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Après le testing, la riposte des entreprises

Enquête | publié le : 02.09.2008 |

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Après le testing, la riposte des entreprises

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Accusées, le 10 juin, par la Halde, d'avoir des pratiques de recrutement discriminatoires, Mercuri Urval, le Crédit agricole et Accor ont contre-attaqué en critiquant la méthodologie de la haute autorité... Avec succès. Elles préparent maintenant une riposte à plus longue échéance.

Le 10 juin 2008, les médias étaient nombreux pour entendre les conclusions d'un testing commandé par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). Pour la première fois en France, les noms d'entreprises soupçonnées d'avoir des pratiques de recrutement discriminatoires étaient mis sur la place publique. Jusqu'alors, seuls les résultats globaux des testings de recrutement (comparaison du traitement de deux CV équivalents en tous points sauf sur l'origine ethnique ou l'âge du candidat) non sollicités par les entreprises étaient diffusés. Il s'agissait donc d'une très mauvaise publicité pour les trois sociétés - parmi vingt testées - mises à l'index : Accor Jobs pour le traitement des candidats d'origine africaine ; Crédit agricole et Mercuri Urval pour ceux de plus de 45 ans. Mais, prévenues par la Halde de la diffusion des résultats, les trois entreprises n'ont pas été prises au dépourvu.

Critique de la méthode

Ces dernières ont d'abord riposté sur le terrain de la méthode. Par voie de communiqués de presse et de déclarations, elles ont contesté la manière dont le prestataire, la société Arirs, dirigée par le professeur Jean-François Amadieu, a mené le testing. Elles ont notamment critiqué la « mauvaise qualité des candidatures fictives », le « manque de transparence dans l'explication des erreurs reconnues par le prestataire », et l'absence de représentativité de l'échantillon.

Aberrations

Pour Kathy Kopp, DRH d'Accor, le « testing a été fait de manière extrêmement non professionnelle », et, en conséquence, elle en « contest[ait] formellement les résultats ». Selon elle, « 20 % des CV fictifs envoyés étaient erronés, ne correspondant pas à nos postes, comportant des aberrations de carrière ». De son côté, Mercuri Urval citait l'exemple de cette candidature fictive de « DRH confirmé postulant pour une fonction de chargé de recherche en cabinet ».

Cette critique en règle et argumentée de la méthode du testing a été efficace, et ce, d'autant plus que la Halde a choisi de ne pas contre-argumenter. A l'arrivée, la presse s'est fait davantage l'écho de la polémique sur le testing que de ses résultats. « Les critiques sur la méthodologie ont réduit l'impact du testing », reconnaît Hubert L'Hoste, directeur général de Mercuri Urval, qui n'a pas constaté d'effets négatifs sur l'activité du cabinet. Les trois entreprises ne se sont cependant pas contentées de ce relatif succès de communication, elles ont également contre-attaqué sur le fond.

Reprendre la main

Mercuri Urval et Accor n'ont pas exclu de saisir le Conseil d'Etat. En outre, Hubert L'Hoste, fort du soutien de sa profession, estime qu'« il faut reprendre la main ». Il envisage, ainsi, de créer un observatoire de branche. « L'idéal serait de publier un bilan annuel de branche sur la diversité ; les entreprises pourraient également s'engager contractuellement à faire des efforts en faveur d'une population prioritaire, la Halde vérifierait les résultats deux ans plus tard », imagine-t-il. Pressé de tourner la page, Accor n'a pas souhaité répondre à nos questions.

Surtout, le Crédit agricole avance un argument de fond. « Les tests portaient sur des postes de début de carrière, or nous sommes en phase de transfert générationnel, avec de nombreux départs à la retraite et de nombreux recrutements, explique Marie-Christine Dumonal, DRH groupe de Crédit agricole SA. Notre modèle social étant fondé sur la promotion interne, nous recrutons naturellement une majorité de jeunes à ces postes. » Une situation que reflète «mécaniquement» le testing. « Le testing a repéré le modèle social historique du groupe, qui est aujourd'hui amplifié par sa pyramide des âges », renchérit Bernard Philippe, directeur général adjoint, en charge des RH, de la Fédération nationale du Crédit agricole, qui regroupe les caisses régionales, les principales concernées par le vieillissement des effectifs. Sans le dire tout à fait, la banque admet donc le diagnostic de la Halde, mais ne lui confère pas la même signification que celle de la haute autorité. « On ne se sent pas coupables : le recrutement des jeunes a longtemps été considéré comme une priorité par les pouvoirs publics. Aujourd'hui, les priorités changent, mais il nous faut du temps pour adapter notre modèle », explique Bernard Philippe.

Selon lui, la banque est acquise depuis longtemps à l'idée de diversifier ses recrutements, « afin de ne pas reproduire la même erreur que dans les années 1970, lorsque nous ne recrutions que des jeunes ». Finalement, cet épisode a été l'occasion de « réaffirmer [en interne] qu'il était nécessaire de rompre avec notre modèle historique pour aller vers plus de diversité ».