logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Le groupe cosmétique privilégie la com'externe

Enquête | publié le : 02.09.2008 |

Image

Le groupe cosmétique privilégie la com'externe

Crédit photo

A la suite de la condamnation en appel de la société Garnier (L'Oréal), en 2007, pour discrimination raciale à l'embauche, la multinationale a réagi en lançant une campagne médiatique afin de faire connaître ses actions en faveur de la diversité.

Quand, le 6 juillet 2007, la 11e cour d'appel de Paris condamne les sociétés Adecco et Garnier à 30 000 euros d'amende chacune pour « discrimination raciale à l'embauche », le verdict fait grand bruit : articles dans la presse, sujets au journal télévisé de 20 heures... SOS Racisme avait saisi la justice après que, en 2000, Garnier aurait demandé à Adecco de ne pas embaucher des jeunes femmes d'origine africaine, arabe ou asiatique pour des opérations de promotion de produits capillaires.

Pas question pour la multinationale de laisser s'installer l'idée que la firme est coupable de discrimination. « L'attaque de SOS Racisme portait également sur notre image extérieure. La communication externe a été une des voies importantes par laquelle nous avons réagi », explique Jean-Claude Legrand, directeur mondial de la diversité chez L'Oréal. Une grande campagne publicitaire est lancée : deux jours après la condamnation, L'Oréal fait paraître dans 65 titres de la presse française une pleine page titrée «Des actes pour la diversité». « Nous avons demandé à 25 personnes avec lesquelles nous travaillons pour la promotion de la diversité de décrire en trois lignes notre action commune », poursuit-il. « Des personnalités aussi diverses que Laura Fleyssel, Yamina Benguigui, Isabelle Giordano ou Patrick Lozès ont répondu immédiatement », se félicite-t-il.

A usage interne...

Les salariés de L'Oréal ne sont pas oubliés. Le lundi qui suit la condamnation, la page «Des actes pour la diversité» est affichée largement dans les différents sites français de l'entreprise : dans les ascenseurs, à l'entrée de la cantine. Un fichier numérique est envoyé à l'ensemble des salariés. La réponse médiatique de L'Oréal ne s'arrête pas là. Moins d'une semaine après la condamnation, le 12 juillet 2007, une conférence de presse est organisée.

... et à usage externe

« Nous avons décidé de communiquer à l'extérieur sur ce que, concrètement, le groupe a mis en place pour promouvoir la diversité : les actes parlent d'eux-mêmes », déclare Jean-Claude Le Grand.

Jean-Paul Agon, le directeur général, est présent. Henri Thébodet, proviseur du lycée Auguste- Blanqui de Saint-Ouen, est convié : il est là pour présenter le partenariat noué par L'Oréal avec cet établissement de zone d'éducation prioritaire (ZEP). Autre invité, Marc Cheb Sun, directeur de la rédaction de Respect Magazine. Le groupe a ouvert largement ses portes au magazine à l'occasion d'un hors-série sur la mise en place de la diversité. Signe de la confiance du magazine : dans son numéro d'octobre, le directeur de la rédaction revient sur la condamnation de L'Oréal et réaffirme sa conviction au sujet de l'engagement de la firme pour la diversité. Si L'Oréal s'est pourvue en cassation et est donc toujours opposée à SOS Racisme, elle a enterré la hache de guerre avec l'association et s'est engagée à ses côtés, dans le projet Citi TV pour promouvoir l'emploi de jeunes des quartiers formés aux métiers de l'audiovisuel.

Les salariés n'ont pas été oubliés

Après la publication du testing de la Halde, Mercuri Urval et le Crédit agricole se sont préoccupés du moral de leurs salariés. « Au cours de la semaine de la publication, nous avons réuni tous les salariés, qui étaient sous le choc, pour repartir du bon pied », explique Hubert l'Hoste, qui précise que le cabinet a reçu « deux ou trois coups de téléphone injurieux ».

« Nous avons beaucoup communiqué auprès des caisses régionales, déclare, de son côté, Bernard Philippe. Nous avons décliné, en interne, les mêmes arguments que ceux diffusés à la presse et nous en avons profité pour réaffirmer qu'il fallait faire évoluer notre modèle social. »

Adecco préfère la com'interne

Dans la même affaire, Adecco a choisi, contrairement à L'Oréal, de privilégier l'information interne. « La communication grand public peut, sur ce type de sujets, avoir un effet néfaste », explique Bruce Roch, responsable du service «innovation et diversité» chez Adecco. « Suite à la médiatisation de cette condamnation, des candidats se sont désinscrits de notre réseau et quelques-unes de nos agences ont été victimes de violences - vitres brisées, notamment », raconte Bruce Roch.

Des salariés informés

Si aucune campagne médiatique d'envergure n'a été lancée, un effort de communication a, en revanche, été déployé en direction des salariés du réseau. Le Pdg de l'entreprise est revenu sur la condamnation au moyen d'un mail envoyé aux 8 000 salariés permanents. « Ce mail est revenu sur les faits et a expliqué pourquoi Adecco se pourvoyait en cassation », indique Bruce Roch.

Piqûre de rappel

Mais la seule information juridique sur la poursuite de l'affaire ne pouvait suffire. La condamnation d'Adecco a permis à la direction de procéder à une petite piqûre de rappel. « Dans cette note, le Pdg a aussi rappelé les règles en vigueur en cas de commande discriminatoire », poursuit Bruce Roch.

Les initiatives pour lutter contre les pratiques discriminatoires se sont, en effet, multipliées au cours des dernières années. Etape importante, en avril 2007, un «accord-cadre contre les discriminations» a été signé par l'ensemble des organisations syndicales de l'entreprise. Celles-ci l'avaient d'ailleurs corédigé avec la direction. Ce document a été envoyé par mail avec un mot du Pdg à tous les salariés permanents.

Convaincre le client

Depuis 1999 et l'audit externe réalisé par la société Copas, qui avait mis en évidence l'existence de commandes discriminatoires de la part de clients, Adecco s'est doté d'un protocole pour aider le personnel de ses agences : s'il faut d'abord tenter de convaincre le client, le salarié confronté à une commande discriminatoire doit, en cas de résistance de la part du client, l'envoyer à son supérieur hiérarchique, qui se chargera, lui, de lui expliquer en quoi cette demande n'est pas légale. Si cela n'est toujours pas suffisant, le n + 2 est informé à son tour.

« Parfois, le client maintient sa demande, le salarié doit refuser la commande, mais il n'est, bien sûr, pas pénalisé », détaille Bruce Roch. Les faits condamnés en 2007 datent de 2000. Or, en sept ans, la situation a évolué. « La discrimination est beaucoup moins explicite de la part des clients, des demandes codées comme BBR - bleu blanc rouge - ont disparu », assure-t-il.

M. M.