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Les Pratiques

La Pentecôte travaillée toujours contestée

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 23.05.2006 | Martine Rossard

Alors que les adversaires de la journée de solidarité n'ont pas désarmé, les DRH sollicitent toute la panoplie des «assouplissements» possibles.

Appels à la grève, absentéisme, recours contentieux contre le travail gratuit ont marqué, l'an dernier, le lundi de Pentecôte, première «journée de solidarité» avec les personnes âgées et les personnes handicapées. Seuls la moitié des salariés avaient effectivement travaillé. De nombreux élèves avaient déserté les écoles. Et des agents de collectivités locales avaient été mis en congé pour cette journée traditionnellement fériée et chômée.

Le 5 juin, prochain lundi de Pentecôte, aucune école n'ouvrira, ce qui peut poser problème aux parents censés travailler. Certaines entreprises chômeront, d'autres pas. La CFTC lance un appel national à la grève. A l'inverse, un groupement de transporteurs oppose un «préavis de travail» à l'interdiction de circulation des transports routiers ce fameux lundi. Le ministre des Transports a justifié cette interdiction par le fait que de nombreux salariés n'iront pas travailler et seront sur les routes. Face à cette situation, le Medef crie à l'incohérence. « On demande aux entreprises de continuer leur activité et, dans le même temps, on les empêche de s'approvisionner », déplore Pierre Nanterme, président de la commission économique.

Recours pour discrimination

La décision de faire travailler les salariés le lundi de Pentecôte est prise en 2004, par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, un an après la mort prématurée de 15 000 personnes âgées emportées par la canicule estivale. Il faut trouver des financements pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. D'où l'idée d'une contribution sur les salaires de 0,3 % pour les employeurs et d'une journée de travail non rémunérée pour les salariés. Votée sans concertation préalable, la loi déclenche un tollé. La CFTC introduit un recours devant le Conseil d'Etat, notamment pour discrimination entre salariés et non salariés. « On ne demande rien aux artisans, aux professions libérales ou aux parlementaires », s'emporte Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint. Ce syndicaliste ne se fait guère d'illusions sur la décision du Conseil d'Etat, mais il mise sur la Cour européenne des droits de l'homme (qui, le 2 mai dernier, a déclaré la requête recevable) ou... sur un changement politique.

En attendant, la CFTC invite ses délégués à refuser tout accord prévoyant l'abandon d'une journée de RTT ou l'augmentation de la durée hebdomadaire du travail. La CGT partage la même analyse. Son juriste Michel Miné cite les conventions et chartes européennes et internationales avant de rappeler que « tout travail mérite salaire ».

Assouplissements

Le comité de suivi et d'évaluation de la journée de solidarité, présidé par le député Jean Leonetti, a dressé, en juillet dernier, un bilan « mitigé » du dispositif et préconisé des « assouplissements ». Une position qui, selon FO, « pérennise une injustice ». L'actuel Premier ministre, Dominique de Villepin, a alors demandé aux ministres de l'Emploi et de la Fonction publique d'adopter des circulaires « permettant aux employeurs publics et privés de s'organiser librement en 2006 ». Ainsi, un accord de branche ou d'entreprise peut fixer la journée de solidarité à une date autre que la Pentecôte, la fractionner en sept heures ou prévoir la suppression d'une journée de repos.

Accord d'entreprise

La fonction publique a opté pour la suppression d'une journée de RTT. Les enseignants devront consacrer une journée ou deux demi-journées au projet d'établissement à une date fixée localement. Mais les enfants sont dispensés de cours, ce qui devrait inciter de nombreux parents à prendre une journée de congé ou de RTT.

Ainsi, chez Peugeot, l'accord d'entreprise mentionne le calendrier de l'Education nationale avant d'annoncer que la journée de solidarité ne sera pas travaillée. Les salariés sont invités à « positionner » une journée de RTT, de congés payés ou d'annualisation. A la banque HSBC, le 5 juin sera « journée collective de RTT », tandis que La Poste supprime une journée de repos. La SNCF allonge la durée quotidienne du travail de... 112 secondes ! TF1, Sanofi-Aventis ou Shell font cadeau du lundi de Pentecôte. Un accord a même été signé en ce sens dans la branche de l'assistance. Ce qui n'exonère pas les entreprises de la contribution de 0,3 %. L'Etat compte bien sur elle désormais. Elle aurait rapporté, selon le comité Leonetti, 2 à 3 milliards d'euros en 2005.

Lundi de Pentecôte, journée de solidarité « à titre subsidiaire »

Dans une circulaire du 22 novembre 2005, la Direction des relations du travail précise les souplesses laissées aux employeurs pour la journée de solidarité. Elle rappelle que la date de cette journée peut être fixée par accord. « Ce n'est qu'à titre subsidiaire que la loi fixe le lundi de Pentecôte comme journée de solidarité. » De plus, cette journée peut être scindée en heures, sous réserve de correspondre « à un travail effectif ».

En l'absence d'accord collectif, après consultation du CE ou des délégués du personnel, l'employeur peut fixer unilatéralement la journée de solidarité un jour autre que le lundi de Pentecôte, si l'entreprise fonctionne en continu, si elle est ouverte toute l'année ou si le lundi est un jour habituellement non travaillé.

Auteur

  • Martine Rossard