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Les réseaux sociaux d’entreprise peinent à s’imposer

Entreprise & Carrières | Relations Sociales | publié le : 07.12.2017 |

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Ils font désormais partie de la vie quotidienne et privée de nombreux salariés. Mais pourquoi les réseaux sociaux d’entreprise peinent-ils encore à exister et à développer des comportements collaboratifs ?

La Chaire Intelligence RH & RSE, créée par IGS-RH avec le concours du cabinet d’audit et de conseil BDO France, a étudié les réseaux sociaux d’entreprise. Son étude démontre que l’organisation de ces réseaux virtuels est presque similaire aux organigrammes et aux hiérarchies des entreprises… alors même que ces réseaux sont créés dans l’ambition de développer les interactions directes entre les salariés. On estime que plus de 50 % des entreprises – dont 85 % de celles cotées au CAC 40 – disposent d’un réseau social d’entreprise. Le coût moyen par salarié est estimé à 5 euros.

Crainte de l’infobésité

L’organisation des réseaux reproduit fidèlement les hiérarchies déjà en place au sein des organisations. À titre d’exemple, les individus sont 8,5 ≈ fois plus actifs dans les groupes créés par leurs managers que dans d’autres. Les auteurs avancent plusieurs explications à ce résultat pour le moins contre-intuitif. Il y a tout d’abord des arguments liés à l’utilité : les salariés s’inquiètent de la quantité et de la qualité des informations accessibles. Ces doutes sont expliqués par la théorie de l’acceptation de la technologie. Ils craignent l’infobésité car ils sont la cible d’informations nombreuses et de sources variées. Les e-mails, le téléphone, les interactions physiques et, désormais, les outils digitaux, fournissent une multitude d’informations qui se superposent : c’est l’effet millefeuille. Il désigne l’empilement des modes de communication sans que l’un se substitue à l’autre. Une seconde menace, sous-jacente, provient du risque d’incohérence entre les informations. Les utilisateurs avancent que pour apprécier la pertinence des informations présentes sur les réseaux sociaux, il faut déjà disposer d’un niveau certain de compétences.

Trop de risques perçus

Mais d’autres arguments, inconnus pour la théorie de l’acceptation de la technologie, sont aussi avancés. L’utilisation des réseaux sociaux d’entreprise exposerait les salariés à des risques qu’ils préfèrent éviter. Est soulignée également la loyauté envers le manager. Les personnes interrogées ne connaissent pas les managers qui ont créé d’autres groupes. Ils ne connaissent pas les relations qui lient leur manager avec ces autres responsables : sont-ils amis ? Concurrents ? Leurs relations sont-elles neutres ?

Dans le doute, il est craint de faire profiter d’autres équipes et d’autres managers de son expertise. Car, au final, c’est bien pour le manager que les individus se représentent travailler. La loyauté envers lui est à la fois un moteur pour contribuer aux groupes créés par le manager et pour éviter de participer à d’autres discussions. Par ailleurs, l’utilisation des réseaux sociaux est évidemment un moyen de mettre en avant ses compétences. Mais c’est aussi plusieurs risques : celui de commettre des erreurs ou de se montrer incompétent en proposant des contributions de faible qualité. À ce premier risque, lié au fond, s’associent deux autres, liés à la forme. Les réseaux sociaux d’entreprise impliquent évidemment de contribuer sous la forme d’un texte. Ils demandent donc des qualités relationnelles et, au moins, des compétences en orthographe. Tous les salariés ne se sentent pas capables de fournir des textes, mêmes courts, sans redouter de commettre ces erreurs de forme. Ils craignent aussi de ne pas trouver le bon ton.

D’abord la relation directe

Enfin, il existe une crainte de la surveillance. Qui, réellement, lit les contributions sur les réseaux sociaux d’entreprise ? Les membres des groupes et leurs administrateurs évidemment, mais qui d’autre ? Est-on certain qu’il n’existe pas une tour de contrôle, du côté des équipes RH, qui apprécierait la quantité et la qualité des contributions ?

Pour cet ensemble de raisons, les individus privilégient la relation directe avec leur manager. La relation est stable ; ses codes sont bien établis. Il semble donc que les modes de coordination bureaucratiques s’imposent et tendent à rendre difficiles des modes de coordination par ajustement mutuel. La faible utilisation des réseaux sociaux d’entreprises, en contrepoint avec la popularité des réseaux sociaux personnels, fait peser un doute sur leur capacité à développer rapidement des modes collaboratifs dans les entreprises françaises. L’héritage des rigidités hiérarchiques et bureaucratiques imprègne les esprits ; le pouvoir du manager et, au-delà de lui, la puissance de la ligne hiérarchique s’imposent et structurent les modes de coordination entre l’ensemble des acteurs.