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Sida : un handicap trop discret

Les pratiques | publié le : 01.12.2009 |

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Sida : un handicap trop discret

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Grâce aux trithérapies, les personnes contaminées par le VIH peuvent envisager leur maintien ou leur retour à l'emploi. Certaines demandent le statut de travailleur handicapé, mais d'autres, nombreuses, restent dans le secret. Car les entreprises occultent encore ce sujet, source de peurs irraisonnées. Ce 1er décembre, pour la 22e Journée mondiale de la lutte contre le sida, il est question de discrimination au travail.

Chaque année, en France, 6 500 à 7 000 nouveaux cas de séropositivité sont diagnostiqués. En ce 1er décembre, le message de la 22e Journée mondiale de lutte contre le sida porte donc encore sur la prévention. Mais Aides, dans un colloque organisé à Sciences po Paris, lance aussi le pavé de la discrimination à l'emploi : selon l'ANRS (1), 95 % des 141 000 personnes atteintes sont en âge de travailler (moins de 60 ans), mais 18 % sont au chômage et 25 %, inactives. Pourtant, plus de 64 % de celles qui sont sans emploi souhaitent retravailler. Depuis 1995, la trithérapie leur a redonné un horizon ; depuis 2005, la loi a ouvert la notion de handicap à « toute limitation d'activité »..., mais les obstacles restent entiers.

« Le problème est que les entreprises n'associent même pas le VIH à l'insertion professionnelle », estime Claudette Golfier, chargée de mission du Club Entreprises Handi Plus du Medef Lyon-Rhône. Pour s'informer, elle participait à un débat, organisé à Lyon, le 17 novembre, à l'occasion du forum de l'Adapt pour l'emploi des personnes handicapées. « Nous avons questionné les recruteurs présents, rapporte Rebecca Chape, directrice de Cefra Projets solidaires, association organisatrice. L'un d'eux était surpris d'apprendre que le VIH peut impliquer une reconnaissance de travailleur handicapé ; d'autres compatissent, mais affirment n'avoir jamais été confrontés à un tel cas, même lorsqu'ils représentent un très grand groupe ! »

Stigmatisation

Il s'agit d'un « handicap discret », constate le CNS (Conseil national du sida) dans un récent avis (2) : « La stigmatisation est plus importante que pour d'autres pathologies chroniques. » Ainsi, 70 % des malades en emploi « tiennent leur pathologie secrète à l'égard de leur employeur et de leurs collègues », à cause de « l'opprobre moral » autour de cette maladie, de l'idée préconçue « d'inemployabilité » et de « la peur de contamination ». Vincent Marlinge, responsable de projets industriels à Renault Trucks Bourg-en-Bresse (Ain) et président de Cefra Projets solidaires, compare ces craintes à celles qu'il a rencontrées lorsqu'il a recruté des personnes handicapées psychiques : « Les représentants du personnel ont demandé si cela ne faisait pas courir des risques aux autres salariés. » En matière de sida, certaines personnes croient encore qu'elles risquent d'être contaminées en utilisant des toilettes publiques, en buvant dans le verre d'une personne atteinte...

Claudette Golfier estime que « c'est cette peur, irrationnelle, car touchant à l'intime, qui constitue l'obstacle majeur, plus que le côté invalidant du VIH, sur lequel on peut communiquer concrètement ». Pour cela, elle monte actuellement avec Sidaction un projet utilisant le théâtre-forum. Mais Dominique Ducart-Coccini, chargée de mission ingénierie emploi à Adecco, estime, elle, manquer « d'informations sur ce que la séropositivité implique au quotidien ». « C'est du cas par cas », répondent les associations. Si, avant la trithérapie, la «règle» était l'incapacité à 80 %, différents degrés de «limitation d'activité» existent aujourd'hui : fatigabilité, troubles de la concentration, du comportement ou de l'humeur, effets indésirables des traitements (nausées, troubles digestifs...), lipodystrophies, vieillissement prématuré, risque accru de maladies opportunistes. Certains annoncent donc leur séropositivité pour bénéficier d'une adaptation de poste..., ce qui n'est pas toujours simple : Annick, 48 ans, a, par exemple, dû quitter son travail d'agent d'entretien auquel elle est devenue inapte. Elle vient de suivre une formation en bureautique, mais elle ne pourrait travailler qu'à temps partiel et sans contrainte forte de productivité. Beaucoup préfèrent le secret, comme Eric, 29 ans, téléconseiller en recherche d'emploi : « J'ai peur qu'on me dise : « Contaminé aujourd'hui ? T'es vraiment trop bête ! », avoue-t-il..., oubliant que d'autres fument ou boivent malgré les risques de cancer, sans être pour autant stigmatisés. Ce secret peut provoquer, in fine, le rejet redouté. Michel, agent de sécurité, a ainsi été licencié parce que son absentéisme était pris pour de la démotivation.

Une nouvelle approche

Pour le CNS, le VIH doit être vu, aujourd'hui, comme « un paradigme d'une nouvelle approche du handicap » : il doit inciter les médecins du travail à « être promoteurs d'innovations », les employeurs à « davantage envisager des adaptations de poste en termes de rythme de travail et de niveau de performance » et à « sensibiliser à tous les niveaux ». Au plan mondial, c'est l'Organisation internationale du travail (OIT) qui va s'en charger : ce thème est d'ores et déjà inscrit à l'ordre du jour de la conférence de juin 2010.

(1) Agence nationale de recherche sur le sida. Enquête Vespa 2003. Une nouvelle édition va être lancée.

(2) «VIH, emploi et handicap». CNS, 10/09/2009. < www.cns.sante.fr >

L'essentiel

1 L'infection au VIH est une maladie chronique, invalidante à des degrés divers ; 95 % des personnes qui en sont atteintes sont en âge de travailler.

2 Il est nécessaire de développer, dans les entreprises, une information rationnelle sur ce handicap tabou.

3 Les conditions de maintien dans l'emploi ou de recrutement de personnes séropositives doivent être étudiées au cas par cas.

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