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Enquête

Des accords encore rares

Enquête | publié le : 01.12.2009 |

Le faible bilan des signatures d'accord de branche, symptôme des déficiences du dialogue social à ce niveau, va contraindre les entreprises de 50 à 300 salariés à prendre leur destin en main.

Avec seulement une dizaine d'accords signés et une petite soixantaine «dans les tuyaux», les branches professionnelles ne se montrent guère pressées de traiter l'emploi des seniors. Certes, ce chiffre est normalement appelé à grossir, à quelques semaines du 31 janvier 2010, date du coup de sifflet final. C'est, en tout cas, ce qu'espèrent les entreprises de 50 à 300 salariés, qui, si un accord de branche a été convenu et déployé, sont exonérées de dispositif spécifique et donc, par ricochet, de pénalités.

Sources de blocage

Beaucoup vont être déçues. Dans le secteur mutualiste notamment (58 000 salariés). « Nous avons failli avoir un accord, mais deux points ont été sources de blocages irréversibles », explique Christine di Costanzo, déléguée générale de l'Union des groupements mutualistes. Le premier a concerné le statut du tuteur, considéré comme une fonction, côté syndical, mais comme une mission du point de vue patronal. Plus problématique, la question des conditions de travail. « Nous ne l'avions pas choisie comme domaine de notre plan d'action, mais introduite comme une disposition générale », explique-t-elle. Or, les organisations syndicales voulaient aller plus loin ; une demande incompatible avec les exigences du calendrier, selon les représentants patronaux. Cet exemple est loin d'être un cas isolé. Le thème de la pénibilité étant véritablement un objet de crispations, rarement intégré dans les plans d'action.

Bons élèves

Quoi qu'il en soit, les accords seront le fait « de bons élèves du dialogue social », regrette Sylvain Niel, directeur du département GRH du cabinet Fidal. La branche des entreprises sociales pour l'habitat (30 000 salariés) est de ceux-là. Elle a, notamment, enregistré la conclusion d'accords sur la prévention de la discrimination et sur le développement de la politique de formation. Pour les seniors, elle a été la première, avec un texte paraphé le 3 juillet dernier. Son contenu ressemble à d'autres, proposant un plan d'action articulé autour d'engagements sur le développement des compétences/l'accès à la formation ; la transmission des savoirs/le développement du tutorat et l'anticipation de l'évolution des carrières professionnelles. C'est le cas du texte de la branche de l'hospitalisation privée (140 000 salariés), ou de celui des institutions de retraite complémentaire et de prévoyance (30 000). La chimie (182 000) s'est démarquée avec le thème de l'aménagement des fins de carrière/la transition entre la période d'activité et la retraite.

Maintien dans l'emploi

Et, dans leur grande majorité, les branches optent pour un engagement de maintien dans l'emploi, exception faite de la pharmacie. Le Leem ainsi que la CGC, la CFDT et la CFTC, proposent, depuis le 17 novembre, d'augmenter le taux de recrutement des personnes de 50 ans et plus, de 3,25 % à 4,06 % à fin 2012.

La difficulté de l'exercice ? « Trouver le bon équilibre entre un contenu qui n'est pas une simple redite de la loi, mais n'est pas non plus trop intrusif », avance Marc Landais, responsable des relations sociales pour les institutions de retraite complémentaire. Pour Didier Poussou, secrétaire de la commission paritaire de la Fédération des sociétés anonymes d'HLM, c'est plutôt le fait de « devoir impulser une démarche dans un temps limité ».

Les observateurs ne sont guère optimistes quant à l'issue de ces négociations de branche. A qui la faute ? « Aux divergences syndicales, au manque de moyens de certaines fédérations patronales trop petites, sans oublier l'absence totale de dialogue social dans certaines branches », énumère Sylvain Niel. Le député Jean-Frédéric Poisson en faisait déjà le constat dans son rapport parlementaire remis le 11 mai dernier : sur les 680 branches relevées par le ministère du Travail, seules 13 % négocient régulièrement. Pourtant, l'heure tourne. En attendant, bon nombre d'entreprises de 50 à 300 salariés seraient bien inspirées de négocier leur propre accord ou d'élaborer leur propre plan sans attendre la planche de salut lancée par leur branche.

Les domaines d'action et les objectifs chiffrés

→ Les accords ou plans doivent aborder au moins trois domaines d'action parmi les six proposés, en fonction des enjeux et de la pyramide des âges de l'entreprise :

• Recrutement de salariés âgés dans l'entreprise. • Anticipation de l'évolution des carrières professionnelles. • Amélioration des conditions de travail et prévention des situations de pénibilité. • Développement des compétences et des qualifications et accès à la formation. • Aménagement des fins de carrière et de la transition entre activité et retraite. • Transmission des savoirs et des compétences et développement du tutorat. • Le document doit, en outre, mentionner un engagement chiffré de maintien dans l'emploi des plus de 55 ans, ou de recrutement des plus de 50 ans.

Le bilan retraite : un outil d'anticipation

Dans nombre d'entreprises, la fin de la mise à la retraite d'office a créé le flou sur les prévisions de départs en retraite. D'autant qu'un employeur n'a qu'un seul moyen de connaître la date «taux plein» de ses salariés : attendre que ces derniers prennent l'initiative de l'en informer...

A la recherche d'une incitation efficace, certains décident alors de financer un bilan retraite, c'est-à-dire une reconstitution de carrière avec calcul des âges et date «taux plein», du montant des pensions - pension de réversion y compris - ainsi que des éventuelles surcotes ou décotes, indiquant au futur retraité le montant précis de sa rente en fonction des différentes hypothèses. Un service facturé à l'entreprise quelque 700 euros par salarié.

20 000 bilans

Implanté sur ce créneau depuis 1998, France Retraite a déjà réalisé plus de 20 000 bilans (75 % du marché français) et compte dans son portefeuille clients des entreprises telles que Air France, Procter & Gamble, AstraZeneca ou encore La Poste. « Le financement par l'employeur d'un bilan retraite répond généralement à deux objectifs, explique Pierre Péchery, le directeur général. La valorisation d'un Perco ou la gestion prévisionnelle des âges, notamment dans les entreprises dont les métiers nécessitent de longues périodes d'apprentissage. »

Pour autant, l'opération, qui donne une visibilité à la DRH sur les choix de départ des salariés âgés, nécessite un certain doigté. « Nous accompagnons nos clients en termes de communication interne, souligne Pierre Péchery. Si les salariés ne comprennent pas les raisons d'un tel «cadeau», ils risquent d'y voir une stratégie détournée destinée à les mettre dehors un peu plus tôt. »

AURORE DOHY