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Reverse logistique un marché à part entière

Dossier | publié le : 14.02.2020 | Véronique Vigne-Lepage

De la récupération des emballages à la remise sur le marché de produits reconditionnés, en passant par les retours du e-commerce, la logistique inversée est de plus en plus présente, en tant que tel, dans l’activité des transporteurs. Même si son impact sur les chiffres d’affaires reste encore limité, elle offre des perspectives prometteuses.

Reverse logistics en anglais, logistique inversée en français, ou encore, « reverse logistique »… Tous ces termes désignent une même activité devenue un marché à part entière. Historiquement, il s’agissait de la récupération des emballages de marchandises livrées en B to B. Si nombre de transporteurs proposent depuis longtemps cette prestation en complément de la livraison, celle-ci est de plus en plus structurée et formalisée : « Nous venons de signer un contrat de reverse logistique avec le distributeur Gemo pour tous ses magasins du Grand-Est, témoigne ainsi Jérôme Plâ, directeur général des Transports Vingeanne. Comme nous les livrons avec des rolls, il faut bien les récupérer. » Les rolls ne sont plus les seuls à être réutilisés. En cause : l’exigence de transition environnementale dans laquelle certains chargeurs s’engagent, soit par une certification ISO 14001, soit par une démarche RSE. « D’autres ne veulent plus se soucier des emballages. Cela devient un vrai souci, assure Cécile Lanilis, responsable marketing de DHL Express. C’est pourquoi certaines entreprises se lancent dans la production de packagings recyclables. Ainsi, quand on livre une personne, on récupère le contenant. Une fois nettoyé, celui-ci peut être réutilisé. »

La montée en charge de la préoccupation environnementale a également conduit la France, en lien avec l’Europe, à développer la réglementation en matière de collecte et de valorisation des déchets. Pour les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), pour les batteries, les ampoules, etc., des filières se sont structurées… ouvrant de nouveaux marchés aux transporteurs. Dernier secteur en date à être concerné, la restauration : depuis le 1er janvier 2016, le tri des bio-déchets (de cuisine et de table, mais aussi végétaux lorsque l’établissement possède des espaces verts) est obligatoire pour les restaurateurs en produisant plus de 10 t/an. D’ici à 2025, tous les producteurs de bio-déchets seront concernés. Une opportunité que saisissent certains opérateurs de la distribution urbaine (lire l’exemple d’Urby Toulouse).

E-commerce : l’explosion des retours

Mais c’est en accompagnement du e-commerce que la reverse logistique s’est le plus développée : les acteurs du marché s’accordent à dire que 24 % des produits achetés sur Internet sont retournés et même 30 % dans l’habillement. Il s’agit d’une demande des consommateurs : selon une étude commanditée en 2014 par UPS*, 88 % d’entre eux veulent voir une politique de retours sur le site du e-commerçant et 66 % la consultent effectivement avant achat. Par ailleurs, 68 % des e-consommateurs affirment que des retours gratuits sont la clé d’une bonne expérience client.

Des sites de vente de chaussures, par exemple, se sont mis à proposer la livraison de quatre articles à essayer chez soi pour l’achat, au final, d’un seul, voire d’aucun. D’où une logistique extrêmement complexe : « Proposer de commander plusieurs tailles et plusieurs coloris, cela pénalise la gestion de stocks, affirme Cécile Lanilis. Faute d’avoir pensé cela en amont, certains n’arrivaient plus à satisfaire tous leurs clients. Ils ont dû faire marche arrière en limitant le nombre de retours possibles ou en les facturant. »

Mais les volumes restent très importants, car il faut également assurer les retours des produits endommagés, de ceux non conformes à la commande, de ceux s’avérant décevants pour l’acheteur ou encore de ceux qui nécessitent une réparation ou d’autres, usagés et destinés à être valorisés. « Même le retail assure que les pulls, par exemple, vont avoir une deuxième vie, affirme la responsable marketing de DHL Express. C’est même très tendance. Soit il s’agit de revente en occasion, soit, pour les marques premium, d’une récupération des vêtements pour récupérer le tissu afin d’en fabriquer de nouveaux. »

L’avantage concurrentiel des transporteurs

Des start-up spécialisées dans cette gestion des retours du e-commerce ont ainsi fleuri ces dernières années sur le marché : Coliback, Futurlog, UpMyBiz, Reversys, ShopRunBack, Revers.io (lire l’interview), etc. Elles constituent un nouveau partenaire pour les transporteurs. Fabien Derynk, cofondateur de Reversys, a témoigné à ce sujet, lors d’une journée spéciale organisée en janvier 2019 par la commission transport-logistique de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) : « L’homogénéisation des performances sur le service aller fait de la qualité du service retour un critère majeur de différenciation […] La clarté, la simplicité et la rapidité du traitement du retour ne sont plus une option. »

Certaines sociétés de TRM, comme DHL Express, proposent elles-mêmes cette prestation de gestion des retours. Leur avantage concurrentiel : elles gèrent souvent déjà les livraisons du client. « C’est plus simple de traiter l’aller et le retour, plutôt que ce dernier seul, assure Cécile Lanilis. Par ailleurs, en tant que transporteur, nous sommes à même de conseiller les clients sur les consignes à indiquer sur leur site pour les retours, comme par exemple celle d’enlever la batterie d’un appareil à expédier. »

Pour DHL Express, la gestion des flux retours représente désormais, chaque année, entre 24 et 30 % des flux e-commerce. Des chiffres en croissance, puisque le B to C, qui assure déjà 30 % des flux à l’export et 38 % à l’import, devrait monter à 50 % de l’activité globale en 2025. « Nous demandons systématiquement à nos clients s’ils ont intégré cette question devenue stratégique, assure Cécile Lanilis. Si ce n’est pas le cas, nous élaborons avec eux des solutions opérationnelles adaptées à leurs besoins. » En effet, le business model est différent selon qu’il faut organiser l’envoi de produits à un fabricant pour réparation, à une entreprise de valorisation ou à un entrepôt pour remise en stock… ou combiner toutes ces possibilités. Cette gestion est également complexe parce que le consommateur veut pouvoir choisir entre plusieurs modes de prise en charge de son produit. Selon la Fevad, Chronopost voit exploser son offre « retour boîte aux lettres », mais les renvois peuvent aussi être effectués par La Poste, par dépôt en consigne ou encore en point relais. « Dans le processus que nous gérons pour le client, témoigne Cécile Lanilis, nous mettons une étiquette de retour à disposition du consommateur dans le colis ou, dans d’autres cas, nous lui offrons la possibilité d’imprimer cette étiquette sur le site même du e-commerçant. Il peut choisir aussi entre planifier l’enlèvement du colis, soit en ligne, soit en appelant notre service clients, ou le déposer dans l’un des 5 200 points Relais Colis, un partenaire de DHL Express. » Aux yeux de Cécile Lanilis, « alors que la reverse logistique était auparavant une prestation complémentaire, elle l’est devenue à part entière et doit être pensée dès l’amont. C’est une prestation qui produit de la valeur ajoutée ».

* Pulse of the Online Shopper, ComScore pour UPS. positionnés sur les retours du e-commerce, avec Geodis, Chronopost, UPS, etc.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage

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