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L'expert auprès du CE, la bête noire des employeurs ?

Entreprise & Carrières, 10/02/2009 | Dialogue Social | publié le : 12.02.2009 |

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Coûteux, chronophages et susceptibles de contrarier certains projets, les experts auprès des comités d’entreprise ne sont pas toujours bien perçus par les directions.

 

Cela fait près de soixante-cinq ans que les experts s’invitent dans l’entreprise, à la demande des comités d’entreprise. Pour autant, certains employeurs ne s’y font toujours pas, agacés par la nature même de leur intervention. Christian Pellet, Pdg du cabinet Sextant, n’y voit là rien d’étonnant : « Nous sommes désignés par les élus du CE. La direction ne nous choisit pas, et voit intervenir un tiers qui prend la parole et donne son avis sur l’entreprise et, indirectement, sur son management. » Le pouvoir d’investigation de l’expert, égal à celui d’un commissaire aux comptes, est aussi matière à friction, comme le constate Cyril Catté, avocat du cabinet Gibier, Souchon, Festivi, Rivierre : « Personne n’apprécie, en effet, qu’une personne complètement étrangère à l’entreprise vienne mettre son nez dans des données sensibles, comme les rémunérations ou les résultats. »

 

Une autre analyse de la situation

Il arrive aussi à l’expert de contredire l’employeur et de démontrer que sa parole est sujette à contestation. Les employeurs ou les DRH peu enclins au débat le supportent difficilement. « La direction communique sous une certaine forme, développant ses arguments dans un certain ordre et avec une certaine pondération. L’étude de l’expert débouche souvent sur une autre manière d’analyser la situation, car l’entreprise n’est pas le lieu d’une seule objectivité. Ce qui peut être déstabilisant pour un employeur ayant une logique de communication précise », confirme Claude Jacquin, directeur général du groupe Apex.
En outre, ce spécialiste vient informer les élus et combler ainsi un déficit de connaissances, « ce qui leur permet, ensuite, de construire leur point de vue. Certains DRH qui ont pour habitude d’infantiliser leurs interlocuteurs voient cela d’un mauvais œil », ajoute le responsable d’Apex.
Toutefois, il ne s’agit pas de noircir le tableau. Les dirigeants sont nombreux à communiquer les pièces demandées, et la liste est souvent longue. « Ce qui n’empêche pas certains CE, se sentant insuffisamment informés, de solliciter un expert afin d’en obtenir davantage. Ces demandes d’expertise intervenant souvent sans la justification d’événements extraordinaires, les employeurs ne comprennent pas toujours cette attitude et demandent au juge des tribunaux de grande instance de se prononcer sur leur légitimité. Dans plus de la moitié des cas, ces demandes sont considérées comme redondantes », informe Me Catté.

 

Critique du contenu des interventions

Les critiques portent également sur le contenu même de leur intervention, notamment lorsque les experts sont mandatés à chaud lors de restructurations ou de fusions, par exemple. A l’évidence, ils contrarient l’agenda de la direction. « Nous devenons alors une contrainte », commente Jean-Paul Raillard, directeur de Syndex. Même observation de la part de Martin Richer, directeur général de Secafi : « Les entreprises en changement permanent ont envie d’aller vite et essayent d’emporter l’adhésion du CE avec une procédure d’information/consultation bouclée dans les meilleurs délais possibles. L’entrée en scène de l’expert pose un problème, car il donne aux élus le temps de la réflexion. » « Il y aura des copies et des procédures à reprendre », précise Claude Jacquin. « Il n’empêche, certains experts aiment jouer la montre et prennent tout leur temps pour envoyer leur lettre de mission », relève Isabelle Ayache-Revah, associée du cabinet d’avocats Raphaël.
Sans compter que les informations demandées ne sont normalement pas destinées à sortir du bureau du directeur financier. « Nous demandons certains indicateurs économiques pour, ensuite, être source de propositions. Cette démarche peut être mal perçue dès lors que l’entreprise pense que nous allons la conseiller sur sa stratégie. Il n’est pas rare qu’alors, le dialogue se coupe », observe Christian Pellet. D’autant plus, comme le précise Claude Jacquin, que les experts s’intéressent à la situation financière de l’entreprise et à sa stratégie quand la direction préfère ne communiquer en interne que sur le flux d’activité comme son chiffre d’affaires, son carnet de commandes…
Enfin, plus formellement, les experts donnent du travail supplémentaire. Et parfois, l’addition est lourde à digérer. « Surtout quand elle est farfelue. Les factures, selon le cabinet, vont varier du simple au triple, sans explications pertinentes », souligne Marion Ayadi, associée du cabinet d’avocats Raphaël.

 

Des entreprises matures en matière de dialogue social

Toutefois, rien n’est systématique. Il arrive que les relations entre responsables et experts soient tout à fait cordiales, « principalement dans les entreprises matures en matière de dialogue social. Nous parvenons alors à un diagnostic partagé et identifions les enjeux de manière consensuelle », explique Martin Richer. « Le fait que nous nous invitions dans le dialogue social est parfois bien vécu par les DRH. Nous posons les problèmes, apportons des éléments objectifs et enlevons souvent un peu de conflictualité », analyse Jean-Paul Raillard. « Ils sont, ainsi, un relais intéressant, surtout sur des dossiers complexes », confirme Marion Ayadi. « A force de travailler avec les entreprises, nous disposons d’une vision assez large de ce qui se fait en matière RH, qu’il s’agisse des systèmes de rémunération, d’évaluation des salariés, de GPEC, voire de PSE, souligne Christian Pellet. Nos idées sont écoutées et suscitent même certains changements de perspective dans l’entreprise. » Selon ce spécialiste, c’est là que les missions deviennent intéressantes.

 

Céline lacourcelle