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Enquête

Des milliards très convoités

Enquête | publié le : 04.11.2008 |

Les entreprises françaises ont versé environ 6 milliards d'euros à leurs Organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), Fonds d'assurance formation (FAF) et Fongecif, en 2007 et 2008, sur les masses salariales 2007. Des fonds qui attisent les convoitises.

Rendez-vous habituel d'Entreprise & Carrières avec ses lecteurs depuis de nombreuses années : voici «les chiffres de la collecte». Comme d'habitude, cela a nécessité six mois d'investigation et de relance. Comme d'habitude, les mêmes ont répondu en 24 heures. Comme d'habitude, les mêmes ont fait traîner, voire n'ont toujours pas donné d'éléments de réponse...

Qu'en est-il de cette quatrième collecte post-réforme 2004 des fonds de la formation professionnelle alors que l'ambiance est à la Blitzkrieg sur les collecteurs ? Selon nos calculs, près de 6 milliards d'euros ont été collectés auprès des entreprises françaises par les Opca (organismes paritaires collecteurs agréés) et fonds d'assurance formation (FAF) de branche, les Opca interprofessionnels (Agefos-PME/CGPME et Opcalia/Medef), ainsi que par les Fongecif-Agecif-Opacif, entre le 1er janvier 2007 et mars 2008, sur les masses salariales 2007 (lire p. 29).

Les moyens d'une politique de formation

Ces fonds qui transitent par les collecteurs représentent près de la moitié de l'ensemble de l'effort déclaré des entreprises en matière de formation continue. Le principe de cette collecte est important, car il constitue la base du circuit financier qui organise la mutualisation d'une partie des fonds permettant d'engager et de financer des politiques de formation de branche ou d'entreprise. En 2007, selon le «Jaune budgétaire», le versement «plan» moyen d'une entreprise de moins de 10 salariés était de 301 euros, le versement «plan» moyen d'une entreprise de plus de 10 salariés était de 13 689 euros, et le versement «alternance/professionnalisation» d'une entreprise, toutes tailles confondues, s'élevait à 1 272 euros, on comprend alors l'intérêt des mécanismes de mutualisation.

La mutualisation en panne

Mais, justement, ce sont ces mécanismes qui sont critiqués par plusieurs rapports depuis quelques mois : la mutualisation ne fonctionnerait pas ou, plutôt, elle fonctionnerait au profit des grandes entreprises sur le dos des petites.

C'est aux partenaires sociaux, via les conseils d'administration des collecteurs et les CPNE, d'orchestrer ces pratiques afin qu'elles ne deviennent pas réellement abusives.

Or l'Etat estime que l'orchestre joue faux. C'est un des arguments avancés par Christine Lagarde et par la DGEFP pour justifier une nouvelle réforme. Mais quelle serait l'opérationnalité d'une mutualisation revisitée (priorité aux moins de 10 salariés ? Priorité aux moins de 50 ? Premier arrivé, premier servi ?...), on ne le sait évidemment pas encore.

« Décisions ambitieuses »

En tout cas, Nicolas Sarkozy, le 28 octobre dernier, à Rethel (Ardennes), a averti : « Qu'on ne se méprenne pas sur ma détermination, des décisions ambitieuses seront prises avant la fin de l'année. » Il organisera, dans un mois, une réunion avec les partenaires sociaux pour faire le point sur l'état d'avancement des différentes négociations. Le point établi à cette occasion « sera notre feuille de route pour les mois et l'année à venir ».

Entre l'Etat (qui cherche à rénover les pratiques, mais aussi à boucler son budget), les partenaires sociaux (qui justifient une légitimité historique dont le bilan n'est pas honteux, mais améliorable) et les régions (qui revendiquent une gouvernance décentralisée, mais qui parfois ignorent la réalité économique et politique des branches professionnelles), ces 6 milliards font l'objet d'une vraie convoitise.

L'essentiel

1 La collecte des fonds de la formation par les Opca-Faf-Fongecif est en constante croissance depuis dix ans. Notamment du fait des versements volontaires des entreprises.

2 Le débat sur l'utilisation de ces fonds n'est pas toujours de bonne foi. Mais de véritables améliorations sont nécessaires.

3 La réforme annoncée pour la fin de l'année vise à orienter ces fonds «entreprises» vers la formation des chômeurs et primo-entrants sur le marché du travail : au détriment de la formation professionnelle des salariés en poste ?

Mutualisation ?

La mutualisation des fonds sur les contributions «plan de formation» et «professionnalisation» fait débat.

Sur la première, il est de notoriété publique que de grandes entreprises ont développé une solide ingénierie financière pour en récupérer un montant supérieur à leur versement d'origine. Cela dit, il faut observer ce phénomène sur plusieurs années. Les cycles de formation dans les PME sont, en effet, souvent calqués sur les cycles de changement technologique ou organisationnel. En conséquence, souvent, ces entreprises ne produisent pas un grand effort formation pendant deux à trois ans. Puis, à l'occasion du renouvellement d'une partie du processus industriel, de l'organisation commerciale ou autre, elles ont un soudain besoin de financement de leur effort de formation bien supérieur à leur versement, et font alors appel à leur Opca. Il faut donc dépasser l'horizon de la seule année pour mesurer vraiment une pratique de mutualisation des fonds «plan de formation». Néanmoins, les grandes entreprises sont plus promptes à consommer ces fonds.

Sur la mutualisation «professionnalisation», deux aspects sont à mesurer. Celui des «contrats de professionnalisation» et celui des «périodes de professionnalisation». Clairement, les petites entreprises tirent davantage profit que les grandes des financements contrats de professionnalisation, comme c'était déjà le cas avec les précédents contrats de qualification.

En revanche, les PME et TPE n'utilisent pas encore à plein le mécanisme de la période de professionnalisation, qui, depuis deux ans, connaît un fort développement, plutôt au profit des grandes entreprises. Les PME ne se sont pas encore vraiment emparé de la période de professionnalisation, alors que les grandes en ont bien compris l'intérêt pour cofinancer leur plan.

L. G.