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Enquête

Les limites du système dual

Enquête | publié le : 23.05.2006 | Marion Leo, à Berlin

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Les limites du système dual

Crédit photo Marion Leo, à Berlin

Grâce à son système de formation par alternance, l'Allemagne a l'un des taux de chômage des jeunes les plus bas d'Europe. Mais le pays souffre chaque année d'une pénurie de postes d'apprentissage.

L'Allemagne possède un taux de chômage des jeunes à faire pâlir d'envie la France. En 2005, 12,4 % des moins de 25 ans se trouvaient sans emploi outre-Rhin (et 7,2 % des moins de 20 ans). Contrairement aussi à la France, le chômage touche très peu les jeunes diplômés universitaires. « Seuls 3 % à 4 % d'entre eux sont sans emploi », remarque Holger Schäfer, spécialiste de l'emploi à l'institut de recherche économique IW, basé à Cologne, proche des employeurs. Le chômage touche, avant tout, des jeunes peu qualifiés, issus en majorité de familles d'immigrés, ayant des difficultés à lire et à parler allemand. « 30 % à 40 % des jeunes d'origine turque sont au chômage », met en garde Holger Schäfer.

Pléthore de formations

Ce «faible» taux de chômage s'explique aussi par la pléthore de formations offertes par l'Agence nationale pour l'emploi (BA) ou par les Länder aux jeunes demandeurs d'emploi, qui disparaissent ainsi des statistiques du chômage. « L'idée de ces formations est bonne : au lieu de ne rien faire, ces jeunes doivent acquérir une qualification. Mais il est difficile d'évaluer leur impact », critique le chercheur de l'institut IW.

1,5 million de jeunes en apprentissage

Mais la force de l'Allemagne réside avant tout dans son fameux système dual d'apprentissage. En 2004, 1,5 million de jeunes suivaient un tel apprentissage, qui combine une formation sur le lieu de travail (quatre jours par semaine) et un enseignement plus théorique dans une école professionnelle (un jour par semaine). La formation, qui dure environ trois ans, est doublement bénéfique pour les deux parties. « Les apprentis apprennent directement dans l'entreprise ce qui va leur servir plus tard, explique Dirk Werner, spécialiste de la formation à l'institut IW, et plus de 50 % d'entre eux restent dans l'entreprise une fois formés. » Pour l'entreprise, le recrutement d'un apprenti coûte, certes, en moyenne 8 700 euros net par an. Mais elle forme elle-même son personnel qualifié de demain et économise des frais ultérieurs de recrutement et de formation.

Autre avantage : l'apprentissage est bien vu outre-Rhin et peut même marquer le début d'une carrière fulgurante, comme celle de Jürgen Schrempp, ex-apprenti devenu président du directoire de DaimlerChrysler.

Mais le marché de la formation par alternance se porte mal. Le nombre d'entreprises qui forment des apprentis a fortement reculé depuis la réunification. En septembre 2005, 40 900 jeunes n'avaient pas conclu de contrats d'apprentissage pour 12 600 postes à pourvoir, soit une pénurie de 28 300 postes.

Dans l'ex-RDA, la situation est particulièrement tendue, avec 23 demandes pour un poste à pourvoir dans le Brandebourg, contre 4 demandes pour une offre dans les anciens Länder. « Seule la moitié des entreprises forment encore des apprentis, reconnaît Dirk Werner. Mais cela s'explique par les difficultés conjoncturelles, par la perte de vitesse des industries traditionnelles, formant beaucoup d'apprentis et, enfin, par le faible niveau de formation des candidats ; 22 % des jeunes d'une classe ont des difficultés à lire et à calculer. » Karl Brenge, chercheur à l'institut DIW, à Berlin, est, lui, plus critique envers les entreprises : « Les PME, en particulier, mènent une politique du personnel à court terme. Dans quelques années, elles seront confrontées, surtout à l'Est, à une pénurie de personnel qualifié. »

Pacte pour la formation

Pour remédier à la baisse des offres, le gouvernement allemand et les entreprises ont signé, fin 2004, un «pacte pour la formation» d'une durée de trois ans. Dans ce pacte, les entreprises se sont engagées à offrir, chaque année, 30 000 nouveaux contrats de formation et 25 000 «stages de qualification». D'une durée de six à douze mois, ces stages en entreprise, subventionnés par l'Etat, s'adressent aux jeunes n'ayant pas obtenu de poste d'apprentissage.

« Ce pacte est très positif. Les entreprises ont proposé plus de contrats de formation que l'an passé et les stages de qualification permettent très souvent à leurs titulaires de devenir apprentis dans l'entreprise. C'est le chemin à suivre pour lutter contre le chômage des jeunes », assure Dirk Werner.

Allemagne

> Taux de chômage des jeunes : 12,4 %.

> Principale mesure : formation par alternance.

Auteur

  • Marion Leo, à Berlin