dans le contexte environnemental et réglementaire ». Et il garde l’Hexagone comme « base de référence de son ingénierie », en garantissant qu’il y conservera 85% des activités R&D « en avance de phase » (désignant notamment la recherche avancée et les innovations technologiques).

De quoi apaiser les organisations syndicales échaudées par de récentes externalisations, en 2015. « L’accord assure pendant trois ans le maintien du même volume d’activité pour les 10000 salariés en R&D », précise Jacques Mazzolini, DSC de la CFE-CGC, deuxième syndicat. Il a obtenu que, si le groupe procède à de nouvelles externalisations, celles-ci passent par un accord de méthode.

En matière de rémunérations, le gel des salaires mis en place en 2013 est désormais supprimé. Le nouvel accord prévoit un budget d’augmentation minimum de 1% au-dessus de l’inflation. Le calcul de l’intéressement a été revu. « Il devrait permettre une augmentation sensible de son montant, même si par nature celui-ci est lié aux résultats du groupe », reconnaît FO. « Le nouvel calcul permet une réduction des inégalités : un peu plus de 80% du personnel, contre 68% aujourd’hui, touchera la même somme », précise Christine Virassamy, numéro un de la CFDT. Une politique salariale que la direction qualifie d’« équilibrée ». L’inflexion apparaissait nécessaire, la récente révélation du niveau de salaire de Carlos Tavares ayant bien secoué les troupes.

Flexibilité accrue

Mais les sacrifices, en matière de flexibilité et de temps de travail, sont encore accrus pour adapter l’organisation du travail aux variations d’activité. Les équipiers pourront travailler 8 jours de plus par an le samedi (contre 5 jours de plus autorisés depuis 2013) et rester chez eux 12 jours en cas de chômage technique (contre cinq jours depuis 2013), à salaire égal ou presque. Les syndicats ont obtenu qu’un tiers des heures supplémentaires soient directement payées. Ce qui n’est pas le cas actuellement, toutes ces heures  rentrant dans le cadre de la modulation. Un effort moindre que celui exigé au début de la négociation par la direction, qui proposait de passer… à plus ou moins quinze jours de travail.

« Nous avons trouvé un équilibre acceptable entre compétitivité des sites et intérêts des salariés », résume Christine Virassamy, de la CFDT, qui a paraphé le texte après que ses adhérents s’y sont déclarés favorables « à plus de 88% ». En 2013, la quatrième centrale avait refusé de signer « parce que les efforts exigés n’étaient pas limités dans le temps ».

Ils ne le sont pas plus aujourd’hui mais la CFDT a eu gain de cause sur le lancement d’expérimentations pour améliorer la qualité de vie au travail. Les premières débuteront dans l’usine de Rennes, à l’automne. Un impératif, pour Christine Virassamy: « Les conditions de travail se sont très fortement dégradées depuis 2013. Les opérateurs ont l’impression d’être dans une course permanente. Et les déclarations de maladies professionnelles sont en augmentation ». Comme le résume la CFTC, « le nouvel accord est bien loin d’un accord de compétitivité pur et dur » ! Il n’en reste pas moins un, quoi qu’en dise le DRH groupe.

 

Auteur

  • Anne Fairise