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Les jurisprudences de la semaine - n°1310

Droit & Patrimoine | Caution | publié le : 22.01.2022 | DROIT&PATRIMOINE HEBDO

Chaque semaine, sur droit-patrimoine.fr, retrouvez l’essentiel des jurisprudences de la semaine.

Prêt - Le délai de prescription de l’action en responsabilité de l’emprunteur pour manquement au devoir de mise en garde court à compter du jour du premier incident de paiement

Suivant offre acceptée du 14 janvier 2013, une banque consent un prêt professionnel destiné au rachat d’une licence de taxi à des époux. À la suite d’échéances demeurées impayées à compter du 25 octobre 2015 et du placement de l’un des emprunteurs en redressement judiciaire le 11 avril 2016, elle assigne l’épouse en paiement, laquelle sollicite des dommages et intérêts au titre d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde. La cour d’appel déclare cette demande irrecevable comme prescrite : elle énonce que le délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; ainsi, le dommage résultant d’un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l’octroi du crédit. Dès lors, le délai de prescription a commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, alors que la demande a été formulée pour la première fois le 8 février 2018. Mais la première chambre civile rend un arrêt de cassation au visa de l’article 2224 du code civil. Elle juge qu’« 7. Il résulte de ce texte que l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement ».

Observations. En matière de prêt, le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde est le jour où l’emprunteur a pu appréhender l’existence et les conséquences éventuelles du manquement, soit le jour du premier incident de paiement (v., également, v. Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, n° 20-17325. Pour une caution, v., Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-12741). 

Réf. : Cass. 1re civ., 5 janvier 2022, n° 20-18893, FS-B.

Caution - Point de départ du délai de prescription en cas de disproportion de l’engagement

Suivant offre acceptée du 2 août 2006, une banque consent un prêt de 129 970 €, garanti par une caution professionnelle le 24 juillet 2006 et par des cautions personnes physiques le 8 août 2006. À la suite d’échéances impayées à compter du 15 août 2013, la banque prononce la déchéance du terme le 8 février 2015. Après avoir réglé le solde du prêt, la caution professionnelle assigne, le 11 août 2015, l’emprunteur et les cautions en paiement, ces dernières appelant la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant notamment une disproportion des engagements de caution ainsi qu’un manquement au devoir de mise en garde. La cour d’appel ayant débouté les cautions et l’emprunteur, ceux-ci forment un pourvoi. La première chambre civile rend un arrêt de cassation.

D’abord, concernant la disproportion, elle rappelle au visa des articles L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation, et 2305 et 2310 du code civil, qu’« 6. Aux termes du premier de ces textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » et que « 7. La sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d’effet à l’égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ».

Ensuite, elle précise le point de départ du délai de prescription au visa de l’article 2224 du code civil. Pour l’action en responsabilité des cautions fondée sur la disproportion, elle retient qu’elle « 11. […] se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l’emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d’appréhender l’existence éventuelle d’une telle disproportion ». Pour l’action de l’emprunteur fondée sur le défaut de mise en garde, elle juge qu’elle « 15. […] se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement ».

Observations. La première chambre civile rappelle que la sanction de la disproportion prive d’effet le cautionnement non seulement à l’égard du créancier, mais également à l’égard des cofidéjusseurs qui exerceraient leur action récursoire (Cass. ch. mixte, 27 fév. 2015, n° 13). Concernant le point de départ du délai de prescription, il réside dans la conscience qu’a la caution de la disproportion (comp., Cass. com., 8 av. 2021, n° 19-12741 : « La contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d’exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription »).

Réf. : Cass. 1re civ., 5 janvier 2022, n° 20-17325, FS-B.

Successions - La mainlevée d’une inscription hypothécaire faite postérieurement au décès peut être demandée par le curateur d’une succession déclarée vacante

Des créanciers munis de jugements de condamnation font inscrire le 24 janvier 2013 des hypothèques judiciaires sur un immeuble dépendant de la succession de leur débiteur, décédé le 11 mars 2008. La succession déclarée vacante, le curateur assigne les créanciers en mainlevée des inscriptions hypothécaires. La cour d’appel accueille ces demandes. Les créanciers forment un pourvoi. Ils soutiennent que la vacance d’une succession n’entraîne pas la suspension des poursuites individuelles de sorte que chaque créancier peut poursuivre le paiement et prétendre au maintien d’une inscription sur le bien litigieux jusqu’au règlement de sa créance, que l’article 2427 alinéa 2 du code civil prévoyant l’inefficacité des inscriptions dans le règlement des créanciers n’en prévoit pas la nullité ni la mainlevée. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle d’abord qu’ « 4. Aux termes de l’article 2427, alinéa 2, du code civil, l’inscription ne produit aucun effet entre les créanciers d’une succession si elle n’a été faite par l’un d’eux que depuis le décès, dans le cas où la succession n’est acceptée qu’à concurrence de l’actif net ou est déclarée vacante ». Elle précise ensuite qu’ « 5. En vertu des articles 810-4 et 810-5 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités, le curateur est seul habilité à payer les créanciers de la succession. Il dresse un projet de règlement du passif, qui prévoit le paiement des créances dans l’ordre prévu à l’article 786 du même code ». Elle conclut qu’ « 6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les règles qui organisent le paiement des créanciers de la succession n’excluent pas l’application du principe de l’arrêt du cours des inscriptions hypothécaires et que la mainlevée d’une inscription hypothécaire faite postérieurement au décès peut être demandée par le curateur d’une succession déclarée vacante. 7. Ayant relevé que les inscriptions d’hypothèques avaient été prises postérieurement au décès [du débiteur], alors même que la succession de celui-ci avait été déclarée vacante, […], la cour d’appel en a exactement déduit qu’il y avait lieu d’ordonner la mainlevée de ces inscriptions ».

OBSERVATIONS. Si la vacance d’une succession n’a pas pour effet de suspendre l’exercice des poursuites individuelles des créanciers sur l’actif héréditaire (Cass. 1re civ., 15 juin 1994, n° 92-17.070, Bull. civ. I, n° 208), ce principe doit se combiner avec le règlement du passif par le curateur et l’article 2427 alinéa 2 du code civil, lequel arrête le cours des inscriptions hypothécaires dans cette hypothèse et en cas d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net afin que la succession puisse être liquidée dans l’état où elle se trouvait au jour de l’ouverture et éviter qu’un créancier puisse prendre de court les autres créanciers. 

Réf. : Cass. 3e civ., 5 janvier 2022, n° 20-21.359, FS-B.

Baux commerciaux - Une clause d’indexation du loyer ne jouant qu’à la hausse de l’indice de référence doit être réputée non écrite en sa seule stipulation prohibée

Un bailleur donne à un preneur des locaux à usage commercial. Le contrat contient une clause d’indexation annuelle du loyer ne jouant qu’à la hausse de l’indice de référence et stipulant que la clause constitue une condition essentielle et déterminante dont la non-application, partielle ou totale, pourrait autoriser le bailleur à demander la résiliation du bail. Le preneur assigne le bailleur en annulation de la clause d’indexation, restitution des sommes payées au titre de celle-ci et remboursement d’honoraires et de divers frais. La cour d’appel, retenant que la clause contrevenait aux principes de révision du loyer indexé posés par l’article L. 145-39 du code de commerce, répute la clause non écrite en son entier, car conçue par le bailleur comme indivisible. Le bailleur forme un pourvoi, contestant la contrariété de la clause à l’article au texte précité et l’étendue de la sanction prononcée par les juges du fond.

La Cour de cassation confirme dans un premier temps l’illicéité d’une telle clause (n° 8 et 9) : « 10. […] la cour d’appel a exactement retenu que la clause d’indexation excluant toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse contrevenait aux dispositions de l’article L. 145-39 du code de commerce et devait être réputée non écrite par application de l’article L. 145-15 du même code ». Mais elle casse cependant l’arrêt au visa de l’article L. 145-39 du code de commerce en raison de l’étendue de la sanction prononcée par les juges du fond: « 17. Pour réputer la clause d’indexation non écrite en son entier, l’arrêt retient que l’intention du bailleur était d’en faire, sans distinction de ses différentes parties, une condition essentielle et déterminante de son consentement, toutes les stipulations de cette clause revêtant un caractère essentiel, conduisant à l’indivisibilité de celles-ci et empêchant d’opérer un choix entre elles pour n’en conserver que certaines. 18. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’indivisibilité, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

OBSERVATIONS. La Cour de cassation avait déjà jugé illicite la clause d’indexation ne variant qu’à la hausse (Cass 3e civ., 14 janvier 2016, n° 14-24.681, FS-P+B). Contrôlant les motifs caractérisant l’indivisibilité de la clause qui seule permettrait de la réputer non écrite en son entier, elle a aussi précisé que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite (Cass. 3e civ., 30 juin 2021, n° 19-23.038, FP-B+C).

Réf. : Cass. 3e civ., 12 janvier 2022, n° 21.11-169, FS-B.

Nomenclature des arrêts de la Cour de cassation : F : formation à 3 ; FS : formation de section ; FP : formation plénière de chambre ; D : arrêt diffusé ; P : arrêt publié au bulletin mensuel ; P + B : arrêt publié au bulletin d’information ; R : arrêt mentionné dans le rapport annuel ; I : arrêt publié sur le site internet.

Auteur

  • DROIT&PATRIMOINE HEBDO