Les faibles niveaux d’entrées en contrats d’apprentissage et de professionnalisation préoccupent les pouvoirs publics. De grandes entreprises ouvrent un peu plus leurs portes aux moins de 25 ans.
Le gouvernement a besoin de capitaliser, dès septembre, sur les mesures annoncées au printemps pour relancer l’emploi des jeunes, alors que près de 730 000 sorties de formation initiale sont prévues cette année. Car les indicateurs de l’activité des jeunes sont préoccupants : à la fin du premier trimestre 2009, les moins de 25 ans étaient 600 000 inscrits à Pôle emploi (dans les trois catégories A, B et C), soit + 24,5 % en un an. Dans le même temps, le flux de l’alternance s’est tari. De janvier à avril 2009, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares, ministère du Travail) a enregistré 58 922 entrées en contrat d’apprentissage et 27 235 en contrat de professionnalisation. Elles ont diminué, respectivement, de 25 % et de 62 % par rapport à la même période en 2008.
“Quotas alternance”
Recevant à l’Elysée, le 15 juillet, une cinquantaine de chefs de grandes entreprises et d’organisations professionnelles qui ont souscrit à l’objectif national de 500 000 contrats d’alternance d’ici à juin 2010, Nicolas Sarkozy a salué leur « comportement exemplaire », observant qu’ils s’étaient engagés pour plus de 100 000 jeunes dans leurs effectifs, soit « 24 000 de plus que prévu à la fin 2008 ». « Si toutes les entreprises du pays suivaient votre exemple, a ajouté le chef de l’Etat, c’est 140 000 contrats supplémentaires que nous pourrions offrir aux jeunes. » Or, toutes ne sont pas assujetties, comme les grandes entreprises, à un “quota alternance” voulu par la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006. Depuis 2007, les entreprises de plus de 250 salariés qui ne l’atteignent pas voient le taux de leur taxe d’apprentissage relevé de 0,5 % à 0,6 % de la masse salariale. En 2007, ce surcoût de 20 % leur a été appliqué si elles totalisaient moins de 1 % d’alternants (contrats pro et apprentis) parmi leurs effectifs. Ce seuil est passé à 2 % en 2008. Puis à 3 %, en 2009.
Dans un contexte de baisse d’effectifs et d’activité
La combinaison de cette taxe avec la “carotte” des aides à l’embauche les pousse donc à agir. Reste à savoir comment, dans un contexte de baisse d’effectifs et d’activité. Le premier employeur de France, La Poste (260 000 salariés), a, pour sa part, prévu un minimum de 2 000 contrats en alternance en 2009. Soit un niveau proche de celui de 2008, alors que l’entreprise n’effectuera qu’un remplacement pour trois départs à la retraite, contre six pour dix auparavant. « Les contrats d’alternance procèdent d’une logique de mise à l’emploi, affirme une porte-parole. Ils prennent une part importante dans nos 4 000 à 5 000 recrutements attendus. » L’idée est d’en réaliser 60 % en apprentissage et 40 % en contrat de professionnalisation. Le volume se partagera entre des postes de facteur (environ 1 200), dont beaucoup en région parisienne, de conseiller financier (400) et de guichetier de niveau bac (200). Le reste sera ventilé dans les métiers techniques et d’encadrement opérationnel.
Logique d'embellie pour PSA
Chez PSA, on veut croire à une « logique d’embellie », grâce à la prime à la casse dont la direction espère le maintien à la fin de l’année. Le groupe n’a plus eu à recourir au chômage partiel comme durant le dernier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009. Quant à son plan de départs de 3 550 personnes, il a été réalisé pour environ 2 600 salariés. « L’emploi reste pérenne pour la majorité de l’effectif, commente-t-on à la direction. Il faut aussi penser à l’avenir et préparer les compétences dont l’entreprise aura besoin demain. » Le groupe va accueillir 7 300 jeunes en insertion professionnelle d’ici à l’été 2010, dont 2 000 contrats d’apprentissage ; 2 100 contrats de professionnalisation ; 3 000 stagiaires et 200 volontaires internationaux en entreprise. Soit, globalement, 30 % de plus qu’en 2008. « C’est un gros effort, dit-on encore à la direction, sachant que nous accueillons, d’habitude, près de 4 000 personnes sur ces différents dispositifs. »
Implication des seniors dans le tutorat
Le programme comprend un volet de professionnalisation pour les jeunes faiblement qualifiés (150 heures minimum de formation débouchant sur un CQPM), sur des métiers d’opérateurs de systèmes industriels. Il relancera aussi l’implication des salariés seniors dans des fonctions de tutorat ou de parrainage, afin de « favoriser la transmission des savoirs et l’intégration humaine dans l’entreprise ».
Pour autant, PSA ne dit rien des perspectives de titularisation des jeunes. Marcel Mérat, délégué syndical central CGT, redoute qu’il s’agisse « juste de les former et de les envoyer ensuite à Pôle emploi ». « Avant, explique-t-il, un jeune électromécanicien pouvait facilement être embauché après sa formation, quitte à tourner sur d’autres postes, en assemblage par exemple, jusqu’à ce qu’un poste se libère pour lui. Aujourd’hui, il quitte l’entreprise. »
Echéances sociales
La difficulté de l’exercice, pour les DRH, est donc de montrer leur volontarisme sans se risquer à dévoiler de chiffres. Si, chez SFR, la directrice générale des ressources humaines avance l’objectif minimum de « transformer un parcours d’alternance sur trois en une embauche », en posant le principe d’un « droit de préférence sur les embauches à venir », les perspectives sont plus compliquées chez Alcaltel-Lucent. Au mois de juillet, l’équipementier de télécoms s’est engagé sur un plan en faveur de 1 000 jeunes (400 apprentis et 600 stagiaires et volontaires internationaux en entreprise), tout en déclenchant un plan de départs de 850 personnes (plus 150 autres touchées par des externalisations d’activité), son quatrième en quatre ans.
L’entreprise pourra d’autant mieux faire grimper son taux à « l’objectif de 4 % en 2010 » que promet une porte-parole de la direction. Mais elle articulera difficilement ces arrivées avec ses échéances sociales, estime Pascal Guihéneuf, délégué syndical CFDT : « Ces jeunes, on sera contents de les accueillir. L’entreprise a peu embauché au cours de ces dernières années et l’âge médian est de 45 ans. Mais la priorité, c’est le plan social, qu’il faut prendre le temps de comprendre et de digérer. On sera forcés de suspendre les négociations sur l’emploi des seniors. Le paradoxe est trop fort : nous avons besoin de renouveler la population, tout en conservant les seniors et en appelant aux départs…, dont les jeunes feront forcément les frais puisqu’en cas de licenciements, notre convention collective prévoit de se séparer en priorité des célibataires sans enfants ! »
Des PME plus exposées
Fataliste, un directeur d’Opca fait remarquer que « les effets d’annonce sont inévitables », car « l’afflux d’une nouvelle génération sur le marché du travail, s’ajoutant à celle déjà en recherche d’emploi, rend la situation potentiellement explosive ». « Les grandes entreprises trouveront toujours le moyen de placer des jeunes dans leurs établissements les moins impactés, ajoute-t-il. Le problème est différent dans le monde des PME, exposées aux risques de redressement judiciaire et de mise en liquidation. Lorsqu’elles font du chômage partiel et un PSE, l’arrivée de jeunes suscite davantage de tensions. »