logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Les entreprises sortent le plan d'urgence

Enquête | publié le : 01.12.2009 |

Image

Les entreprises sortent le plan d'urgence

Crédit photo

Les employeurs n'ont plus que quelques semaines pour déposer un accord ou un plan d'action pour l'emploi des seniors. Si l'urgence est souvent d'échapper à l'amende, certaines entreprises peuvent se fonder sur leur accord GPEC, ou préciser une politique de prévention de la pénibilité. Les objectifs seront sans doute modestes mais, sous la contrainte, la réflexion est lancée...

Ce matin de novembre, il a fallu ajouter des sièges au fond de la plus grande salle de réunion de ce prestigieux cabinet d'avocats en droit social parisien : l'espace manquait pour accueillir DRH et chargés de mission RH à la matinée consacrée au plan seniors. Petits-déjeuners, matinées-débats, colloques... L'emploi des salariés âgés est, sans conteste, le grand sujet de ces dernières semaines. C'est que le temps est désormais compté pour les retardataires du plan d'action ou de l'accord seniors. L'échéance de janvier prochain fait peur : les entreprises de plus de 50 salariés qui, alors, ne seront pas couvertes par un tel engagement se verront, en effet, sanctionnées à hauteur de 1 % de leur masse salariale (lire ci-contre). Résultat, dans l'urgence, les ambitions deviennent parfois mesurées : la matinée organisée il y a peu par cet autre cabinet d'avocats s'intitulait sans ambages : «Seniors : comment éviter la pénalité ?».

Pas d'obligation de négociation

Le gouvernement s'emploie d'ailleurs à désamorcer la grande crainte des entreprises, en particulier des PME, dont beaucoup ont compris qu'elles ne seraient pas couvertes par un accord de branche (lire p. 25). « Il y a certes un risque de sanction financière, mais pas d'obligation de négocier, plaide David Anglaret, chargé de mission sur le plan seniors à la DGEFP au ministère de l'Emploi. Un simple plan unilatéral est acceptable, même si nous conseillons la négociation. Dès lors, pour régler le problème du délai contraint, il est possible de présenter un plan comprenant un engagement à négocier à court terme. » Sans compter que l'administration n'aura guère le pouvoir de se prononcer sur la pertinence des accords, et que le non-respect du plan ou de l'accord n'est pas sanctionnable. Même retenue du côté des Urssaf, chargées de recouvrer les éventuelles pénalités : « Il ne s'agit que d'une obligation de moyens, y explique-t-on. En outre, les entreprises ont la liberté de contextualiser leur engagement en fonction de leur situation, pour justifier, éventuellement, leurs objectifs modestes. »

Panne du dialogue social

« Il faudrait avoir la capacité d'évaluer les plans et les accords pour les enrichir qualitativement ; or, l'administration n'en a ni les moyens ni les prérogatives, regrette Laurence Laigo, secrétaire nationale CFDT en charge de ce dossier. De plus, l'effet sanction peut conduire à des plans unilatéraux, là où on avait déjà du mal à faire du dialogue social. »

Du côté du gouvernement, on estime plutôt qu'il faut contraindre les entreprises à faire un premier pas, si modeste soit-il. « Le but est de faire en sorte que tout le monde bouge d'ici à 2010 », rappelait Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi, face à des patrons de PME irrités, le 14 octobre dernier.

De fait, de campagnes de communication nationales en CDD seniors, les tentatives pour faire décoller le taux d'emploi des 55-64 ans, qui stagne à 38,3 % en France, loin de l'objectif européen de 50 %, sont restées vaines jusqu'ici.

Accélération du calendrier

Le calendrier s'est donc accéléré d'un coup : c'est le 20 mai dernier seulement qu'un décret a été publié pour permettre l'application de l'article 87 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, adoptée le 17 décembre 2008, et qui instituait l'obligation d'agir en faveur de l'emploi des seniors. Et la dernière circulaire interministérielle, apportant des précisions sur le contenu des plans ou accords, ne date, elle, que du 9 juillet. Il restait donc peu de temps pour finaliser un document qui doit comporter un objectif chiffré global de maintien dans l'emploi ou de recrutement des salariés âgés (lire ci-dessus).

L'agenda n'empêche pas d'autres entreprises de se montrer plutôt sereines. « Nous avions un bon accord de GPEC, avec un volet seniors important, indique le DRH d'une grande entreprise de BTP. Nous voulons en décliner un accord seniors. Mais, si nous n'obtenons pas les signatures nécessaires, nous effacerons les noms des partenaires sociaux et le déposerons comme un plan d'action, en y ajoutant un engagement à négocier rapidement. »

Sur la base d'un accord de GPEC

Le groupe de construction militaire navale DCNS a également utilisé son accord de GPEC, signé en juin dernier, comme base de l'accord seniors. Il capitalise sur l'expérience des salariés âgés en permettant, notamment, un mi-temps de fin de carrière consacré au tutorat et rémunéré à 80 %. « Notre accord a été signé entre le vote de la loi et la publication de la circulaire, explique le DRH, Hervé Dufoix. Nous avons été amenés à modifier quelques points pour rendre le texte conforme aux attentes de l'administration. »

Assouplir la transition emploi-retraite, avec des dispositifs de temps réduit, compensés a minima par des cotisations sociales sur une assiette élargie au temps complet, a souvent été une démarche de l'industrie, comme chez Dassault, par exemple (lire p. 26).

Mais là où la dizaine d'accords de branche signés sur les seniors sont restés timides - la négociation interprofessionnelle demeurant, elle, à l'arrêt -, certains accords d'entreprise ouvrent aussi le dossier de la pénibilité. C'est le cas du spécialiste de l'audit de contrôle SGS. « La difficulté dans certains secteurs est que les salariés âgés servent de variable d'ajustement, explique Francis Bergeron, le DRH. Nous voulons, au contraire, les retenir. Notre activité n'est pas menacée par la crise, et l'expérience est une dimension valorisée dans nos métiers. » Cet accord, qui vise l'augmentation du nombre de salariés de plus de 55 ans dans l'entreprise, ambitionne de réduire la pénibilité et la lassitude, avec la suppression des missions de nuit (contrôle de cuves, contrôle non destructif, par exemple) pour les seniors non volontaires et la création d'un congé «seniorité», accordé à raison d'un jour annuel supplémentaire par année passée au-delà de 60 ans. D'autre part, la transition emploi-retraite a fait l'objet d'une partie de cette négociation, avec l'utilisation d'un dispositif de cumul emploiretraite permettant la liquidation des droits puis un contrat de vacataire en temps partiel annualisé.

Girpi, société havraise de 230 personnes, spécialisée dans les canalisations, dispose aussi, depuis octobre, d'un accord qui améliore les conditions de travail des seniors. L'enjeu était important dans une société qui compte 18 % de salariés âgés de 55 ans ou plus. Le texte prévoit, par exemple, un passage des 3/8 aux 2/8, avec le maintien de la prime de nuit pour les seniors justifiant de trente-cinq ans d'ancienneté, dont trente ans en 3/8. « Quatre personnes ont déjà demandé à bénéficier du dispositif », indique Patrice Legigand, le DRH. L'entreprise s'engage, également, à examiner les possibilités de passage en horaire de journée, sans perte des primes de nuit et de poste pour les seniors en 2/8.

« Nous avons à compléter, en négociation paritaire, d'ici à la mi-janvier, la question des objectifs sur les trois années à venir, précise le DRH. Nous collectons les chiffres 2009, alors que nous ne disposions que des données 2008 à la signature de l'accord. Car nous voulions réellement ouvrir le débat et ne pas nous contenter d'un texte pour échapper à la sanction. »

L'essentiel

1 Le PLFSS 2009 et le décret du 20 mai dernier contraignent les entreprises de plus de 50 salariés à se doter d'un plan ou d'un accord sur l'emploi des seniors.

2 Les entreprises de 50 à 300 salariés pourront être couvertes par un accord sectoriel. Mais la négociation de branche n'a guère été fructueuse.

3 Principales difficultés : proposer des indicateurs pour évaluer les progrès et un objectif chiffré de maintien dans l'emploi ou de recrutement des seniors. Mais ils peuvent être modestes... et le respect des engagements ne sera pas exigé.

Dernier délai

→ La sanction est due pour chaque mois entier au cours duquel l'entreprise n'est pas couverte par un accord ou un plan. Les entreprises devront être couvertes par un accord ou un plan au moins un jour pendant le mois considéré. Ainsi, un plan d'action unilatéral pourra être déposé jusqu'au 31 janvier. Pour les accords, le délai d'opposition doit néanmoins être respecté, ce qui avance la date fatidique de 8 jours pour un accord d'entreprise et de 15 jours pour un accord de groupe.

Le rescrit : une procédure pour sécuriser les accords

La complexité du cahier des charges exigé pour les accords ou les plans en faveur de l'emploi des salariés âgés a conduit les autorités à prévoir une procédure intéressante et facultative : le rescrit (L. 138-27 de la loi de financement de la Sécurité sociale). Celle-ci donne la possibilité aux entreprises d'au moins 50 salariés de demander à l'administration un avis sur la valeur de leur accord et donc d'en valider le contenu.

Il suffit pour cela d'envoyer sa demande par lettre recommandée avec avis de réception au préfet de région, ou de la lui remettre en main propre contre décharge. Elle comportera, outre les dispositions de l'accord, l'ensemble des informations relatives à l'identification de l'entreprise, notamment ses données sociales.

Le dossier sera considéré comme complet si, dans un délai de trente jours à compter de la réception, le préfet n'a pas mentionné de pièces à fournir. Et, comme qui ne dit mot consent, l'absence de réponse de l'autorité administrative au bout de trois mois vaut décision de conformité. En clair, elle est opposable à l'organisme chargé du recouvrement de la fameuse pénalité de 1 %. A noter : les entreprises qui ont un contrôle Urssaf en cours ne peuvent déposer de rescrit.

C. L.