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Les Pratiques

EDF-GDF tente de court-circuiter les agressions

Les Pratiques | Point fort | publié le : 15.11.2005 | Jean-François Rio

Critiquée par la CGT dans un copieux rapport publié en juin, la politique de prévention de la violence exogène au travail, menée par EDF-GDF Distribution, a été relancée voilà trois ans. Au menu : programmes de formation pour les agents et les managers, travail avec le tissu associatif dans les quartiers sensibles et analyse du risque.

ALa Courneuve (93), le mois dernier, deux salariés d'EDF ont été violemment agressés par un individu armé. Le motif d'un tel acte ? Les électriciens devaient procéder à une coupure de courant en raison d'impayés. Si cet épisode s'est finalement terminé sans conséquence grave pour les deux agents, il montre à quel point les salariés d'EDF-GDF sont exposés aux phénomènes de violence dans le cadre de leur métier.

En 2004, selon un recensement effectué par la direction d'EDF-GDF Distribution, environ 1 000 «événements» - regroupant, pêle-mêle, agressions physiques, menaces, injures et autres types d'incivilité - ont été comptabilisés, donnant lieu à 27 accidents du travail. Le chiffre avancé par l'entreprise publique correspond-il à la réalité ? Rien n'est moins sûr, tant il paraît compliqué, pour une entreprise de cette taille, de tenir un registre fiable des incidents. Sans compter qu'un salarié agressé n'ose généralement pas en parler à sa hiérarchie.

Extension des violences

Une chose est certaine cependant : dans plus de 80 % des cas, la violence dirigée contre les personnels d'EDF-GDF a pour origine les interventions pour coupures de courant ou de gaz. Autre constat : les quartiers sensibles des grandes agglomérations n'ont plus le monopole du coup de poing et de l'invective, gaziers et électriciens se font désormais agressés dans des zones pavillonnaires de villes de moindre importance, voire en milieu rural !

Un pavé dans la mare

Alors que l'entreprise publique vient d'ouvrir son capital et que le gouvernement met la dernière main à son plan «violence et santé» (voir encadré), les syndicats ne pouvaient rester insensibles au sujet. En juin dernier, c'est la puissante fédération CGT des mines et de l'énergie qui est montée au créneau, avec une étude de plus de 140 pages intitulée La problématique des agressions physiques des agents du service public de l'énergie survenues en service et commises par des tiers. La centrale de Montreuil y décortique le phénomène, préconise des pistes de progrès, tout en soulignant que les agressions ne sont pas suffisamment prises en compte par la direction. Envoyé mi-juillet aux groupes parlementaires et aux préfets, le rapport a été adressé, début septembre, à Nicolas Sarkozy. Sans grand résultat à ce jour. « Pour l'instant, seuls le maire d'Issy-les-Moulineaux (92) et le préfet des Hauts-de-Seine ont montré un intérêt pour notre travail, indique Thierry Gerber, un des auteurs de l'étude, membre du CNHSCT d'EDF-GDF. En revanche, le rapport a suscité de nombreuses réactions dans la communauté des chercheurs. Du coup, il est prévu que nous apportions notre concours à plusieurs projets de recherche. »

L'étude cégétiste a au moins permis de jeter un pavé dans la mare au sein même de l'entreprise. Alors que les banlieues de la capitale s'embrasent, les agressions seront à l'ordre du jour du CNHSCT du 22 novembre. « La direction minimise le phénomène, soutient Thierry Gerber. Par exemple, nous avions, au sein du CNHSCT, constitué un groupe de travail «insécurité et agression». Celui-ci ne s'est toujours pas réuni car elle traîne les pieds. »

Sans aller jusqu'à affirmer que l'entreprise ignore la réalité, la CGT estime qu'elle accuse un retard par rapport à d'autres entreprises publiques, RATP en tête. Parmi ses recommandations, le syndicat plaide pour le déploiement d'une vaste campagne de prévention. « Nous pensons qu'il est nécessaire d'aller dans les établissements scolaires, de rencontrer les associations de manière à expliquer la mission parfois délicate des agents. Aussi, il nous paraît primordial que la direction assouplisse ses règles de gestion afin que le salarié retrouve une marge de manoeuvre. Aujourd'hui, il est obligé de couper le courant aux usagers qui traversent une mauvaise passe financière. »

Prévention nationale

Considérant la CGT comme un de ses partenaires naturels dans la réflexion qu'elle mène sur la violence au travail, la direction d'EDF-GDF Distribution, qui emploie 65 000 agents, se dit toutefois étonnée par le procès d'intention mené par l'organisation syndicale. « Dire que l'entreprise ne fait rien pour gérer la violence qui frappe nos agents est sans fondement », avance Patrick Dedreux, délégué prévention santé-sécurité à EDF-GDF Distribution.

Dans cette entreprise, la prise de conscience remonte à une dizaine d'années, sous l'impulsion de quelques centres de distribution implantés dans des banlieues sensibles. Une politique de prévention nationale a été véritablement lancée, il y a un peu plus de trois ans. L'idée : s'intéresser au ressenti de l'agent en le plaçant au coeur de la démarche. « En s'appuyant sur les bonnes pratiques des centres pionniers, nous avons mis l'accent sur le milieu associatif dans les quartiers difficiles afin que nos agents puissent à nouveau travailler sereinement dans leur zone d'intervention. Ensuite, nous avons bâti des programmes de formation sur l'ensemble du territoire avec cinq cabinets spécialisés », détaille Patrick Dedreux.

Jeux de rôles

Visant l'opérateur de terrain, le conseiller clientèle au téléphone et le manager, les formations à la prévention des risques sont organisées sous forme de jeux de rôles où les stagiaires apprennent les différentes formes de violence, les comportements qui les accompagnent et les moyens d'y répondre par le langage et la posture. Autre volet du programme : les formations consacrées au suivi post-traumatique. Une assistance psychologique est aussi apportée à la victime. « Sur environ 100 centres dans l'Hexagone, 95 auront réalisé, d'ici à la fin 2005, une analyse du risque sur la violence au travail, tandis que 65 auront suivi une formation. En fin d'année, 7 000 personnes seront formées, soit 40 % de l'effectif concerné, représentant 120 000 heures de formation », indique Patrick Dedreux.

EDF-GDF Distribution évalue à 8 millions d'euros le coût global de la démarche en 2004, dernier chiffre connu. Pour 2006, l'entreprise prévoit déjà de former 10 000 personnes supplémentaires, soit 180 000 heures de formation.

Auteur

  • Jean-François Rio