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Le CE et son conseil contrecarrent les projets de Nestlé

Enquête | publié le : 15.11.2005 | Marie-Pierre Vega

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Le CE et son conseil contrecarrent les projets de Nestlé

Crédit photo Marie-Pierre Vega

Un repreneur pourrait sauver une partie de l'usine Nestlé Saint-Menet à Marseille, dont la fermeture pure et simple avait été annoncée il y a dix-huit mois. C'est le fruit du travail des élus du CE, mené avec le cabinet de conseil Sogex-Acte.

Il y a dix-huit mois, l'usine Nestlé Saint-Menet était promise à la fermeture pour juin 2005. Mais, aujourd'hui, un industriel, Net Cacao, propose de reprendre l'usine marseillaise et, dans un premier temps, 180 des 427 salariés. Cette proposition a pu voir le jour grâce à l'acharnement des élus du personnel, des salariés et de leur cabinet de conseil Sogex-Acte.

« Rien n'est encore gagné, tempère Jean-Pierre Ribout, secrétaire CGT du CCE. Mais si les élus du personnel ne s'étaient pas autant mobilisés et s'ils n'avaient pas demandé à Sogex-Acte d'élaborer une solution alternative au projet de la direction, tout le monde serait aujourd'hui licencié. Et rappelez-vous, Nestlé ne voulait entendre parler de rien, surtout pas d'un repreneur éventuel. La direction n'arrêtait pas de dire que l'usine n'était pas viable économiquement. Avec Sogex-Acte, nous avons démontré le contraire. »

Assistance au droit d'alerte

Depuis plusieurs années, ce cabinet parisien de conseil aux CE est «l'expert aux comptes» du CCE de Nestlé France et des CE des différents établissements du groupe. « Lorsque la direction a annoncé la fermeture, le CCE a émis un droit d'alerte et nous a demandé de l'assister dans ce cadre, comme la loi l'y autorise », explique Jean-Louis Poly, responsable du groupe agroalimentaire chez Sogex-Acte. « Nous nous sommes appuyés sur les éléments accumulés ces dernières années, notamment des éléments de comptabilité analytique, pour démontrer la viabilité du site. » Ce travail permet d'abord aux élus de contester devant la justice les causes économiques avancées par la direction et d'obtenir la suspension de la procédure.

Solution alternative

Ensuite, le CE demande à son expert de bâtir une solution alternative à la fermeture. « Mettez-vous à la place d'un repreneur et construisez-nous un business plan, voilà ce que nous leur avons demandé », se souvient Jean-Pierre Ribout. Pas si simple : « Nous ne pouvons pas élaborer de business plan. Par exemple, nous pouvons évaluer le besoin en fonds de roulement, mais pas dire comment le financer. Ce travail est celui du repreneur. » Elus et experts parviennent à s'entendre. « Sans aller jusqu'au business plan, il nous fallait davantage que la description en trois pages d'un squelette industriel. Le cabinet l'a bien compris », estime Jean-Pierre Ribout.

Réorientation de la production

Deux experts de Sogex-Acte, tous deux économistes, « très bons connaisseurs du secteur de l'agroalimentaire », selon Jean-Louis Poly, rendent un rapport. Selon celui-ci, 300 à 350 emplois pourraient être sauvés si un repreneur récupérait le site en le spécialisant sur la production de chocolats d'entrée de gamme et de café en grains et moulu. Le rapport tient compte du préalable imposé par Nestlé, qui refuse de céder ses installations de production de café soluble.

Conditions d'une reprise viable

Impossible, dès lors, d'ignorer que l'usine pourrait être sauvée. Sous la pression médiatique et judiciaire, le préfet de région confie à la chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence le soin d'« étudier une dernière fois les conditions d'une reprise viable ». Son travail débouche sur un appel à reprise, fondé sur un cahier des charges en partie éloigné des conclusions de Sogex-Acte. « Il privilégie une reprise de l'activité chocolat et ne dit que trois mots sur le café, estimant que cette activité ne serait pas viable », déplore Michel Rossi, président de la coordination nationale CFE-CGC de Nestlé en France. Au total, dix candidats manifestent leur intérêt pour le chocolat, dont Net Cacao, le finaliste.

Début novembre, l'industriel a présenté son projet aux syndicats. Mais il faut encore que Nestlé accepte d'acheter une partie de la production les trois premières années. Les élus réclament aussi l'annulation pure et simple de la procédure de licenciement engagée dans le cadre d'une cessation d'activité. « La procédure doit redémarrer à zéro puisque le contexte est, désormais, celui d'une reprise partielle des contrats de travail », fait remarquer Michel Rossi.

Le CE demande, par ailleurs, le lancement d'un nouvel appel d'offres sur l'activité café, s'appuyant sur le rapport de Sogex-Acte. Jean-Pierre Ribout salue le travail du cabinet : « Je ne vois pas comment un CE, confronté à une restructuration, peut s'en sortir sans l'appui et l'expertise d'un cabinet de conseil. »

Auteur

  • Marie-Pierre Vega