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Les femmes n’ont pas à adopter le modèle masculin

Liaisons Sociales Magazine | Relations Sociales | publié le : 07.03.2016 | Chloé Joudrier

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Pour Olivier Thévenon, économiste au sein de la direction de l’Emploi, du travail et des affaires sociales à l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), l’égalité professionnelle hommes-femmes doit venir des deux camps, et pas uniquement des femmes.

Quelle est aujourd'hui la situation de la parité dans l'emploi ?

Le taux d’emploi des hommes dans les pays de l’OCDE est de 82 % alors qu’il est de 66 % chez les femmes. Concernant les salaires, l’écart entre hommes et femmes est de 7% pour les 10 % de personnes aux salaires les plus faibles. Quant aux salaires les plus élevés, l’écart est de 23 % ! Les femmes doivent faire carrière autant que les hommes. C’est un argument éthique et égalitaire. Mais les hommes doivent aussi changer leurs comportements. Dans la plupart des pays de l’OCDE, la proportion de diplômés du supérieur est aujourd’hui plus grande parmi les femmes avec 35 % contre 31 %. C’est aussi un bénéfice économique qu’il faut faire valoir auprès des investisseurs et des gestionnaires d’entreprises. Les raisons économiques justifient une plus grande égalité. On ne peut donc passer à côté d’une telle ressource.

Comment les politiques publiques peuvent-elles soutenir cette égalité ?

Elles doivent s’adapter ! L’OCDE a prévu une batterie de politiques pour lutter contre ces inégalités. Cela passe par l’accès des femmes aux filières scientifiques et l’orientation des hommes vers des métiers sociaux. Un exemple parlant : le secteur « Art et humanité » est composé à 70 % de femmes quand celui de l’ « informatique » concerne 80 % d’hommes. Ce processus passera par un changement dans les pratiques d’orientation scolaire qui demeurent très ségréguées. Ensuite, il faut encourager l’implication des pères dans la prise en charge des jeunes enfants. Les politiques de congés parentaux peuvent y remédier. Sur les trente-quatre pays de l’OCDE, neuf n’ont pas de politique de droit à des congés pour les pères. La France propose 28 semaines mais seulement 4 % des pères sont bénéficiaires du Complément de Libre Choix d’Activité. Il faut offrir des congés courts mais bien rémunérés, sinon les femmes continueront à prendre des congés plutôt que les hommes. Enfin, il faut changer la culture d’entreprise et faciliter l’accès des femmes aux postes de direction. Aujourd’hui, elles représentent 36 % des cadres en France et 30 % au sein de l’OCDE. Des taux qui diminuent. Cumulés tout au long de la vie, ces écarts conduisent à des différences importantes en matière de niveaux de retraite qui sont plus importants en France qu’en moyenne dans l’OCDE.

Ces politiques n'enferment-elles pas les femmes dans une logique de performance à tout prix qui pourrait être contreproductive ?

C’est bien pour cela que l’OCDE insiste sur la nécessité que les hommes autant que les femmes remédient à cette situation. Elles n’ont pas à adopter le modèle masculin. C’est aussi aux employeurs de changer la culture de l’entreprise. Il faut tendre à cette évolution sociétale qui passe aussi par le domicile familial.

Vous insistez sur la corrélation entre vie professionnelle et vie familiale…

L’inégalité hommes-femmes dans l’emploi s’appuie sur une différence présente aussi dans la sphère domestique. Les femmes continuent de prendre en charge une plus grande charge de travail domestique. Mais on peut observer un changement d’attitude à l’égard de l’emploi des mères. Beaucoup pensent aujourd’hui qu’elles doivent travailler à temps partiel si l’enfant est en âge préscolaire et à temps plein dès lors que l’enfant entre en scolarité obligatoire. Une plus grande égalité dans l’emploi amènera à une plus grande égalité au domicile !

Comment accompagner les entreprises vers une démarche d’égalité ?

Il faut les aider à mesurer cette égalité. Elles ont des obligations légales à mettre en place des stratégies en faveur de l’égalité. Mais un rapport du Haut conseil à l’égalité du 10 février montrait que seule la moitié des entreprises du CAC 40 s’était conformée aux obligations de délibérer annuellement sur ce sujet, conformément à la loi Copé-Zimmermann de 2011 qui prévoie une représentation équilibrée hommes-femmes dans les conseils d’administration. Il faut encourager les pratiques d’entreprises innovantes. Par exemple, en accroissant la formation au management ou en promouvant une plus grande exposition des femmes aux postes stratégiques.

Auteur

  • Chloé Joudrier