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Le DIF donne des ailes

Entreprise & Carrières, 30/09/2008 | Formation Continue | publié le : 02.10.2008 |

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Une plus grande diffusion du DIF dans les entreprises tend à réduire les inégalités d’accès à la formation continue, observe une étude récente du Céreq. Ce constat va-t-il permettre d’alimenter les débats qui s’ouvrent aujourd’hui sur la réforme de la formation professionnelle ?

 

 

C’est clair, selon l’étude Céreq parue cet été*, 54 % des salariés ont accès à la formation dans les entreprises qui utilisent le DIF ; 29 % dans les autres. Traduit en évolution du taux d’accès à la formation (entre 2005 et 2006), c’est +10 % dans les entreprises qui ont eu recours au DIF, et c’est - 0,1 % dans celles qui l’ont ignoré. Constats du Céreq : « Les salariés qui se sont formés via le DIF en 2006 ont utilisé en moyenne environ vingt heures de leur crédit. Là où le droit individuel à la formation est pratiqué, il semble favoriser l’accès à la formation des salariés qui, jusque-là, en étaient le plus éloignés, à savoir ceux des petites entreprises et ceux qui occupent les postes les moins qualifiés. »

 

Accès en hausse

« En effet, poursuivent les auteurs de l’étude, dans les entreprises qui ont pratiqué le DIF, non seulement la disparité d’accès à ce dispositif entre ouvriers et cadres est moindre mais, qui plus est, c’est dans les petites entreprises qu’elle est la plus faible. Cet accroissement de l’accès à la formation a été plus important pour les catégories d’emploi les moins qualifiées, +15 % pour les employés et +12 % pour les ouvriers, que pour les ingénieurs et cadres (+10 %). Il semble donc bien qu’une plus grande diffusion du DIF dans les entreprises tende à réduire les inégalités d’accès à la formation continue. » Les constats par secteurs d’activité (lire p. 26) sont édifiants : lorsque les entreprises d’un secteur très peu formateur ont recours au DIF, le taux d’accès à la formation de leurs salariés est nettement en hausse. Dans le secteur de l’habillement, par exemple, lorsque les entreprises utilisent le DIF, la part des salariés formés est 2,5 fois plus importante que dans celles du même secteur qui ne font pas usage de ce dispositif. Et que dire du secteur pêche-aquaculture, où le taux d’accès passe de 14 % à 85 % quand le DIF est actif ?

 

Modification de comportement

Tout aussi surprenants sont les effets par tailles d’entreprise. En 2006, les salariés des petites entreprises sont quatre fois moins nombreux à avoir utilisé leur DIF que ceux des grandes. Cependant, lorsque ces petites sociétés y ont recours, « la hiérarchie s’inverse ». Dans les PME qui l’ont utilisé, un salarié sur cinq en a bénéficié, contre seulement un sur vingt dans les grandes entreprises utilisatrices du DIF ! En fait, plus les structures sont petites, plus cet effet positif est important : 65 % des entreprises de 10 à 19 salariés qui ont joué le jeu du DIF ont vu le taux d’accès à la formation de leurs salariés croître plus vite que dans la moyenne des entreprises de même taille.
Les entreprises d’au moins 250 salariés sont moins de 45 % à être dans ce cas », assure le Céreq. Bref, le DIF donne des ailes aux salariés des entreprises qui l’utilisent. Les effets positifs de l’utilisation du DIF une fois constatés, une question surgit : qu’est-ce qui fait qu’une entreprise y a recours ou pas ? Selon le Céreq, « l’essor de l’usage du DIF est lié au développement de politiques d’entreprise. Pour ce faire, ces dernières doivent être à même de construire une offre de formation accessible à tous les salariés, d’informer les personnels sous de multiples formes, d’organiser le relais de cette information via la hiérarchie intermédiaire préalablement formée à la conduite d’entretiens professionnels. Cette montée des exigences du débat entre employeur et salarié dans l’entreprise, autour de la formation, accompagne des transformations des relations de travail où la simple subordination des salariés viendrait progressivement à disparaître au profit d’une plus grande autonomie contrôlée ».
Mais « l’utilisation relativement faible du DIF, jusqu’en 2006 du moins, interroge toutefois sur la capacité ou la volonté des entreprises, des salariés et de leurs représentants à s’approprier ce dispositif pourtant élaboré par les partenaires sociaux et approuvé par le législateur ».

 

Le DIF mal « vendu »

C’est bien là le constat négatif de cette étude : le DIF n’est pas bien « vendu ». En 2006, seuls 3,4 % des salariés y ont eu accès, soit un peu plus de 300 000 salariés. Il n’était toutefois que de 2,5 % si on exclut le secteur de l’automobile, dont le recours au DIF est sans commune mesure avec celui des autres secteurs. Donc, d’un point de vue macro-économique, le dispositif est encore marginal. Il faudra, cependant, surveiller deux variables.
Premièrement, ces chiffres portent sur 2006, une année encore transitoire par rapport à l’application de la réforme de 2004. En 2007 et 2008, on sait que les pratiques se sont accélérées, et que les fonds disponibles dans les Opca pour financer ce genre de modalité ont fait l’objet de consommations beaucoup plus importantes.

 

Accumulation d’heures de DIF

Deuxièmement, depuis 2006, les compteurs ont tourné et les heures de DIF non consommées se sont accumulées. Les droits ouverts progressent beaucoup plus rapidement que les droits consommés : moins de 3 % des droits ouverts ont été utilisés en 2006. Vingt heures de droit à la formation, cela ne soulève pas forcément un enthousiasme débordant chez le salarié. Mais, à 70 heures, il y regarde de plus près ! Plusieurs études ont d’ailleurs témoigné de “stratégie de capitalisation des heures de DIF” par les salariés. En 2007 et 2008, ces stratégies se sont certainement, du moins partiellement, transformées en demandes d’action réelle.

Voilà, en tout cas, une étude qui objective l’usage et les effets du DIF. Elle va faire parler d’elle, et réjouir ceux qui défendent la réforme de 2004 contre celle annoncée en 2008. Question : ce type de constat peut-il avoir une quelconque influence sur le zèle de la réforme annoncée ?

 

Laurent Gérard

 

* Le DIF, un outil pour réduire les inégalités d’accès à la formation continue, Bref Céreq n° 255, août 2008.
http://www.cereq.fr/pdf/b255.pdf