logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’achat de formations avec l’appli CPF s’écroule depuis le renforcement des règles de sécurité

Formation | publié le : 07.12.2022 | Benjamin d'Alguerre

OpendataCDC

Capture d'écran de l'open data de la Caisse des dépôts, début décembre 2022

Crédit photo

Les chiffres de la Caisse des dépôts pour le mois de novembre viennent de tomber et confirment un recul plus que sensible des achats de formation par le biais de la plateforme CPF depuis la mise en place du dispositif de sécurité France Connect +. Chargé d’écarter les fraudeurs, ce nouveau système jugé complexe semble aussi décourager les acheteurs lambda.

« C’est la cata! » résume ce dirigeant d’un organisme de formation en langues après consultation, sur l’open date de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), des chiffres de validation de dossier d’achats de formations au titre du CPF entre octobre et novembre dernier. Les faits? Début octobre 2022, la CDC recensait 168.398 achats par le biais de l’application MonCompteFormation. Quelques semaines plus tard à peine, ce nombre dégringolait à… 95.891! Quasi moitié moins. Pour les professionnels de la formation, les raisons de ce décrochage sont à imputer à France Connect +, le système de vérification d’identité des acheteurs en ligne développé par La Poste et mis en place en septembre dernier 2022 pour éviter les usurpations d’utilisation du CPF par des tiers et assurer le vendeur et la Caisse des dépôts que l’acheteur est bien celui qu’il prétend être. Une sécurité supplémentaire pour le client, mais un casse-tête énorme pour recourir à ce service. « Pour acheter une formation avec le nouveau système de sécurité, il faut télécharger l’appli France Connect + sur son Smartphone, faire un scan ou une photo de sa pièce d’identité, puis confirmer cette identité avec une webcam et, si tout ce processus est bien suivi, recevoir une confirmation sous 48 heures! Avec de telles contraintes, seul quelqu’un de très motivé et qui dispose du matériel adéquat ira jusqu’au bout de la démarche! » s’agace Benoît Jaffreux, patron de l’organisme Néobridge, qui a enregistré une baisse de 50% des achats de formation avec la plateforme CPF depuis l’instauration des nouvelles règles de sécurité. Et encore faut-il compter avec une application France Connect + qui ne fonctionne pas toujours et des fonctionnalités ne passant pas toujours sur tablette, selon que l’on utilise un environnement Apple ou Android.

42% du marché du CPF passé à l'as

« On ne peut qu’être pour la mise en place de dispositifs anti-fraudes, réclamés depuis deux ans. Mais tout a été mis en place brutalement, sans campagne de communication à destination des usagers. On en subit les conséquences aujourd’hui », regrette Claire Khecha, déléguée générale de la fédération des Acteurs de la compétence. Selon l’open data, c’est environ 42% du marché du CPF qui serait passé à l’as après l’instauration des contrôles d’identité renforcés, avec certains pics à 50%, comme pour les formations à la création d’entreprise, ou même à 60%, sur le test de langues Lilate par exemple. Même les plus gros du marché ne sont pas épargnés. Chez Wall Street English, on estimait à 45% la perte en ligne sur l’achat de formation dès le début du mois d’octobre. Une dégringolade sans doute trop élevée en proportion du nombre supposé des seuls fraudeurs écartés de la plateforme, assure Natanaël Wright, le patron de cette société spécialisée dans l’apprentissage de l’anglais.

La crainte du « deuxième taquet » avec la régulation financière

Reste qu’en dépit de la chasse aux fraudeurs accélérée par cette nouvelle procédure de contrôle, le coup est difficile à encaisser pour la profession. « Le CPF s’était démocratisé auprès du grand public en tant que service accessible par téléphone mobile. Et France Connect + complexifie cet accès par mobile… » déplore Claire Khecha. Pour Benoît Jaffreux, la complexité de la nouvelle démarche d’identification risque de réserver l’accès à l’achat de formations aux seuls habiles avec le matériel informatique et disposant des outils nécessaires, à savoir les cadres. Un gâchis, à l’heure où 82% des prestations CPF sont engagées par des personnes relevant des catégories employés/ouvriers. D’autant que le timing est particulièrement tendu, puisque le ministère du Travail ne devrait plus tarder à dévoiler ses projets en matière de régulation financière du CPF pour soulager la trésorerie de France Compétences. « Cela risque d’être un deuxième taquet pour nous », déplore un patron d’organisme de formation.

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre