D'abord une scène banale de conflit familial.
Coincé dans le même carré central d'un wagon de TGV, faisant semblant de lire attentivement mon bouquin, j'entends toute la conversation, à mots pourtant feutrés, de mes voisins immédiats.
Tout y passe. En gros, Monsieur n'a pas honoré ses promesses en nombre de week-ends, tandis que, je résume un peu, Madame n'a pas porté le moindre intérêt aux activités de Monsieur, auxquelles il entend pourtant l'intégrer, tant dans ses sorties sportives que dans ses relations professionnelles.
On en vient à sortir les agendas et à vérifier les comptes. Je ne peux quand même pas me pencher sur l'épaule de mon voisin, mais je vois qu'on remplit des grilles en deux colonnes, façon résultat de partie de tarot, avec addition à la fin. On fait le total, et là, pas de chance, c'est Monsieur qui gagne. (Je dis pas de chance, parce que, personnellement, un vieux fonds de culpabilité m'aurait fait préférer que Madame l'emporte. Mais bon, on se fiche de ma culpabilité...)
A ce moment, Madame, dans un geste d'humeur et les yeux au ciel : « Peut-être. Mais ce n'est pas ça qui compte ! » Je m'applique à lire le plus ostensiblement possible, en me demandant quand même pourquoi on compte avec tant d'ardeur ce qui, finalement, ne compte pas ?
Fin du premier épisode.
Deuxième épisode, à l'occasion d'un entretien de recrutement. Le candidat est un jeune professionnel déjà assez expérimenté pour avoir bénéficié, dès ses années d'école, de stages très intéressants, qui ont été à l'origine d'une montée en puissance très rapide de ses responsabilités.
Et de sa rémunération ? « Aucun problème. Elle a toujours suivi. Il faut dire que, dans ce job de commercial, c'est quasiment automatique. Rien à dire là-dessus. Mais je partirai quand même. De cette boîte, pas de ce métier. Parce que je ne suis pas qu'une machine à produire du cash. Je trouve qu'on pourrait considérer un peu mieux notre contribution aux performances de l'entreprise. Et ces gens qui croient avoir tout fait parce qu'ils nous paient des primes, finalement, ce n'est pas mon truc. »
Tiens donc. Elle avait raison, la dame du train. Ce qui compte le plus dans le management, ce n'est pas forcément ce qui se compte.
A méditer.
Pierre-Loïc Chantereau <
