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Achats et DRH, une relation a inventer

Enquête | publié le : 03.04.2007 | Emmanuel Franck

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Achats et DRH, une relation a inventer

Crédit photo Emmanuel Franck

Afin de réduire leurs dépenses, les entreprises confient à leur direction des achats la mission, précédemment dévolue à la direction des ressources humaines, d'acheter des prestations RH. Il s'agit principalement de l'intérim et de la formation, plus rarement du recrutement et de la protection sociale. A cette redistribution des rôles, les DRH n'ont pas tout à perdre.

Qui achète les prestations de services RH ? Il y a quelques années, la réponse coulait de source : l'utilisateur, donc la direction des ressources humaines. Aujourd'hui, elle n'est plus évidente, car, souvent, ce sont des acheteurs professionnels qui signent le bon de commande. Par souci d'économie, les entreprises confient, depuis longtemps, leurs achats de production à la direction des achats. Mais, depuis peu, elles élargissent son périmètre aux achats hors production, parmi lesquels ceux de prestations de ressources humaines. Dès lors que le volume acheté atteint un certain niveau, et/ou que l'entreprise travaille de façon récurrente avec le même fournisseur, l'achat peut être rationalisé. Une règle qui vaut pour des boulons autant que pour des prestations de service. A la nuance près que les services doivent être suffisamment standardisés pour être comparés.

Simplification des achats

C'est pourquoi, en matière de ressources humaines, les prestations concernées sont d'abord l'intérim et la formation. Dans l'entreprise de BTP Spie Batignolles, gros consommateur d'intérim, le processus a dépassé le stade de la rationalisation pour atteindre celui d'une quasi-industrialisation (lire p. 26). Les relations avec les entreprises de travail temporaire sont déjà largement encadrées, et Spie Batignolles travaille maintenant à simplifier ses achats. L'essentiel des économies a déjà été réalisé, et celles qui restent à faire sont marginales (2 % à 3 %). Dans cette organisation, la place de la DRH paraît secondaire.

Chez le fabricant d'électroménager FagorBrandt, qui démarre la rationalisation de ses achats de formation, les premiers gains ont été de 15 % (lire p. 24). Dans ce contexte encore instable, les responsables de formation et l'acheteuse cherchent un modus vivendi. « Après l'intérim et la formation, les recrutements et la protection sociale sont les prochains territoires à conquérir pour les acheteurs », déclare Arnaud Salomon, directeur du 3e cycle IMA (ingénierie et management des achats) au pôle universitaire Léonard-de-Vinci.

Réinvestissement

SNCF Participations, le holding qui gère la plupart des filiales de la SNCF, est actuellement en train de professionnaliser l'achat de ses assurances complémentaires et de sa prévoyance (lire p. 25). La démarche, conjointe entre la DRH et la direction des achats, vise à réaliser des économies pour les réinvestir dans des prestations RH à plus forte valeur ajoutée.

La réalisation d'économies sur les prestations RH est limitée par le risque de baisse de la qualité. Chez FagorBrandt, responsables formation et achats se sont entendus pour ne rationaliser que les achats des formations les plus standardisées. Faire de même avec les autres (les langues) aurait conduit à détériorer leur qualité. Les prestataires, eux aussi, soulignent souvent ce risque pour tenter de desserrer l'étau des acheteurs sur leurs marges. « En faisant baisser les prix, les acheteurs augmentent les contraintes sur les salaires des consultants, les cabinets deviennent, alors, moins attractifs, ce qui peut finir par peser sur la qualité de leurs prestations », argumente Bertrand Maguet, coanimateur du groupe de travail sur les achats au Syntec Conseil en management.

Prestataires critiques

Le moins qu'on puisse dire est que la montée en puissance des acheteurs ne réjouit pas le monde des RH. Les plus critiques sont les prestataires. « Disons-le clairement : notre objectif est de ne pas traiter avec les services achats. En ne cherchant qu'à négocier sur les prix, ils gomment toute la dimension RH de notre métier : le recrutement, l'étude de l'adéquation entre les compétences et le poste... », déclare Jean-Marc Le Blouch, directeur du développement des ventes de VediorBis.

Accueil mitigé

L'accueil que leur réservent les acteurs de la fonction RH est plus mitigé. D'un côté, ils apprécient que les acheteurs sécurisent les contrats avec les prestataires, de gagner de nouvelles marges financières, et de réduire leur charge de travail ; de l'autre, ils leur reprochent de ne pas tenir suffisamment compte de la spécificité de leur métier, ainsi que le montrent les résultats de l'étude menée par Arnaud Salomon (lire p. 27).

Quoi qu'il en soit, acheteurs, fonction RH et prestataires sont condamnés à travailler ensemble. « On ne reviendra pas en arrière », pronostique Bertrand Maguet, dont l'organisation patronale a édité un guide des achats de conseil élaboré par des acheteurs et des consultants (lire p. 26).

L'essentiel

1 Dès que les prestations de ressources humaines d'une entreprise atteignent un volume important, leur achat peut être confié à des professionnels : les acheteurs. L'intérim et la formation sont les principales prestations RH concernées.

2 En jouant sur les volumes achetés, les entreprises font des économies d'échelle, mais se trouvent alors confrontées à un risque de baisse de la qualité de la prestation.

3 Dans cette configuration, les directions des ressources humaines perdent leur «pouvoir d'achat», mais ont un rôle important à jouer pour maintenir la qualité de la prestation. Fonction RH et fonction achats ont tout intérêt à collaborer le plus en amont possible.

Auteur

  • Emmanuel Franck