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PARCOURS DU MILITANT : La CFE-CGC et la FCE-CFDT défrichent le terrain

Entreprise & Carrières, 20/02/2009 | Relations Sociales | publié le : 20.02.2009 |

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Depuis trois ans, la fédération chimie-énergie (FCE) de la CFDT et la CFE-CGC mènent chacune leur projet de valorisation de l'expérience syndicale. Très attendue par les militants, la mise en place de ce service se heurte à de nombreuses difficultés.

 

Leurs objectifs sont les mêmes, mais les méthodes diffèrent.

A la FCE-CFDT, le dispositif pour valoriser l'expérience des militants s'appelle «suivi et valorisation du parcours militant», nom de code : SVPm.

Comme la «VAE des militants», son équivalent à la CFE-CGC, il part de plusieurs postulats : l'expérience militante peut être formalisée et valorisée, par un diplôme, une certification... ; elle doit déboucher sur des diplômes qui existent déjà - pas de création de «diplôme de syndicaliste» - ; elle est diverse, donc non réductible à un diplôme en droit du travail.

Les deux organisations poursuivent également les mêmes objectifs : accompagner les militants dans leur prise de responsabilité syndicale, et faciliter leur reconversion. Mais les démarches diffèrent.

 

Lancé officiellement en mai 2006, le SVPm est un ensemble de services, à destination des militants de la FCE-CFDT. La clé de voûte est une série d'entretiens entre le militant qui demande un suivi, et un «interlocuteur dédié», également issu du syndicat, formé à cet exercice. Pour l'heure, environ 80 personnes ont été formées pour être des interlocuteurs dédiés : des fédéraux ainsi que des délégués centraux d'entreprise.

Les entretiens «d'accompagnement» doivent aider le militant à prendre son mandat et à monter en compétence. A charge pour l'interlocuteur dédié de mettre à sa disposition la formation, l'accompagnement ou le coaching qui lui permettra d'atteindre ses objectifs. A l'heure actuelle, une trentaine d'entretiens de ce type, dont la durée est d'une demi-journée, ont été réalisés. « Un militant a appris à rédiger un article auprès d'un journaliste de la fédération ; un autre, qui éprouvait des difficultés à faire un retour à ses collaborateurs sur leur travail, bénéficie de mises en situation », illustre Bruno Carraro, en charge du développement et de la formation syndicale à la FCE.

 

Entretiens d'anticipation

Les entretiens «d'anticipation» s'adressent aux militants qui souhaitent bénéficier d'une VAE, en vue d'obtenir un diplôme - principalement une licence ou un master - en communication, formation, management, sécurité, et, bien sûr, en droit du travail. La FCE a passé un partenariat avec le Cesi.

Ce dispositif n'a pas bien fonctionné jusqu'à maintenant. Des militants se sont fait connaître mais n'ont, finalement, pas donné suite. « La difficulté est que les personnes n'ont pas une vision objective de leurs compétences ou n'ont pas assez travaillé leur projet », explique Bruno Carraro. Il cite le cas de ce délégué syndical et élu au CE qui, peu de temps avant sa retraite, veut bénéficier d'une VAE afin d'obtenir un «rattrapage» de salaire et une meilleure pension. « Nous lui avons expliqué que ce n'est pas parce qu'il a une VAE que son employeur va l'augmenter », se souvient Bruno Carraro, qui estime qu'il faudra « dix ans » pour que le dispositif prenne vraiment.

 

Bon accueil

L'accueil des entreprises a été plutôt bon.

Sur les 80 syndicalistes qui ont suivi une formation à la conduite d'entretien, prise sur leur DIF, « seules deux ont essuyé un refus de leur employeur, qui estimait que cette formation devait être prise en charge par les syndicats », relate Bruno Carraro. Il a également présenté SVPm à des DRH de grands groupes (Total, EDF, Saint-Gobain, Groupama), qui lui ont fait bon accueil. « Ces derniers voient dans ce dispositif un moyen de prévenir les discriminations, de réintégrer des militants et de valoriser l'image de leur entreprise. Et puis, certains aimeraient bien savoir comment les syndicats arrivent à faire travailler leurs militants sans argent ni autorité. »

 

À LA CFE-CGC

Avant de devenir un service aux militants, la «VAE des militants» de la CFE-CGC est un projet scientifique. Mi-2006, la centrale des cadres confie à une équipe du laboratoire de psychologie du travail du Cnam, animée par Yves Clot, la tâche de dresser un référentiel d'activité du militant. Pendant plusieurs mois, les chercheurs suivent une vingtaine de syndicalistes dans des réunions de branche, d'entreprise, aux prud'hommes... afin de décrire, par le menu, les compétences qu'ils mobilisent. L'objectif étant que celles-ci soient valorisées par un diplôme de nivau bac + 3 ou 4 en économie, droit, sociologie ou psychologie. Terminé en septembre 2008, le référentiel est, aujourd'hui, expérimenté auprès de quatre militants qui préparent une VAE. Cette phase doit amener à rédiger un vade-mecum permettant aux militants d'utiliser eux-mêmes le référentiel. Il restera, ensuite, à identifier les diplômes qui recevront la VAE.


Service d'accompagnement

« Pour le moment, nous travaillons avec le Cnam ; à terme, l'idée est d'élargir à des diplômes universitaires », explique Sophie Simonpoli, en charge du dossier à la CFE-CGC. L'étape suivante consistera à créer un service d'accompagnement auquel pourront s'adresser « tous les mandatés ». « J'aimerais que ce service soit hébergé dans une structure satellite », déclaret-elle. A l'image de ce que fait la CGT dans d'autres domaines.

Si ce service répond « à une forte attente des militants », Sophie Simonpoli ne cache pas que le projet rencontre des obstacles. Le premier est la méconnaissance du jury chargé de valider la VAE, qui « ne sait pas ce qu'est un militant ». Le second est l'indifférence patronale : « Nous avons sollicité le Medef, mais il ne répond pas. » Ennuyeux, car le succès du dispositif est conditionné à un débouché dans les entreprises.

E. F.


La VAE des militants, un enjeu pour les syndicats

Souvent évoquée, jamais organisée, la reconversion des militants est le serpent de mer des syndicats : ils y réfléchissent, oublient, puis y repensent. En ce moment, ils y pensent et s'activent. Jamais la question n'est remontée aussi haut dans les instances syndicales. C'est vrai au moins à la CFE-CGC, à la CFDT et à la CGT, où le dossier est suivi au plus haut niveau confédéral.


Effets collatéraux

Jusqu'à présent concurrentes, ces organisations syndicales commencent à se concerter sur ce dossier : elles ont, ainsi, échangé leurs expériences, l'année dernière, dans le cadre d'un groupe de travail de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse). Plusieurs facteurs, conjoncturels et structurels, concourent à ce regain d'intérêt. La fin du mandant des délégués syndicaux n'ayant pas obtenu 10 % des suffrages est, bien sûr, dans toutes les têtes, mais les syndicats ont du mal à aborder la question frontalement.


Opportunité

« Dans notre optique, la réforme fait avancer la démocratie sociale. Nous n'en avons pas mesuré les effets collatéraux », déclare Paul Desaigues, conseiller confédéral CGT à la formation initiale et continue.

« Il est évident que les nouvelles règles de représentativité vont avoir un impact sur nos mandatés, mais notre ligne est que cette réforme est une opportunité », explique Bruno Carraro, en charge du développement et de la formation syndicale à la FCE-CFDT, qui déploie actuellement un dispositif de « suivi et de valorisation du parcours militant ». Ce dernier précise tout de même que « la confédération s'intéresse à ce qu' [il] fait depuis la position commune [d'avril 2008, d'où est issue la réforme de la démocratie sociale] » et que « la règle des 10 % va [l]'obliger à adapter son dispositif en vue de le rendre plus réactif ».


Assurer la relève

La CGT et la CFDT ont soutenu la réforme de la représentativité. Si ces syndicats travaillent sur la reconversion de leurs militants, c'est essentiellement pour « donner envie aux salariés de militer », explique Sophie Simonpoli. Compte tenu du faible nombre de militants, dont beaucoup seront bientôt à la retraite, les organisations syndicales ont un besoin impérieux d'assurer la relève. Or, les jeunes militants n'ont pas les mêmes attentes que leurs prédécesseurs. « Avant, ils vivaient leur engagement syndical comme contradictoire avec le travail salarié, aujourd'hui, ils veulent conserver le lien avec leur employeur », relève Paul Desaigues.


Temps syndicaux et temps professionnels

Pour les mandatés ne disposant que de quelques heures de délégation, le maintien du lien avec l'employeur est évident. La question est plus complexe s'agissant de ceux qui consacrent davantage de temps à leur mandat. Pour les titulaires d'une délégation à temps partiel, l'enjeu est d'articuler les temps syndicaux et les temps professionnels. Pour les permanents, la question est celle du retour en production.

Les syndicats ont choisi de distinguer les deux chantiers, et de privilégier le second. A tort, selon François Fatoux, délégué général de l'Orse, qui prône une approche globale. Il faut dire que ni les DRH, ni les managers, ni les syndicats ne savent gérer un engagement syndical à temps partiel, et qu'ils préfèrent que le salarié dispose d'une délégation permanente.


Valoriser l'expérience acquise

« Or, un militant qui retourne en production au poste d'où il est parti va s'ennuyer, parce qu'il aura développé d'autres compétences durant son mandat. En outre, ses compétences professionnelles risquent d'être obsolètes ; c'est particulièrement vrai en informatique », relève Sophie Simonpoli. D'où cette conviction : pour attirer des militants, il faut leur proposer de valoriser l'expérience acquise pendant leur mandat.

E. F.