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L’INVS enquête sur les conséquences de l'explosion de l'usine AZF sur la santé des salariés

Entreprise & Carrières, 24/02/2009 | Conditions de travail | publié le : 23.02.2009 |

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Alors que le procès d’AZF s’est ouvert aujourd'hui, l’Institut national de veille sanitaire (InVS) mène des enquêtes épidémiologiques sur les conséquences de l'explosion sur la santé des salariés.

 

Avec Seveso en Italie, Three Mile Island aux Etats-Unis, Bhopal en Inde, l’explosion de l’usine AZF de Toulouse est une référence en matière d’étude épidémiologique réalisée après un accident chimique.
L’explosion survenue le 21 septembre, dans un hangar de stockage de 300 à 400 tonnes de nitrates d’ammonium, sur le site de l’usine AZF de la société Grande Paroisse (filiale du groupe Total), est l’équivalent d’un séisme de 4,3 degrés sur l’échelle de Richter. L’explosion du site, situé à trois kilomètres du centre de Toulouse, s’est soldée par la mort de 30 personnes et 3 000 blessés.
Devant l’ampleur de la catastrophe, dès le 22 septembre, l’Institut national de veille sanitaire (InVS) a déployé un dispositif de suivi épidémiologique, en collaboration avec la Drass Midi-Pyrénées, pour connaître les conséquences, à court terme et à long terme, de l’explosion sur la santé de la population toulousaine. Trois enquêtes transversales ont été mises en place, ciblant à la fois les résidents, les enfants et les adolescents, et les travailleurs et sauveteurs.

 

Suivi épidémiologique

« Aucune étude en France n’avait été réalisée après une telle catastrophe, et nous avons dû innover en méthodologie. En dehors de l’étude générale sur la population, les travailleurs, troisième cible d’étude de l’INVS, constituaient une population particulièrement exposée aux conséquences directes (effets toxiques potentiels, effets de blast) », précise Valérie Schwoebel, médecin épidémiologique de la cellule interrégionale de Midi-Pyrénées.
Plus de 1 300 entreprises (soit 21 000 emplois) ont été sinistrées. Pompiers, services médicaux d’urgence, personnels de la sécurité civile, militaires et personnels de la police nationale ont également été particulièrement sollicités ou exposés, dans les semaines qui ont suivi l’explosion. Au cours de l’enquête transversale, portant sur les travailleurs et sauveteurs professionnels entre septembre 2002 et avril 2003, un appel à volontaires a été lancé ; 5 096 personnes en activité y ont répondu. Au final, la cohorte se limitera à 2 635 bilans de santé selon un suivi annuel sur cinq ans, entre 2004 et 2009. Compte tenu de la longueur du dépouillement, les données disponibles en janvier dernier sont celles collectées durant la période 2004-2005. L’enquête, finalisée en décembre 2009, fera l’objet d’une publication finale disponible courant 2010.
Les troubles auditifs déclarés montrent, quatre ans après l’accident, l’importance des acouphènes (33 % chez les hommes et 27 % chez les femmes) et de l’hyperacousie (30 % et 39 %).

 

Stress post-traumatique

En santé mentale, l’étude a privilégié le suivi de deux indicateurs, la dépressivité (sentiment de mal-être) et l’état de stress post-traumatique, concept composé d’un ensemble d’indicateurs allant de l’insomnie aux pratiques addictives, en passant par les symptômes anxieux.
La prévalence de la dépressivité et du stress post-traumatique est plus importante chez les femmes que chez les hommes (50 % contre 34 %). La différence entre les sexes s’accroît nettement avec l’âge (plus de 50 ans) et selon la catégorie sociale et les conditions de vie, les personnes les plus exposées étant les femmes de plus de 50 ans vivant seules. Les écarts sont aussi importants selon la catégorie socioprofessionnelle. Le stress post-traumatique touche, chez les hommes, 27 % des artisans, commerçants, chefs d’entreprise, 26 % des ouvriers, 13 % des employés et 5 % seulement des cadres.

 

Etude des parcours professionnels

L’enquête épidémiologique de l’accident d’AZF a également ouvert un nouveau champ d’étude, celui de l’impact de la catastrophe sur les trajectoires professionnelles. « Il existe, en matière d’épidémiologie professionnelle, peu d’études de référence, en dehors du travail phénoménal réalisé aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre », explique Eloi Diène, en charge de l’étude et rattaché au département santé travail de l’INVS. Pour réaliser cette étude, qui sera finalisée en 2010, des comparaisons des parcours professionnels avant et après l’accident seront réalisées, en recoupant ces éléments avec les données de santé physique et mentale. L’analyse finale sera à pondérer par l’incidence de la conjoncture économique dans les accidents de parcours professionnel des cohortistes.

 

Laurence Lafosse