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Ces entreprises qui se soucient (vraiment) du bien être au travail

Liaisons Sociales Magazine | Relations Sociales | publié le : 23.11.2016 | Nicolas Lagrange

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Associer les salariés, impliquer le management, déployer la politique au plus près du terrain… Autant de défis à relever pour que la QVT ne se réduise pas à un exercice de communication. Exemples d’entreprises qui s’y emploient.

Dans le domaine de la qualité de vie au travail, point de solution miracle ! D’ailleurs, les responsables de la QVT, conscients de l’importance des enjeux, font le plus souvent preuve d’humilité… Pourtant, la tentation est grande de négocier des accords fleuves, d’empiler les dispositifs pour faire semblant d’agir sur tous les leviers ou de multiplier les actions à la périphérie du travail (salle de sport, menus bio, séances de massage, conciergerie, etc.).

Sauf que, faute d’appropriation des enjeux par les salariés, il est difficile de changer la donne en profondeur. Ce qui pousse certaines sociétés à privilégier des appro­ches moins ambitieuses, plus pragmatiques, souvent expérimentales. La plus connue est probablement celle de l’usine Renault de Flins, qui mène des actions autour de la qualité du travail en partenariat avec le Conservatoire national des arts et métiers. Mais l’initiative n’a rien d’unique. Focus sur trois autres entreprises qui tentent de mettre en discussion les probléma­tiques de QVT sans les cantonner aux acteurs naturellement impliqués.

Des échanges sur le travail chez AG2R La Mondiale

Pour décliner à bon escient son accord sur les risques psychosociaux de 2010, le groupe de protection sociale de 11 000 salariés a lancé en 2011 un questionnaire en ligne, « Ma vie au travail ». Une opération rééditée en 2013. Au menu, plus de 150 questions sur le sentiment d’appartenance, les conditions de travail, le management, les pratiques RH, etc.

« Nous avons demandé aux managers de proximité de débriefer les résultats avec leur équipe et de réfléchir aux axes d’amélioration, relate Audrey Herbay-Goetzmann, responsable santé et QVT du groupe. Ces occasions d’échanger sur le travail ont débouché sur 600 propositions d’actions. » Exemple, les salariés en centres d’appels ont souligné la charge psychologique de leur métier et proposé la mise en place d’autres tâches, par intermittence, comme le traitement des mails ou la prise en charge de devis.

Depuis l’année dernière, un baromètre QVT annuel est déployé dans tout le groupe, comportant 70 questions et quel­ques indicateurs clés. Plus resserré, plus facilement exploitable, il permet d’induire de nouvelles formes d’actions. La palette est large : intranet dédié, diffusion de fi­ches sur les RPS, groupes de projets pour repenser certains environnements de travail, conférences de prévention santé (par exemple sur le sommeil). « Nous misons aussi sur les actions “Vis ma vie”, les journées portes ouvertes, les rencontres intermétiers, pour décloisonner, questionner et valoriser le travail, ajoute Audrey Herbay-Goetzmann. Mais cela implique un gros travail de pédagogie, pour faire connaître tous les dispositifs, leur donner du sens, les relier à la QVT et trouver des relais en proximité. »

Une cellule participative pour le Crédit coopératif

En 2014, le Crédit coopératif (2 000 salariés environ) doit déployer son document unique d’évaluation des risques. La banque de l’économie sociale et solidaire du groupe BPCE en profite finalement pour bâtir une démarche QVT globale. Et elle décide tout d’abord d’ausculter les RPS via un questionnaire comportant une quarantaine d’items, confié à Technologia. « Dès le départ, nous avons opté pour une opération vérité, avec une restitution transparente des résultats », indique le DRH, Nicolas Llorens.

Ces résultats, affinés par ligne métier et par thématique (exigences de travail, ­exigences émotionnelles, management, relations de travail…), dessinent un bilan contrasté au printemps 2015. La problématique de la charge de travail est notamment relativisée, l’autonomie et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ­apparaissant comme des points d’appui.

À l’inverse, la gestion RH et la reconnaissance pécuniaire du travail sont identifiées comme des points faibles. Une courte vidéo, envoyée à tout le personnel, synthétise les principaux enseignements. Un deuxième questionnaire est réalisé au printemps 2016, avec un taux de participation stable (61 % contre 62 %).

« La démarche est pilotée par une cellule QVT, dans laquelle les représentants des métiers sont majoritaires, souligne le DRH. C’est essentiel pour ne pas se situer dans une logique descendante, prescriptive. » Composée de cinq délégués du personnel, de cinq dirigeants et de 20 représentants des métiers (sur la base du volontariat, après appel à candidature et lettre de ­motivation), la cellule se réunit deux fois par an. Objectifs ? En avril, plancher sur le contenu du questionnaire et faire un ­bilan des actions en cours ; en octobre, analyser en détail les résultats du questionnaire et élaborer des préconisations, nourries par des groupes de travail thématiques. « Nous faisons désormais appel à un intervenant extérieur. Cela évite que les débats soient préemptés par la DRH ou les représentants du personnel et favorise des échanges très opérationnels », précise Nicolas Llorens. Les préconisations sont présentées au comité de direction générale pour validation, avec un éventuel arbitrage financier.

Approche plurielle du bien-être chez Schneider Electric

Dans la foulée de son accord RPS de 2012, le groupe industriel a mis en place une formation obligatoire d’une journée à destination de ses managers. « Beaucoup ont été surpris d’apprendre que le burn out concernait surtout les salariés les plus impliqués », relève Magali David, responsable well being pour la France. Des modules d’e-learning sur la sensibilisation aux RPS sont également proposés à tous les salariés dans le cadre du plan de formation. Près d’un quart les ont suivis à ce jour.

Enfin, des commissions de prévention par métier analysent les risques et élaborent des propositions pour des métiers plus exposés aux pressions (assistanat, réclamations clients, projets à très courte échéance).
Étendu à l’ensemble du groupe (plus de 160 000 salariés) l’an dernier, le programme well being comporte de nouvelles ini­tiatives : accompagnement managérial poussé, ambassadeurs santé et bien-être (une centaine en France), labs de mise en pratique, semaine du bien-être ponctuée d’événements une fois par an, mise en place d’une flexibilité accrue au travail (horaires, télétravail…).

Sans oublier les services de conciergerie, les activités sportives et les conseils sur le sommeil et la diététique. « Nous avons sollicité tous les collaborateurs pour lancer les plans d’actions du programme, pré­cise Magali David. Nous avons reçu 1 500 idées, dans lesquelles nous avons puisé. Les résultats positifs se font déjà ressentir, mais il faudra du temps pour déployer le programme à tous les niveaux. »
Le baromètre semestriel One Voice (15 questions) permet en outre de prendre le pouls du corps social, les résultats de chaque équipe devant être partagés par le manager concerné. One Voice intègre une question originale portant sur la connaissance, par les répondants, des plans d’actions mis en place. Reste que les efforts pour appliquer, suivre, voire ajuster ces plans sont inégaux. Ce qui justifie que la CFDT, premier syndicat de la maison, réclame une négociation QVT pour aller plus loin.

D’une entreprise à l’autre, les modalités d’implication des acteurs peuvent donc beaucoup varier. Mais toutes les approches ont au moins un point commun : elles nécessitent des moyens humains et du temps, notamment pour fournir un accompagnement méthodologique, affiner les pistes d’amélioration, inscrire la démarche dans la durée. Des moyens rarement au rendez-vous, qui constituent pourtant un vrai marqueur d’une démarche de QVT.

Auteur

  • Nicolas Lagrange