La décision, par le ministère du Travail, de changer la procédure d’agrément des cabinets d’expertise en hygiène, santé, sécurité et conditions de travail suscite l’incompréhension des syndicats.
Le 12 février dernier, les organisations syndicales représentatives (CFTC, CFE-CGC, FO, CFDT, CGT) ont reçu de la part de Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, une lettre leur annonçant le projet de passer en accréditation un certain nombre d’agrément des cabinets d’expertise auprès des Comités d’Hygiène, Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT). La raison d’une telle décision ne leur a pas été fournie, néanmoins les organisations syndicales ont quelque pistes. « L’Etat a actuellement la responsabilité d’étudier les demandes d’agréments. Pour économiser le coût d’instruction des dossiers, il entend la transférer au privé », explique Pierre-Yves Montéléon, en charge, à la CFTC, de la santé et sécurité au travail. En l’occurrence, à la Cofrac, une association de droit privé spécialisée dans les demandes d’accréditation et de certification. Selon les syndicats, l’Europe pousse à la roue. « L’Europe demande à la France d’appliquer l’accord général de commercialisation des services. En simplifiant la validation des experts auprès des CHSCT, la France donne un signal fort d’ouverture aux cabinets d’expertise étrangers », juge Benoît Tassart, conseiller de la CFTC pour la santé au travail.
Dossier examiné par le COCT
Passer de l’agrément à l’accréditation des experts change la donne. La procédure n’est plus la même. L’agrément n’est accordé que pour trois ans, sa demande est gratuite, le dossier est examiné par le comité d’orientation des conditions de travail (COCT). « Les dossiers d’agrément passent devant les représentants des cinq organisations syndicales qui siègent au COCT, détaille Pierre-Yves Montéléon. Cette année, 20 % des demandes ont été rejetées en raison du manque de moyens des postulants pour mettre en œuvre une expertise. » L’accréditation, quant à elle, s’obtient au seul regard des compétences techniques possédées par l’expert. « C’est beaucoup moins exigeant, constate Pierre-Yves Montéléon. L'obligation de résultats ne fait partie de la procédure d’accréditation. »
Bientôt les médecins du travail ?
De plus, les organisations syndicales ne seront plus écoutées comme auparavant sur le choix des experts. « La représentation des principaux intéressés par les risques professionnels, c'est-à-dire les salariés, est menacée, s’insurge Benoît Tassart. Les organisations syndicales ne sont pas présentes dans le conseil d’administration de la Cofrac. »
La grande crainte des syndicats ? La disparition de l’ensemble des agréments santé au travail. « Les médecins du travail peuvent être partiellement concernés, avance Pierre-Yves Montéléon, Si demain, on les accrédite, on n’exigera d’eux qu’un diplôme, sans autre forme d’obligation. »
P. Sudolski (avec J-F. Rio)